W Bush s’expliquera demain, 9 novembre 2010.
Il aura reçu une avance de $7M pour la rédaction de ses mémoires, qu’il a intitulées Decision Points. Le tirage initial sera de 1,5M de copies, rapportait Sheldon Alberts le 8 novembre dans le Edmonton Journal. La légende rapporte que Bill Clinton aurait reçu davantage pour la publication de My Life, en 2004; la BBC confirmait que 935000 exemplaires en avaient été écoulés la première semaine, dont 400000 dès le premier jour, un record.
Les experts s’entendent sur le fait qu’un lancement en septembre aurait rapporté plus gros. Pourquoi donc avoir reporté la publication au 9 novembre? Edward Luce, du Financial Times, proposait le 4 août 2010 l’explication suivante:
According to friends of Mr Bush, he resisted plans by the publisher to launch the book in September, which is traditionally a better time to maximise sales.
His friends say that Mr Bush, whose two terms in office remain unpopular among most Americans, did not want to insert himself into the midterm election campaign, where Republicans are expected to make big gains.
Depuis que cette étape est passée et qu’une partie de l’électorat a signifié à Obama qu’elle voit en lui l’Antéchrist, des fuites ont, bien sûr, été savamment orchestrées. Bush ne voulait pas nuire à la cause, par ses révélations; mais à défaut de pouvoir lancer le bouquin avant les mid-term, la publication de ses Instants décisifs, alors que la droite savoure encore sa toute récente mainmise sur le Congrès et que les partisans sont chauffés à blanc, n’est pas innocente.
Les armes de destruction massive
France-Soir rapporte dans son édition du 8 novembre:
Bush a quand même quelques regrets, notamment celui de s’être laissé abuser par la CIA sur la présence d’armes de destruction massive en Irak, justification du déploiement des troupes américaines dans le désert irakien.
Abusé par la CIA? Ou peut-être par sa garde rapprochée, dont faisaient partie quelques faucons notoires, parmi lesquels l’ancien secrétaire-adjoint à la Défense, le néo-conservateur Paul Wolfowitz. On peut lire au sujet de ce dernier, dans Wikipédia :
En février 2001, il est nommé par George W. Bush au poste de secrétaire adjoint à la Défense, sous les ordres de Donald Rumsfeld. C’est à ce poste qu’il se fait l’artisan et l’ardent défenseur du renversement du régime de Saddam Hussein et de l’invasion militaire de l’Irak dès le lendemain des attentats du 11 septembre 2001. Il a en outre qualifié les évènements du 11 septembre d’opportunité pour la mise en place d’une nouvelle donne géopolitique au moyen-orient.
Catalogué comme un des plus radicaux des néo-conservateurs, il est chargé de trouver les justifications juridiques de l’invasion de l’Irak et est considéré comme le principal responsable des déconvenues de l’armée américaine notamment dans sa recherche des armes de destruction massive. Il affirmait alors que « les revenus du pétrole irakien au cours des deux ou trois prochaines années allaient apporter 50 à 100 milliards de dollars, qui viendraient rembourser la propre reconstruction du pays et plus encore ».
Ce n’est pas la CIA qui a dicté à W le choix de ses collaborateurs. Mais l’homme s’est laissé aveugler par le désir de venger le 11 septembre 2001. À des fins purement électoralistes, il a exacerbé puis exploité le patriotisme délirant des Américains et nourri la vindicte populaire en désignant un bouc émissaire avant de l’humilier, de le juger sommairement et de le condamner à mort. Du pain et des jeux. Des morts et la guerre…
W a fait fi de l’avis des experts internationaux. Il a fait fi des conclusions de la mission d’observation de l’ONU. Tous niaient la présence des armes de destruction massive en sol irakien. Mais l’avis de Wolfowitz aura prévalu.
Le waterboarding
Dans un article qu’il publiait le 3 novembre dans le Washington Post, R. Jeffrey Smith écrivait :
In a memoir due out Tuesday, Bush makes clear that he personally approved the use of that coercive technique against alleged Sept. 11 plotter Khalid Sheik Mohammed, an admission the human rights experts say could one day have legal consequences for him.
