Le jour même où débutent les audiences de la Commission Mourir dans la dignité, Claude Béchard bat en retraite et retourne parmi les siens, pour y terminer son combat à l’abri des caméras, des micros et des clameurs publiques.
Quitter la politique, c’est une manière de retrouver la dignité. Claude Béchard, manifestement, était entré en politique pour SERVIR; quitter la politique, quand ce sont les circonstances qui nous y contraignent, c’est un peu mourir à la vie publique. Quant il a profité d’une accalmie apparente dans la progression de la maladie pour reprendre le bâton du pèlerin député et ministre, il s’en était d’ailleurs expliqué: « Ça fait du bien de se sentir utile« , qu’il disait.
Il n’y a rien de plus assassin que le sentiment de ne pas être utile. De ne plus être utile.
Si Claude quitte à ce moment précis, c’est qu’il a compris qu’il a mieux à faire auprès des siens, à qui il sait pouvoir donner encore.
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Alors que j’étais inscrit en maîtrise à l’extérieur du Québec, j’ai appris que mon père était atteint de cette forme insidieuse de cancer qui étrangle le corps et en expulse la vie. Ma mère et moi, nous ne lui avons jamais parlé, ni de son cancer, ni de cette échéance qui approchait; et lui-même est demeuré fort discret, sans doute pour ne pas troubler notre sérénité. En deux ans à peine, il a perdu près de la moitié de son poids. Un vendredi après-midi, il s’est levé, et le coeur a flanché.
Il m’est impossible de penser à Claude Béchard sans en même temps revoir cette image de mon père. Revoir? À vrai dire, cette dernière image de mon père, j’ai dû l’imaginer, car j’étais à des centaines de kilomètres. Je n’étais pas là pour prendre sa main et toucher son âme avant qu’elle ne s’envole. Ni pour sécher les larmes de ma mère effondrée aux côtés de son compagnon des 37 dernières années.
Claude Béchard a pris la bonne décision. Se montrer fort, c’est parfois accepter d’assumer sa faiblesse.
Avec le recul, je regrette ces discussions que nous n’avons pas eues, mon père et moi, sur le sens de la vie, et sur le sens de la mort. Que ressentait-il à la perspective de son départ prochain? Il ne s’en est pas ouvert. Que ressentions-nous, ma mère et moi? Jamais nous ne lui en avons soufflé mot. Nous avons ainsi, de part et d’autrei, laissé filer l’ultime occasion.
Merci, Claude Béchard, pour avoir su la saisir.
Quel plaisir de constater qu’il y a encore des gens qui voient au-delà des apparences!
Ces silences, je les ai vécus auprès d’un être cher en train de mourir et je sais à quel point ils sont pénibles.
Merci de cette dose d’humanité dans ce monde stérile.
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Thanks.
When I first submitted this tribute to Mr Béchard, I sincerely hoped he would be able to survive his retirement at least a few months. You probably understood that my father died from a pancreatic cancer.
A few hours later, I heard that he just passed away; to me, it was quite a shock.
I’m no longer a Liberal. But to me, Claude Béchard was, and will remain an archetype.
He’s gone, but he will never be forgotten. Let’s hope he has set a new standard for politicians.
Le problème, c’est qu’il aurait du quitter la politique bien avant. Il était trop tard.
D’un point de vue personnel, c’est un excellent billet. D’un point de vue politique, vous savez ce que j’en pense.
« But to me, Claude Béchard was, and will remain an archetype. »
Pourquoi?
« Claude Béchard, manifestement, était entré en politique pour SERVIR »
Servir qui?
@david
« Le problème, c’est qu’il aurait du quitter la politique bien avant. Il était trop tard. » – 16h03
Dans un sens, oui. Mais je pense que Béchard aurait été incapable de survivre hors de cet aquarium qu’est la politique. Ne soyons pas dupes, par ailleurs: comme il s’en est exprimé à France Beaudoin le 2 aout, il avait commencé à faire des choix. Cela dit, en date du 2 août – il y a 5 semaines -, il semblait capable d’assumer ses fonctions.
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Ne soyez pas cynique à ce point. (votre 16h07). La politique attire parfois des êtres intègres et passionnés. Béchard était (à mon avis) un de ceux-là.
Je vais citer l’exemple d’un sexagénaire que je connais bien (moi-même!), qui autrefois a servi au niveau municipal.
Je n’ai retiré de cet engagement que des embêtements sur les plans familial, personnel et professionnel.
Sur le plan familial, la madame était pas très contente de cet engagement qui tenait le monsieur loin de la maison. Sur le plan personnel, ça m’aura valu des menaces de mort, rien de moins. Sur le plan professionnel, les heures consacrées à ce quasi-bénévolat auraient pu être consacrées à mes dossiers; j’ai privé mes associés et moi-même de revenus importants.
Je voulais SERVIR la communauté, et lui rendre une partie de ce qu’elle m’avait donné.
Je pense que Claude Béchard appartenait à cette catégorie d’individus qui veulent servir. Oubliez le salaire. Oubliez les retours d’ascenseur. À mon humble avis, ça n’explique en rien la carrière de Claude Béchard.