Lorsqu’on aura une charte du droit des victimes au Canadô, je pense que ce sera mon chant du cygne comme Sénateur. – Pierre-Hugues Boisvenu, 20 avril 2012
En autant que sa charte du droit des victimes puisse s’apparenter aux mesures annoncées le 20 avril par Stephen Harper, moi, je veux bien.
Que les parents d’un enfant assassiné ou mutilé puissent ENFIN se voir reconnaître le statut de victimes, alors là, j’applaudis. Que ces parents puissent enfin avoir l’opportunité de se retirer temporairement du marché du travail et percevoir une prestation hebdomadaire de 350$ pendant 35 semaines, alors là, j’applaudis.
Le Québec a depuis longtemps adopté une Loi sur l’indemnisation des victimes d’actes criminels. Une Loi qui avait d’ailleurs mis le Québec à l’avant-garde. Mais une Loi bien imparfaite, qui limitait l’indemnisation à la seule victime immédiate: les parents d’un enfant tué par un chauffard ivre n’étaient pas considérés eux-mêmes comme des victimes d’un acte criminel!
Une Loi qui limitait aux seuls cas où la victime n’aura en rien provoqué l’agressivité de son agresseur. La victime qui aurait eu les deux yeux crevés à coups de poinçon n’a pas droit à l’indemnité si l’instance décisionnelle est d’opinion qu’elle a couru après le troube pour lui avoir craché au visage avant d’avoir les yeux crevés! [1]
Et que ces parents puissent également être à l’abri de tout congédiement par un employeur qui relève de l’autorité législative fédérale (transport aérien, compagnies de télécommunications, par exemple), alors là, j’applaudis.
C’est là, très certainement, le début de ce que j’appellerais une Charte des droits des victimes.
Ce gouvernement clame haut et fort, depuis 2006, qu’il est du côté des victimes. Pourquoi aura-t-il attendu six longues année avant de traduire ses prétendues préoccupations en mesures législatives concrètes?
Combien coûteront au gouvernement canadien les amendements proposés au Code canadien du travail? Bien peu. Et l’indemnisation directe des parents dont l’enfant a été assassiné coûtera, elle, 12 millions annuellement… soit, sauf erreur, l’équivalent des sommes économisées sur le dos des jeunes par l’abolition du programme Katimavik.
Par ailleurs, tous les parents n’auront pas droit à l’indemnité; les plus démunis sont exclus du programme!
The income-support benefit announced Friday will provide families who lost a child during a crime with $350 per week, for a maximum of 35 weeks. But to qualify, parents will have to have made at least $6,500 in the previous year and be taking time off work.
Les familles qui gagnent moins que 6500$ l’an ou dont au moins un membre n’occupe pas un emploi ne souffrent pas de l’assassinat de l’un des leurs. C’est bien connu.
An estimated 1,000 families will be eligible for the benefit, which comes into effect in 2013.
« What they live through is obviously a tragedy that completely changes their lives, » Harper said.
Mais ça ne change pas la vie des plus démunis, bien sûr!
« This financial help won’t be able to give them justice, nevertheless it will contribute to giving a chance to parents of victims to retake their lives in hand. »
Along with the supplement, Harper also promised to seek changes to the Canadian Labour Code that would allow certain workers to keep their jobs while taking time off to cope. – CP24 (Toronto)
La fermeture des « Pen »
Mais il n’y aura pas que des fleurs pour le tsar.
Vic Toews annonce la fermeture du centre pénitentiaire Leclerc, à Laval, et celui de Kingston, en Ontario. Ce qu’il y a de remarquable, chez Harper, c’est que les pertes d’emplois, ce n’est jamais pour l’Alberta.
Mais surtout, il y a ce discours des plus cohérents: on alourdit les « sentences » (peines, en français) sous prétexte d’une criminalité grandissante, mais en même temps, on ferme des pénitenciers sans doute vétustes, on promet de n’en construire aucun nouveau, et on invoque à l’appui de cette décision que la criminalité a baissé – ou va baisser en raison des peines plus lourdes.
Il est pourtant connu, et amplement démontré, que le sentencing (calibrage des peines imposées) n’a aucun effet dissuasif sur la commission d’un crime, quel qu’il soit. Surtout que le doute, le sens moral, la peur d’être pris et les inhibitions n’habitent pas vraiment l’esprit d’un criminel, surtout quand il agit sous l’effet de substances illicites…
C’est comme si on nous prenait pour des valises!
___________
[1] Je me souviens notamment d’une réclamation qui avait fait du bruit en Abitibi… il y a 30 ou 35 ans. Un gars avait décidé de prendre un verre en compagnie de son cheval et c’est sur le dos de la bête qu’il avait franchi la porte d’un bar. Bien sûr, la présence de l’animal intimidait aussi bien les clients présents que le tenancier et son personnel… mais le preux cavalier refusait de sortir. Quelqu’un s’est fâché et a sorti une pièce de bois pour en frapper l’intrus, qui avait alors subi des blessures graves.
Le bonhomme a bel et bien été victime de voies de fait; par ailleurs, le fait de pénétrer dans un bar à dos de cheval traduit sans doute un esprit un peu fêlé mais ça n’a rien de criminel en soi! Le client à cheval a présenté une réclamation à titre de victime d’acte criminel… mais sa réclamation a été rejetée puisqu’il avait été l’artisan de son propre malheur.
Au delà de l’anecdote, ce fait divers illustre bien les limites de la Loi québécoise sur l’indemnisation des victimes d’acte criminel!