Les années 60 débutent en 1959. Sur les chapeaux de roue. En moins de 10 mois, le Québec aura eu 4 premiers-ministres. Maurice Duplessis, réélu en 1956, meurt le 7 septembre 1959. Paul Sauvé lui succède le 10 septembre , mais décède à son tour le 2 janvier 1960. Antonio Barrette devient premier ministre le 8 janvier, avant d’être battu à l’élection générale du 22 juin 1960.
La Révolution tranquille. La nationalisation de l’électricité. La création d’un ministère de l’éducation. Une première dame à l’Assemblée nationale. L’émancipation politique des femmes au Québec. Et leur émancipation judiciaire; avant 1964, une femme devait obtenir l’autorisation de son mari pour intenter contre lui une action en séparation!
Expo 67: un maelstrom, dont ceux qui n’y étaient pas peuvent difficilement imaginer l’impact.
La décennie du rêve assassiné: les deux frères Kennedy, Martin Luther King… Mais c’est aussi la décennie des soixante-huitards, du printemps de Prague. C’est aussi Berkeley, Woodstock, la boucane. Les bombes du FLQ. McGill français. Politique et culture, sens dessus dessous.
Daniel Johnson – le père – lancera en 1965 un slogan évocateur: l’indépendance si nécessaire, mais pas nécessairement l’indépendance. En 1966, les iniquités flagrantes de la carte électorale portent Johnson au pouvoir. À l’occasion de la tenue d’Expo 67, le Général de Gaulle lance du balcon de l’Hôtel de ville « un Vive le Québec… liiiiibre » qui aura galvanisé une foule incrédule.
René Lévesque quitte les Libéraux et fonde le Mouvement Souveraineté-Association, qui deviendra le Parti Québécois. Des rêves meurent. D’autres naissent…
Et cette décennie, comme la précédente, se termine sur un fond de coulée de lave incandescente. Ça tourne vite. Très vite.
17 janvier 1970: Congrès du PLQ
La course à la chefferie du PLQ s’achève sur une victoire écrasante de Robert Bourassa (53.1%) aux dépens de Claude Wagner (28.7%) et de Pierre Laporte (18.2%). L’homme d’Ottawa et de l’establishment du Parti aura vaincu l’homme du Law and Order, de même que celui que la police associait déjà volontiers aux mafiosi. Deux délégués au congrès, membres du clan Wagner, m’avaient raconté que des démarcheurs avaient tenté d’acheter leur allégeance. Quoi qu’il en soit, Wagner a manifesté son dépit en claquant la porte (heu…) du parti.
29 avril 1970 : Élection du PLQ:
Les communautés culturelles se mobilisent; pour la première fois, elles se sentent menacées par l’émergence d’un parti souverainiste.
Le curé de St.Dominic’s Catholic Parrish, Father Schultz, en fait la démonstration éclatante, le 26 avril, à quelques jours de la tenue du scrutin provincial. Comme plusieurs francophones, je préférais la messe des Irlandais à celle de l’église St-Pierre Claver, toute proche. Le sermon y était plus court, et puisque les fidèles y étaient moins nombreux, la Communion y était expédiée en deux temps trois mouvements.
À l’entrée, ce 26 avril 70, je note au milieu des Living with Christ et des piles du Parrish Bulletin, des amoncellements de brochures du Parti Libéral du Québec. Je n’en fais pas de cas; rien ne prouve que Father Schultz est associé à cette démarche pour le moins douteuse.
Mais Schultz ne met pas de temps à signer son forfait. S’adressant en français à ces francophones qu’il savait présentss, il dénonce le PQ, qu’il assimile à Castro. Ce dernier, dit-il, a leurré les Cubains et leur a fait croire qu’il allait les libérer de Battista et de la corruption. Lévesque entretient la même confusion… bla bla bla
J’ai presque bondi hors de mes chaussures, et j’ai quitté mon siège, dans un grand fracas. Très théâtrale, cette sortie. Théâtrale, et aussi bruyante que mes deux pieds me le permettaient. Bras en l’air, poing fermé, à la John Carlos. J’ai nettoyé la table à la sortie, en jetant par terre toutes les brochures du PLQ. Schultz m’a suivi des yeux et c’est tout juste s’il ne m’a pas excommunié!
My dear brethren, don’t let this young man [c’était moi!] disturb your thoughts. God wants you to elect the one government that will keep this Church alive. Keep the devil out. Renay Levekk is nothing else than a closet Communist. He will be the next Castro and he will emprison your prists if not yourselves. Don’t let him fool you with his misleading speeches. You MUST elect Bourassa!
