Yves Boisvert n’y va pas avec le dos de la cuiller: le juge Claude Larouche est une disgrâce pour la magistrature, écrit-il.
Le juge Claude Larouche, qui préside cette affaire hautement médiatique d’une façon chaotique, fait honte à toute la magistrature. Les avocats de Pierre Karl Péladeau ont bien raison de s’indigner.
Depuis quand un juge se mêle-t-il d’introduire de la preuve de son propre chef dans un procès? Et sans rien vérifier, le voici qui accuse le demandeur? Ce jour-là, le juge Larouche s’est discrédité définitivement.
Comme si ce n’était pas assez, l’avocat principal de M. Péladeau, James Woods, a perdu sa soeur jeudi dernier. Il a demandé qu’on reporte la cause à ce matin, parce qu’il doit s’occuper des funérailles. Une demande tout ce qu’il y a de plus correct, que n’importe quel juge aurait acceptée. Mais le juge Larouche l’a refusée. Que la cause continue avec le collègue de Me Woods, a-t-il dit.
De même, quand on lui a annoncé qu’il ferait face à une requête en récusation, le juge Larouche a semblé piqué au vif: « Je suis juge depuis près de 30 ans et c’est la première fois qu’on me demande de me récuser », aurait-il affirmé.
Christiane Desjardins rapportait dans La Presse le 26 novembre: Troublé et manifestement irrité, le juge Claude Larouche a remis l’audition de la requête à lundi. «Vous la vouliez votre remise? Vous allez l’avoir. Votre stratégie est profitable», a-t-il dit d’un ton sec, avant de quitter la salle d’audience.
«Mes autres collègues ont pas voulu la prendre (la cause)… j’ai été le dernier à choisir… je vous dirai pas ce qu’il a dit le collègue qui a pas voulu la prendre», a-t-il dit notamment. Il a aussi fait des allusions au sujet de M. Péladeau, disant qu’il était «caractériel», que des rumeurs couraient sur le fait qu’il avait payé trop cher pour Vidéotron…
Yves Boisvert poursuivait son oeuvre de démolition:
Il ne manque pourtant pas de juges qualifiés à la Cour supérieure pour entendre ce procès. Une cause parmi les plus simples, en plus, où on ne réinventera pas le droit. Il n’y a pas tant de causes civiles suivies par les médias dans une année (on couvre essentiellement les jugements, rarement les audiences, contrairement aux affaires criminelles). Est-ce trop demander au juge en chef qu’il trouve un juge montrable à la télévision quand c’est le cas?
Le juge Larouche
Claude Larouche est un excellent juriste. Je le connais depuis plus de 35 ans; il dirigeait alors un bureau en pleine expansion, au 145 Principale, à Rouyn. C »était un plaideur redoutable. Son père a été député de l’Union Nationale et marchand général au Témiscamingue. Son oncle Léopold était juge à la Cour supérieure. Son cousin, Angers Larouche, a enseigné le droit à l’Université d’Ottawa.
Tous de brillants esprits juridiques.
Claude Larouche est-il par ailleurs un bon juge? Non. Trop autoritaire, et surtout trop soupe au lait et trop revanchard.
Et ça, c’est sans compter sur ses idées préconçues. Comme, par exemple, cette impression qu’il avait que L’Actualité (Rogers Media) et La Semaine (Claude J. Charron) appartenaient à Québécor [1]. De quel droit s’est0il interrogé sur l’origine des reportages consacrés à PKP par ces deux magazines? Ces articles n’avaient pourtant pas été mis en preuve par Radio-Canada! De quel droit a-t-il « autorisé » Me Woods à faire la preuve, par le témoignage d’un responsable de chacune de ces publications, qu’ils n’avaient d’aucune manière subi la moindre pression de PKP en cours de procès? En quoi une telle démonstration était-elle requise?
Cette attitude de méfiance à l’égard de Péladeau est malsaine. Et elle témoigne d’une certaine forme de paranoïa chez l’honorable (!) Claude Larouche, j.c.s.
Combien d’autres idées préconçues meublaient le placard du juge Larouche? On ne le saura jamais. Mais en refusant de se récuser, après qu’il ait semé autant d’indices de partialité, Claude Larouche a terni l’image d’impartialité qu’il doit projeter, en même temps qu’il a alimenté la crainte qu’il puisse être mû par un esprit revanchard.
Alors qu’il venait à peine d’être nommé à la Cour supérieure, en 1981, le juge Larouche avait entendu deux longues requêtes, présentées au nom de deux compagnies minières à l’encontre d’une action en dommages que j’avais intentée contre elles au nom de plusieurs citoyens lésés. La salle était bondée de justiciables de plus en plus impatients, qui attendaient de pouvoir s’adresser au juge pour des gardes d’enfants ou des demandes de pension alimentaire. Et les avocats des deux minières parlaient, et parlaient… Ils ont plaidé pendant près de deux heures. Quand est venu le temps pour moi de répliquer, Larouche m’a interrompu au bout de cinq minutes: « Monsieur l’avocat, j’en ai assez entendu. Allez méditer sur la portée de l’article 120 du Code de procédure civile », m’avait-il lancé dans un mouvement d’impatience.