In his book, titled « Decision Points, » Bush recounts being asked by the CIA whether it could proceed with waterboarding Mohammed, who Bush said was suspected of knowing about still-pending terrorist plots against the United States. Bush writes that his reply was « Damn right » and states that he would make the same decision again to save lives, according to a someone close to Bush who has read the book.
President Obama and Attorney General Eric H. Holder Jr. have both said waterboarding is an act of torture proscribed by international law, a viewpoint supported by a handful of Republican lawmakers on Capitol Hill and opposed by other Republicans. But the Obama administration has not sought to punish former Bush administration officials for approving it.
Puisqu’une règle non écrite semble interdire à un nouveau Président de poursuivre un prédécesseur pour ses exactions et infractions au droit domestique et international, l’Histoire s’en chargera.
Hitler croyait protéger l’Allemagne quand il a ordonné la Shoah. Bush croyait protéger les États-Unis quand il a « autorisé » (ordonné!) la torture de certains détenus, au mépris du droit international. Certes, les conséquences ne sont pas les mêmes. Certes, il y a une différence de degré dans l’infamie. Mais dans les deux cas, on peut parler d’infamie.
Dick Cheney
Dick Cheney projetait une image négative, du moins dans les médias et au sein de ce que Bush appelle la gauche. Mais chez les militants républicains, Cheney jouissait de solides appuis. Bush a néanmoins jonglé avec l’hypothèse de le larguer et de faire du sénateur Bill Frist son colistier à l’élection présidentielle de 2004.
Steve Holland (agence Reuter) révélait le 2 novembre:
Former President George W. Bush once considered replacing Vice President Dick Cheney,
…
The book includes the revelation that the controversial Cheney had volunteered to step down in 2003 so Bush could pick someone else as his 2004 campaign running mate.
Bush wrote that he considered the offer, writing that while Cheney “helped with important parts of our base, he had become a lightning rod for criticism from the media and the left.”
While Bush did not like Cheney’s image as described by critics, accepting his resignation offer would help “demonstrate that I was in charge,” he writes.
Bush said he talked to aides about asking Republican Senator Bill Frist to run with him instead of Cheney, but ultimately stuck with Cheney because he valued his steady hand.
Le pire cauchemar de Bush?
Le 43e POTUS évoque d’étrange façon l’ouragan Katrina. Il rappelle que dans le cadre d’un téléthon organisé pour venir en aide aux victimes de l’ouragan, le chanteur Kayne West avait dénoncé vertement l’inefficacité de l’administration Bush, et il avait même accusé le Président de se « foutre des Noirs » qui formaient la majorité des victimes.
Comme le rapporte France-Soir dans l’article déjà cité plus haut, cette allégation de racisme laisse encore un goût amer à l’ancien président.
« J’ai enduré beaucoup de critiques en tant que président. Je n’ai pas apprécié d’entendre des gens dire que j’avais menti au sujet des armes de destruction massive en Irak ou que j’avais baissé les impôts au bénéfice des riches. Mais la suggestion que j’étais raciste en raison de la réponse à Katrina a été le pire moment de tous ».
Je lui accorde le bénéfice du doute: ça n’était pas du racisme. C’était de l’incompétence. Crasse.
@papi
Ayez la dignité d’ajouter « torture » à « waterbording »!
@Lizzie 15h49 – C’est, en effet, de la torture. On l’a bien vu, dans le temps, sur ce clip qui montrait un sceptique subir lui-même le traitement, avant de demander grâce et de qualifier le waterboarding de torture, lui qui jusque là s’était moqué de ceux dont c’était l’opinion…
Je ne lirai pas le livre de Bush, mais concernant l’infâme mensonge sur les armes de destruction massive, j’ai vu le film Fair Game, et ça m’a suffit.
@papitibi 15:56
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Ouais c’est Christopher Hitchens. Il croyait que le waterboarding n’était pas de la torture… jusqu’à ce qu’il l’expérimente lui même (volontairement) :
Jean Émard
@Jean Emard
Merci, j’allais mettre le lien.
