Rémy Trudel, député de Rouyn-Noranda, devient ministre des affaires municipales le 29 janvier 1996. C’est à lui qu’a incombé la responsabilité de donner suite au rapport de vérification de l’administration du maire Vaillancourt, produit en 1995.
Rémy, que j’ai connu alors qu’il était recteur de l’UQAT, m’a fait l’honneur de réagir à un billet publié sur ce blogue le 17 novembre. Voici son commentaire:
J’ai donné suite à tous les éléments du rapport sauf un soit »apparence de collusion » disait l’ami de M. Chevrette [a] et ex- maire de Joliette près de Laval. Les preuves pour aller au tribunal de la concurence à Ottawa étaient trop minces et les « apparences de collusions » étaient ténues pour gagner dans [NDLR: manifestement, l’auteur voulait écrire devant un] tribunal.
Tous les autres aspects ont fait l’objet de corrections.
J’ai même retardé l’approbation d’un règlement d’emprunt pendant des mois pour m’assurer de l’application des recommandations.La cadavre politique de M. Vaillancourt étant encore chaud, il devient inutile de « voler au secours de la victoire [NDLR: « victime » me semblerait un terme plus approprié!] » après le décès !
Je prend acte du fait que Gilles Vaillancourt semble à l’ancien ministre être un cadavre politique; on verra!
Je crois comprendre par ailleurs de ce commentaire publié sur mon blogue que le choix du vérificateur Jacques Martin est essentiellement partisan, M. Trudel faisant vraisemblablement référence à son collègue du Conseil des ministres, Guy Chevrette.
Dans la mesure où le vérificateur avait lui-même occupé un poste de maire tout en possédant une longue expérience de la comptabilité et de la vérification dans le monde municipal, je ne nie pas la pertinence de ce choix. Toutefois, côté transparence, c’est autre chose. Il doit sûrement y avoir moyen de trouver un vérificateur moins partisan, loin du cercle des amis personnels d’un collègue ministre!
Unethical, donc.
Des amendements à la Loi – une nécessité absolue
Le ministre Trudel affirme par ailleurs avoir donné suite à toutes les recommandations du vérificateur Martin: Tous les autres aspects ont fait l’objet de corrections, écrivait-il ce 18 novembre.
Jacques Martin a procédé à une vérification comptable. Ça n’était pas suffisant. Tout comme il n’était pas suffisant de donner suite aux recommandations du vérificateur; le problème éthique que soulevaient les agissements et les décisions prises à la table du Conseil de Laval était, et demeure aujourd’hui plus général et commandait une réflexion plus profonde à laquelle, manifestement, le ministre des affaires municipales n’avait pas cru bon procéder.
Des choses demeuraient à faire. Les lois municipales comportent encore aujourd’hui certaines lacunes importantes; pourtant, aucun gouvernement ni ministre des affaires municipales n’a songé à colmater ces brèches béantes.
a) les organismes à but non lucratifs financés par les municipalités
Yves Boivert s’interrogeait à bon droit le 8 novembre, dans un article coiffé d’un titre évocateur: la pourriture municipale. L’article portait – ô surprise – sur une aberration qui implique la Ville de Laval:
La Ville a confié à un organisme à but non lucratif le projet d’une «Cité de la culture et des sports», évalué à près de 100 millions. Même s’il est dirigé par des hauts fonctionnaires de la Ville, l’organisme fonctionne hors du champ d’examen public. Enquête nous dit également que son conseil est composé de fonctionnaires municipaux. Son porte-parole est un avocat de Dunton Rainville payé par la Ville.
S’il est vrai que les fonds injectés dans le projet sont publics à 80%, au nom de quoi permettrait-on que cet organisme ne soit pas public?
Sauf erreur de ma part, la formation de tels organismes est souvent rendue nécessaire par certaines politiques gouvernementales qui autorisent le gouvernement à subventionner un tel organisme, alors qu’une subvention à la corporation municipale elle-même est interdite. Malheureusement, cette politique a des effets pervers, qu’il serait possible d’éliminer en assujettissant ces organismes à la Loi sur l’accès à l’information, et en étendant – par effet de la Loi – les vérificateur nommés par les municipalités à scruter les livres et la gestion de ces organismes lorsque des fonds municipaux y ont été investis.