Une fois la décision rendue, je me suis rendu à son bureau, à Val d’Or, et je l’y ai engueulé sans retenue. « Claude, ton hostie d’article 120 n’avait rien à voir. Tu étais dans les patates et je le savais. Ou bien je te répondais du tac au tac et tu perdais la face, ou bien je prenais mon trou et j’acceptais de subir le jugement de pied vers lequel tu t’alignais. La prochaine fois, je te jure que je ne me gênerai pas pour te ridiculiser« . Larouche s’était excusé; mais le mal était fait.
Mais quand Me Woods s’est rendu à son bureau pour le supplier de lui permettre d’assister aux funérailles de sa soeur à Toronto, non seulement le juge Larouche a-t-il refusé, mais, pire, il a accusé Woods de harcèlement!
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De tous les juges que j’ai connus, aucun n’aurait refusé une demande d’ajournement présentée par un plaideur – ou au nom d’un client – pour cause de funérailles d’un frère ou d’une soeur! Et quand j’ai eu à rendre une décision à la suite d’une demande d’ajournement – ou à l’occasion, de demandes de récusation -, j’ai TOUJOURS rendu ma décision en fonction de l’image d’impartialité et de justice que je devais projeter du système. Il importe, en effet, que non seulement justice soit rendue, mais que les justiciables en soient convaincus.
Depuis que Claude Larouche a accédé à la magistrature, en 1981, il a toujours fait preuve d’une méfiance démesurée à l’égard des avocats qui s’adressent à lui. Le jupon de la paranoïa dépasseen 2010, et il dépassait déjà en 1981. Il est vrai qu’au moment où le jeune Claude Larouche a fait ses classes, un vieil avocat rusé – et surtout retors – sévissait à Rouyn; si ce vieux schnock à barbichette sollicitait aussi régulièrement le report de ses dossiers à une date ultérieure, c’est parce qu’il n’était J-A-M-A-I-S prêt. Les avocats le savaient, les juges le savaient, mais les malheureux clients du bonhomme, eux, l’ignoraient. C’en était devenu un running gag. Il y a bien sûr d’autres motifs à cette méfiance mais je dois les taire; contrairement à Me Barbichette, les autres acteurs ne sont pas morts!
Chat échaudé craint l’eau froide, dit-on.
Et Claude Larouche n’a jamais cessé de se méfier de tous les avocats qui paradent devant lui. Et c’est sans compter sur ses inavouables préjugés, ceux dont il ne parle pas mais qui sont bien réels.
Non seulement est-il méfiant au point d’en être irrationnel, mais au surplus le juge Larouche semble parfois ressentir le besoin d’humilier.
Des exemples? J’ai vu le juge Larouche menacer de tous jeunes avocats de mettre fin à leur interrogatoire s’ils ne parvenaient pas à formuler leurs questions de manière à les rendre moins suggestives. J’ai vu le juge Larouche humilier des avocats plus expérimentés, alors que, à la fin d’un procès, il rejetait l’action « sur le banc », sans avoir pris le temps de délibérer, tout en qualifiant le plaideur d’irresponsable. Mais comment le juge peut-il SAVOIR, quand il rend jugement, si l’avocat n’avait pas un dossier blindé au moment où il a intenté l’action? Des témoins qui décèdent entre le moment où l’avocat rédige ses procédures et le moment du procès, ça n’arrive jamais?
C’est ça, le Claude Larouche que j’ai connu.
Dommage. Car sous ces quelques réserves qui n’ont rien à voir avec ses qualités de juriste, Claude Larouche possédait toutes les qualités qui font d’un juge un grand juge.
Le recours de Péladeau
Affirmer que Péladeau s’est comporté en voyou face au Fonds canadien des productions télévisuelles, ou whatever the name is, ça n’est pas qualifier Péladeau de voyou ou de crapule. Et ça n’a ni la même connotation, ni la même portée.
Ce recours, à mon sens, est mal fondé.
En toute objectivité, je dirais que Julie Snyder a fait une folle d’elle quand elle a expliqué au juge Larouche à quel point il lui avait été pénible et difficile de soutenir la bonne réputation de leur père devant les enfants. Elle a beurré épais, au point de perdre toute crédibilité à titre de témoin.
Claude Larouche en a vu d’autres et de cela, j’imagine, il n’a pas été dupe. Je me demande d’ailleurs dans quelle mesure les exagérations du couple Snyder-Péladeau ne l’auront pas rendu plus circonspect face à cette réclamation.