Make no mistake about it. Waterboarding is torture, scary and efficient enough to get information from the victim, false or true, but fitting…
Abou Graïb et Guantanamo sont probablement, à mon avis, la cerise sur l’iceberg et la pointe du sundae. Sans blague, ce qu’il aurait pu se passer dans les avions spéciaux de la CIA au-dessus des océans, hors de vue des témoins possibles, me laisse très songeur. Cela me remet en mémoire le traitement spécial reçu par les Argentins pincés par les généraux et balancés dans l’Atlantique du Sud, et probablement ailleurs, dans des contrées sauvages de l’Argentine du haut des airs. Qui a dit que le pouvoir corrompt déjà ?
N’est-ce pas Beria qui affirmait qu’il était en mesure de faire avouer à l’une de ses victimes qu’il était le roi d’Angleterre?
@poulou 18h15
Je n’ai pu trouver la citation mais c’est bien possible.
Raison de plus pour se méfier des aveux obtenus sous la torture… incluant la simulation de noyade dont W avait donné l’autorisation…
Clinton, Bush, Obama = trois étatistes finis qui sont les grands responsables de l’émergence de ce que j’appelle, dorénavant, l’Union des États américains socialistes (je suis très fier de cette série de billets)!!!
J’imagine que tu as une définition assez personnelle de « socialisme ». 🙂
Jean Émard
@Proulx
Peux-tu me donner juste UN exemple de pays qui, selon ta définition, n’est pas socialiste, et qui a une économie vigoureuse ?
Quelle plaie les néo-cons avec leurs brillantes idées pour refaire le monde. Une belle bande d’illuminés au pouvoir avec les conséquences tragiques qu’on a vues et qu’on continue de voir.
Bill Frist est un autre cinglé et sa venue comme vp n’aurait rien changé dans le discours et la posture de l’administration.
Cheney a été président pendant 2 heures le 9 juin 2002 à la suite d’une incapacité de Bush qui passait alors une colonoscopie. Je me souviens du tintouin que ça avait provoqué alors que plusieurs anticipaient la fin du monde durant ces 2 heures.
C’était fait à la blague bien sur mais j’avais vu une très bonne petite vidéo sur le sujet sur YouTube, que l’heure tardive m’empêche de retrouver. C’était Dick, avec sa bouche croche et ses idées tordues, entouré de champignons atomiques dans des scènes d’apocalypse. Tout à fait lui.
Il ne faut pas s’opposer au gendarme du monde lorsqu’il s’agit de tuer des arabes. Plus encore, il faut laisser les américains faire ce qu’ils veulent du monde du moment que c’est eux qui l’ont sauvé du nazisme.Pourquoi l’occident ne veut-il pas reconnaitre que du temps de SAADAM que l’on qualifie de dictateur, les chrétiens d’IRAK vivaient en paix avec les autres religions.Pourquoi l’europe fait-elle la sourde, muette et aveugle pour ce qui se passe au sahara occidentale en Corée du nord et en birmanie…………………………..
Bonjour Frédérick, et bienvenue sur mon blogue; je ne croyais pas avoir attiré des lecteurs vivant au Maghreb.
Je perçois de l’ironie dans les deux premières phrases de votre commentaire, mais pour ce qui est du reste, vous me semblez amer, et ce, avec raison.
Le « gendarme du monde », du moins à l’époque de Bush fils, avait tendance à voir le monde en noir et blanc, sans le moindre ton de gris. Du manichéisme à l’état pur: où bien vous êtes du côté des « bons », ou bien vous êtes du côté des méchants. Et pourtant, vous avez raison, ni les exactions commises par Saddam Hussein aux dépens des Kurdes et des Chiites ni l’invasion du Koweit ne me feront oublier que l’Irak de Saddam était AUSSI un foyer de résistance aux mollahs ultra-religieux du pays voisin, ni ne me feront oublier que si l’Amérique a été « attaquée » par Al Quaeda un certain 11 septembre, Al Quaeda n’avait aucune racine en Irak.
Depuis que les Américains ont envahi l’Irak, Al Quaeda y est présente. Et cela explique sans doute ceci…