C’est ce jour là que je suis devenu souverainiste.
Le 29 avril, j’ai voté pour le PQ. Avec 23% des suffrages exprimés, le PQ fait élire 6 députés. L’Union Nationale, avec moins de 20% des suffrages, fait élire 17 députés. Avec deux fois moins d’électeurs, les Créditistes font élire 11 députés. Et Bourassa, avec 45% du vote, s’est sauvé ave 72 députés.
La table était mise pour ces idéalistes qu’étaient les Simard, Rose, Lortie, Langlois, Cossette-Trudel, Lanctot, Carbonneau.
La Révolution avait cessé d’être tranquille…
j’viens d’avoir un flash…..ca bougeais en maudit dans les années 60…beaucoup de changement …ceux qui nous dirigent aujourd’hui étaient ado a cette époque…ca se pourrais tu que l’immobilisme d’aujourd’hui est que nos dirigeant ont peur de revivre une époque semblable??
j’aimerais un jour que tu écrive sur expo 67 ca semble intéressant
Aller vers le passé, ou retour vers le futur…
Les jeunes de notre âge, Papitibi, ont gardé un souvenir inoubliable de l’époque.
Merci d’en avoir fait la relecture.
Donc, il a fallu d’un Irlanda (Father Schultz ?), un curé en plus, pour vous secouer.
Ce qui me ramène à un ou deux commentaires de mon cru quant aux conséquences politiques éventuelles du dénigrement du Québec, le fameux sport canadien, torontois surtout, nommément le Kwebek Bashing.
Je vous l’avoue sincèrement: vous écrivez très bien. Il est simplement dommage qu’à ce stade vous vous dissimuliez encore derrière un pseudo (Papitibi) qui n’est plus vraiment nécessaire. Mais je ne vous en ferai point reproche.
Quant à moi, je ne peux encore car je ne suis pas à la retraite..
@mangouste
Father Schultz n’était pas très Irlandais – si j’en juge par son patronyme. Ça sonne plutôt allemand, cette cloche-là!
En réaction, j’avais écrit une longue lettre à l’archevêché. Pas de réponse, bien sûr…
Ce qui me ramène à ma grand-mère maternelle, décédée 2 ans plus tôt à 97 ans. Elle vivait chez sa fille ainée, mais de temps à autre, ma mère prenait la relève. Auquel cas grand-maman Marie exigeait que nous écoutions le Chapelet en famille à la radio, vers 19h. À genoux et les bras en croix! Mais la mémé était devenue complètement aveugle, alors les genoux et les bras en croix, là là…
De mémoire, le Chapelet était encore récité et diffusé tous les soirs, quand ma grand-mère est décédée, mais cette diffusion ne lui a pas survécu très longtemps. Quand survint la Crise d’octobre, CKAC avait déjà sorti le Cardinal Léger de son horaire…
Pôv Mémé; je pense qu’elle n’aurait pas survécu à la fin du « Chapelet en famille »! Et encore moins à ma lettre adressée au Cardinal en avril 70!
N’empêche qu’il y avait quelque chose de « musical » ou de mystérieux lors que nous récitions ce chapelet en famille à 19h00. Lorsque mon grand’père nous le proposait, c’était bien sûr sans obligation, mais quelquefois on trouvait çà amusant d’y participer. Je me souviens que nous étions agenouillés dans le petit salon, où la seule lumière était celle, verdâtre, émanant du gros meuble radio. Et ces voix caverneuse, lointaines qui sortaient du vieux haut-parleur résonnaient en fait comme une étrange mélopée d’outre-tombe.
Bravo Papitibi t’as une sacrée mémoire.
Le seul « défaut » quand t’es jeune c’est de ne avoir un accès direct aux étapes qui nous ont menée où nous sommes rendu. Difficile de voir le recul du français pour quelqu’un dont les repères temporels se limitent à une dizaine d’années en arrière. Et l’histoire du Québec qui est mal enseignée alors qu’on tente par tous les moyens de faire une coupure mémorielle pour que les plus jeunes générations ne brassent pas la cage comme la génération des années ’70 l’a fait.
Cordialement.
Jean Émard
En fait, les créditistes ont fait élire 12 députés et le PQ en a fait élire 7: http://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89lection_g%C3%A9n%C3%A9rale_qu%C3%A9b%C3%A9coise_de_1970#R.C3.A9sultats
Tu as oublié deux comtés!!!