Peut-être a-t-il eu l’impression qu’on lui montait un bateau? Cela n’excuse en rien son attitude pendant l’audition, ni encore moins ses décisions de refuser l’ajournement et par la suite, son refus de se récuser.
Mais quand on connaît le bonhomme…
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[1] (ajouté le 31 janvier 2015) Depuis la publication de ce billet, Québecor a fait l’acquisition de l’hebdomadaire La Semaine.
Des 700 000 $ à cueillir, moins les frais d’avocats, il restera certainement plus de 600 000 $ dans les goussets de PKP, non, Papitibi ?
Et si ce n’était que cela la motivation de PKP, qui, à le voir aller avec ses employés en lockout, semble aimer l’argent au plus haut point et le pouvoir que cela représente dans son esprit mesquin…
@mangouste
Il réclame 700000. Radio-Can sera-t-elle condamnée? C’est loin d’être certain. Combien prendrait un avocat la-dessus? Si j’étais l’avocat de PKP, je facturerais à l’heure. Woods facture probablement à au moins $400 / heure… Treize ou 14 jours de procès à date, ce qui implique au moins le même temps de préparation. Et je compte pas encore l,avocat « subalterne » et tout le staff de québécor. À date, ça a dû couter plusieurs centaines de milliers de dollars à PKP, cette cause-là!
Peut-il en ressortir gagnant? NON. Ni financièrement, ni sur le plan personnel.
Combien de journalistes aurait-il pu payer sur une base annuelle avec cet argent-là? Bof!
Je n’arrive juste pas à comprendre ce qui a poussé PKP à intenter un tel procès, et je n’arrive pas non plus à comprendre pourquoi cette cause est entendue. C’est de l’enfantillage très coûteux. D’ailleurs, papi, avez-vous une idée de ce qu’un tel procès coûte au contribuable ?
@CJulie
Ça me semble en effet un petit caprice de veudhaîte, ce procès.
Gaspillage de fonds publics? Oui. Radio-Can paye pour se défendre mais sûrement moins que les honoraires versés par PKP. Et il y a le personnel de la Cour, et une salle, et un juge monopolisés pour ce caprice au lieu de s’occuper de choses sérieuses.
Combien, au total, en fonds publics? Je ne sais pas.
Un excellent billet de Lisée sur PKP. Il faut s’élever, ce que ce dernier semble incapable de faire.
http://www2.lactualite.com/jean-francois-lisee/lettre-a-pkp-etonnez-nous/6379/
Intéressante votre chronique. Et d’accord avec vous sur le comportement de madame Snyder qui n’a rien perdu de ses rôles de clownette de service durant sa carrière passée. Elle s’est fait un nom avec des pitreries bas-de-gamme, comme se jeter tout habillée dans une piscine où en s’invitant sans prévenir chez les gens afin de recueillir leurs réactions. Ses pleurs compatissants pour son pauvre mari sont d’un ridicule!
Papitibi,
« Peut-il en ressortir gagnant? NON. Ni financièrement, ni sur le plan personnel.
« Combien de journalistes aurait-il pu payer sur une base annuelle avec cet argent-là? Bof! »
Merci des renseignements. Donc, ce ne sera pas le pactole pour PKP, mais bien une dépense supplémentaire totalement inutile en pareil cas pour les Québécois. Entêté comme il l’est, parfois, PKP saura-t-il laisser tomber la cause ? Je me pose la question et je n’ose y répondre, car il semble imprévisible le Keiser Peter Karl…
Lizzie,
Merci de cet hyperlien vers un texte bien pensé et suffisamment moralisateur.
Papitibi
« Barbichette » était-ce R.B. ?
@Gaïa
« si ce vieux schnock à barbichette sollicitait aussi régulièrement le report de ses dossiers à une date ultérieure, c’est parce qu’il n’était J-A-M-A-I-S prêt. Les avocats le savaient, les juges le savaient, mais les malheureux clients du bonhomme, eux, l’ignoraient. »
Oui, c’est bien lui. Mais il faut surtout pas le répéter!
« Votre Seigneurie, la jurisprudence est unanime! » Et Barbichette d’y aller d’un chapelet de références qu’il semblait connaître par coeur: 1959 C.S 854, 1966 B.R. 747… Il n’en avait jamais de copies pour le juge, bien sûr, pas plus qu’il ne donnait le nom des parties impliquées (genre: Larouche c. Air-Canada, 1988 R.J.Q 542). La raison en est bien simple, ces jurisprudences, il les inventait à mesure. Mais ça paraissait savant devant ses clients, et j’imagine que ça justifiait ses notes d’honoraires! 😉
Vieux tricheur de mes deux, va! Mais bon, on l’aimait bien…
L’homme à la Javelin.