Un tel amendement à la Loi n’interdirait pas l’octroi de subventions par le gouvernement fédéral, tout en mettant fin aux abus que dénonçait Yves Boisvert.
b) les contrats scindés en unités qui passent sous le radar
Certaines administrations municipales ont découvert depuis longtemps qu’il est parfaitement légal de scinder des contrats dont la valeur comporte une obligation d’aller en appel d’offres. Il suffit de scinder le contrat en une multitude de petits contrats dont la valeur est suffisamment basse pour qu’ils échappent à l’obligation des appels d’offre sur invitation ou des appels d’offres ouverts à tous les entrepreneurs, selon le cas.
Le gouvernement observe et ferme les yeux sur cette aberration: c’est légal, on peut rien faire!
Ne suffirait-il pas de rendre la chose illégale, sauf dérogation obtenue du ministre et sur présentation d’arguments valables. On peut imaginer certaines situations où aucun entrepreneur ne pourrait à lui seul réaliser l’ensemble des travaux, à titre d’exemple. Mais cette exception ne saurait autoriser un entrepreneur à obtenir de gré à gré 25 mini-contrats, là où il aurait dû autrement entrer en compétition et soumettre la soumission la plus avantageuse.
À vrai dire, si j’avais été ministre des affaires municipales, j’aurais eu tendance à ordonner à mes fonctionnaires de « spotter » les municipalités et villes qui ont adopté de telles pratiques, et de les surveiller à la loupe. Il n’est pas nécessaire d’être devin pour imaginer que cette pratique permet de graisser les ti-zamis et ouvre la porte toute grande à la corruption.
Les appels d’offres « dirigés »
Il est possible de créer illusion, comme on le fait parfois quand on affiche un poste destiné par ailleurs à une personne bien précise. Par exemple, on pourrait très bien lancer un appel de candidature pour un professeur d’anglais langue seconde dans le Nunavik. Si on prend la peine d’ajoute que la connaissance du mandarin serait un atout, on peut craindre que le poste est prédestiné à une personne facilement identifiable…
En région éloignée plus particulièrement, on peut arriver au même résultat quand on procède à un appel de soumissions pour l’achat d’une fourgonnette qui possèderait telle ou telle caractéristique propre à un manufacturier – et pas toujours essentielle! Ça permet d’éliminer les soumissions des concurrents du fournisseur déjà choisi dans le coeur de la personne qui prépare l’appel de soumissions.
À partir de ce scénario, toutes les hypothèses de corruption ou de favoritisme sont ouvertes.
Il faut savoir tirer les ficelles pour tirer avantage du système au maximum, ce qui sous-entend malversations possibles et à répétition dans certaines administrations, municipales et autres…
Un exemple, choisi au hasard de la mémoire : un maire de la Rive-Sud du Grand-Montréal qui, à juste titre, se bat bec et ongles contre les fusions forcées non annoncées ni prévues dans l’agenda électoral du gouvernement élu qui a ensuite imposé ces fusions. Une fois que le gouvernement suivant, élu pour permettre les défusions, a autorisé les soi-disant défusions, mais selon certaines règles plutôt restrictives, le maire en question ne montre pratiquement plus d’empressement à défusionner sa ville. Tout le contraire, en fait. On le retrouve plus tard dans des comités spéciaux de la ville-centre, et, chez ses conseillers, aussi, si non plus, antifusion que le maire, c’est ensuite l’impression de motus et bouche cousue qui ressort de leurs actions. Plus tard, eux aussi ont droit de s’asseoir près de l’assiette au beurre des divers comités…
Je ne suis pas ni ne serai jamais politicien, mais est-ce que la politique mène majoritairement à ce genre de comportement, ou bien est-ce uniquement la minorité politique ainsi devenue visible qui abuse du système, Monsieur Trudel ?
Article intéressant d’Yves Boivert: Casser la peur
Il porte sur l’efficacité des commissions d’enquête par comparaison aux enquêtes policières dans des situations systémiques graves, où des menaces de mort peuvent mener à l’étape suivante si l’omerta n’est pas respecté.
http://www.cyberpresse.ca/chroniqueurs/yves-boisvert/201011/18/01-4344171-casser-la-peur.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_vous_suggere_4344242_article_POS1
@ mangouste rieuse
Simple remarque technique. Quand on fournit un lien sur cyberpresse, il est inutile de coller ce qui vient après «.php». Ce qu’il y a après n’indique que la route qu’on a suivie pour arriver à cette page. Ainsi :
http://www.cyberpresse.ca/chroniqueurs/yves-boisvert/201011/18/01-4344171-casser-la-peur.php
mène au même endroit que l’adresse plus longue que vous avez laissé.
Darwin – bon à savoir… mais je risque d’oublier!
Superbe billet. Ostie, sommes-nous (la race humaine) capables de se débarasser de ça ?
Pu capabbb de mon maudit maire!