C’est drôle, car, pendant que, en 1970, tu votais PQ, mon grand-père (un bleu conservateur foncé qu’il sera jusqu’à sa mort) votait pour l’Union nationale (je te laisse deviner pour quel parti il votait au fédéral) et mon père accordait son premier vote à Camil Samson (il a, aussi, voté pour Réal Caouette, au fédéral)!!!
Mon grand-père a toujours voté conservateur et UN et il s’est rabattu sur le PLQ, à la mort de l’UN!!! Mon père a voté créditiste au fédéral, durant toutes les années 1970 (1972, 1974 et 1979) et en 1980, puis pour les deux élections de Brian Mulroney (1984 et 1988), puis pour le Bloc (1993, 1997, 2000 et 2004), puis pour le PCC (2006 et 2008)!!! Au provincial, il a, aussi, voté PQ (1973, 1976, 1981, 1994 et 1998), puis PLQ (1985, 1989 et 2003), puis ADQ (2007 et 2008)!!!
Note que les deux n’ont jamais voté pour le PLC!!! 😉
@Poulou
« …vous écrivez très bien. Il est simplement dommage qu’à ce stade vous vous dissimuliez encore derrière un pseudo (Papitibi) qui n’est plus vraiment nécessaire »
Je suis touché par le compliment, et d’autant plus touché que nos divergences idéologiques sont bien documentées… de même que les tartes à la merde que nous avions l’habitude de nous lancer l’un au visage de l’autre…
= = =
L’anonymat ne m’est plus nécessaire, croyez-vous?
Ce n’est pas parce que je suis retraité que des liens ne pourraient être faits – éventuellement – entre l’ignoble « Papitibi » et le Tribunal dont il était membre…
Et c’est sans compter sur les menaces qu’on m’a transmises depuis 2 ans…
Dans une autre vie, peut-être?
@Jean-Luc Proulx
Bien possible que j’aie oublié deux députés dans mon décompte; c’est que moi, je citais de mémoire et c’est il y a 40 ans! C’est dire la profondeur du dégoût que j’avais éprouvé…
À te lire, je reconnais ton grand-père et ton père en toi.
« Note que les deux n’ont jamais voté pour le PLC!!! »
Je note qu’ils n’ont pas davantage voté NPD! Si je voulais être méchant, Jean-Luc, je te dirais que tu n’es encore que le prolongement de la pensée politique de tes parents et grand-parents. Tu n’as pas encore osé sortir du moule.
Tu me parles de Samson et de Caouette; que tu le veuilles ou non, les libertariens du temps, c’étaient eux! Je les ai connus; tous les deux ont représenté le comté où j’habite encore aujourd’hui. Tu serais même surpris de savoir à quel point j’ai connu la famille Caouette…
Décédée en 1978 à 93 ans et quelques jours, une soeur de mon père (libérale toute sa vie) a eu le temps de voter 3 fois pour le PQ.
Dans ma famille, c’était difficile de s’arracher aux Libérules; un cousin de mon père a été député, et ministre. Ça laisse des traces. Mais tous ceux qui ont vécu après 70 ont viré Péquissss.
Influencer ses parents plutôt que se laisser influencer par eux. Tsé veux dire?
Entre le 26 et le 29 avril 70, j’avais pas eu trop de mal à convaincre mon père, qui n’a jamais eu beaucoup de respect pour les soutanes (pourtant, il avait un cousin chanoine), et encore moins pour les soutanes qui prétendent influencer le vote (comme Father Schultz à St.Dominic’s).
Au féderal? Je l’ai fait voter NPD, en 1965 (le candidat NPD était Réginald Boisvert, auteur de téléromans, créateur de Pépinot et Capucine et père d’un ami à moi).
Boisvert avait terminé 2e, loin derrière le candidat libéral.
Le son provenait aussi, chez moi, d’un énorme meuble radio, dont le haut parleur faisait 30 cm. De mémoire, ce meuble devait faire 125 cm de hauteur, 80 ou 90 cm de largeur et 60-70 cm de profondeur. Il diffusait une lumière jaunâtre; la lunette circulaire devait faire 30 cm de diamètre. Je ne me souviens pas du nombre de « lampes » qu’il y avait là-dedans – un peu comme notre premier téléviseur, une Dumont 1953. La radio, sauf erreur, était de marque Marconi. Je pense qu’on l’a remplacé vers 1962-1965 par un modèle de « table », un Telefunken, que je viens de vendre à titre d’antiquité!
Je me souviens, par ailleurs, de la voix morne du présentateur: « directement de la cathédrale Marie-Reine du Monde…. »
Et c’est dans le corridor que ma mère et moi étions agenouillés; le tapis était épais, moins pénible pour les genoux! Mon père, lui, « écoutait » la télé, étendu dans son La-Z-Boy. Ses ronflements traversaient le porte…
@ papitibi.
Voici comment j’ai voté à toutes les élections (fédérales, québécoises et municipales), depuis que j’en ai le droit!!!
Élections québécoises du 26 mars 2007: Action démocratique du Québec
Élection partielle à la mairie de Québec du 2 décembre 2007: Régis Labeaume
Élections fédérales du 14 octobre 2008: Parti conservateur du Canada
Élections québécoises du 8 décembre 2008: Parti québécois
Élections municipales du 1er novembre 2009 à Québec: annulation du vote à la mairie et candidat indépendant au poste de conseiller
Alors, ne viens plus me dire que je me forge une opinion par ma famille!!!
Mon père est devenu, avec le temps, un monarcho-fédéraliste et un lucide, alors que moi, je suis un souverainiste de la droite libertarienne!!!
En passant, Samson militait pour que l’État oblige le port du costume obligatoire dans les écoles!!! Pas très libertarien, ça!!!
À lire, aussi: http://lequebecdedemain.blogspot.com/2009/05/le-triste-cas-de-ladq.html
P.S.: Moi, voter NPD???
Non, mais, tu veux rire de moi??? Même si j’admets qu’il est un peu moins communiste que QS, le NPD demeure toujours un parti communiste!!!
@ Jean-Luc
Je persiste et je signe: tu es le fils de ton père et le petit-fils de ton grand-père. Tu suis leurs traces. Ils étaient de droite et tu es de droite.
Je n’ai pas dit que Samson et Caouette étaient libertariens; je dis, par contre, qu’à une époque où le mot « libertarien » n’était pass très connu, ceux qui auraient voté libertarien si ça avait existé, eh bien ils votaient pour le Crédit social et le Ralliement créditiste.
Oublie les uniformes scolaires de Camille Chamchon: il avait peur des communichtes, et toi, tu vois des communistes partout. Même au NPD…
Ce que j’écris, tu ne le comprends pas. Pas nécessaire de voter EXACTEMENT comme ton grand-père pour avoir été formé dans le même moule que lui.
Il était duplessiste, tu es duplessiste. Mais comme l’Union Nationale n’existe plus, tu appuies ce qui s’en rapproche le plus.
= = =
Je te cite:
« Même si j’admets qu’il est un peu moins communiste que QS, le NPD demeure toujours un parti communiste!!! »
C’est ce que je disais: ta culture politique, que tu estimes complète, est encore pleine de trous. Vingt-deux ans, c’est encore très jeune. Trop.
À gauche, il y a les communistes. Moins à gauche, il y a les socialistes. Encore moins à gauche, il y a les sociaux-démocrates.
Le NPD est un parti social-démocrate. Comme la plupart des miliants du PQ. Québec-Solidaire, c’est plus à gauche que le social-démocrate moyen, mais pas assez à gauche pour être qualifié de communiste.
Va compléter tes lectures…
J’avais un ami un peu expérimentateur à cette époque « reculée » du chapelet. Il était le seul que je connaisse qui avait un modèle d’avion à moteur qu’il avait construit, et nous passions des heures à faire voler et à récupérer la chose par champs et par vaux, à cette époque insouciante. Mon plaisir prenait fin quand nous retournions chez lui, car je me faisais mettre le grappin dessus pour la récitation du chapelet à tout coup, radiodiffusée vers 16 h les week-ends en Gaspésie, si ma mémoire ne me fait pas faux bond. Famille très religieuse, et le père avait justement l’aspect d’un père d’une communauté religieuse… Maigrelet, ennuyeux et austère.
La messe, les vêpres, les chants chorales dans les églises, ça passait sans difficulté, mais le chapelet, non ! Pas du tout ! Et les curés sirupeux ou hargneux encore moins !
Et personne ne votait rhinocéros à part moi ?
Ha Ha… Ne me dis pas que tu habitais à Lacorne? C’est en Abitibi. D’ailleurs, on trouve de tout, en Abitibi. Même les Îles Mouk Mouk… Eh oui! C’est même pas une farce.