On me permettra d’emprunter quelques paragraphes à un article de la Canadian Press, publié dans LaPresse, édition du 13 juillet 2012.
Il aura fallu un peu de temps et quelques efforts pour que l’organisation juive B’nai Brith détecte la pointe d’humour intégrée dans une affiche du festival Juste pour rire.
Voilà qui n’est pas très flatteur pour le vénérable B’nai Brith. Temps et efforts? Il aurait mieux valu prendre le temps et consacrer ces quelques efforts AVANT d’adresser une mise en demeure dont les deux signataires doivent aujourd’hui porter l’odieux.
Les Fils de l’Alliance – puisque c’est leur nom en hébreu – auraient peut-être intérêt à tendre davantage la main et ainsi élargir cette alliance plutôt que de continuellement chercher l’affrontement.
Je m’en voudrais toutefois de passer sous silence le ton irrévérencieux, sinon même condescendant, qu’a adopté le rédacteur de cette manchette en son premier paragraphe. Comme s’il fallait toujours temps et efforts pour faire comprendre quelque chose de pourtant très simple à un membre de la communauté juive! Perso, je décèle dans cette phrase une bonne dose de mépris implicite.
L’affiche du spectacle Le prénom, sur laquelle on voit un bébé arborant une moustache similaire à celle d’Adolf Hitler, restera donc accrochée devant le Monument-National.
[…] Or selon le porte-parole du B’nai Brith, Steven Slimovitch, l’organisation n’a plus aucune doléance après avoir vu la pièce de théâtre.
La prochaine fois, avant de prêter foi aux seules impressions de deux ou trois fanatiques mal informés et de se faire le complice de leur imagination débridée [lire: paranoïa] par l’envoi d’une mise en demeure aussi agressante que ridicule, le B’nai Brith devrait plutôt prendre le temps de s’informer, câlisse!
L’organisme se laisse dévorer par un communautarisme divisif, alors qu’il devrait d’abord songer à jeter des ponts entre les autres communautés culturelles et celle qu’il prétend représenter.
«On est contents du fait que la pièce démontre clairement qu’il n’y a aucune place au Canada pour la haine, que la haine y est inacceptable», a-t-il déclaré.
M. Slimovitch a également expliqué que le B’nai Brith s’était montré particulièrement sensible puisque l’affiche a fait son apparition dans la métropole peu après que des protestataires eurent fait un salut nazi aux policiers montréalais lors des manifestations étudiantes, un geste que l’organisation avait vertement critiqué.
Ai-je bien lu? Ce Steven Slimovitch reconnaît donc que le B’Nai Brith s’est laissé aveugler par des idées préconçues? Il reconnaît donc que le B’nai Brith a refusé d’évaluer cette affiche avec AU MOINS un minimum d’objectivité? Il reconnaît donc raisonner par amalgames entre deux réalités qu’il refuse de dissocier alors que rien ne les associe l’une à l’autre?
Un peu comme si moi, j’avais affirmé – deux semaines après l’éclatement du scandale Bernard Madoff qu’il n’est plus question que je fasse affaires avec un Juif; « vous savez, si peu de temps après Madoff, je suis particulièrement sensible à tout ce qui est juif, je me méfie… et c’est tout à fait légitime, non? «
Raciste, cette réflexion imaginaire. You bet qu’il faudrait être un puant de raciste pour raisonner de la sorte. Mais alors, c’est quoi la différence entre cette réflexion sortie de mon imagination et celle de Slimovitch qui lui, dit plutôt: « vous savez, si peu de temps après m’être plaint du salut nazi par des jeunes québécois, je suis particulièrement sensible à tout ce qui est « Québécois francophone », je me méfie… et c’est tout à fait légitime, non? «
La seule différence – et elle est de taille – c’est que contrairement à l’exemple que j’ai donné de Madoff, cette réflexion de Slimovitch n’a rien d’imaginaire.
Ça ne va pas aider le B’Nai Brith, qui vient encore une fois de se tirer dans le pied.
En quoi les créateurs de l’affiche « la moustache d’Adolphe » sont-ils imputables du salut nazi adressé à des policiers – par pure dérision? Et depuis quand les Juifs seraient-ils les seuls à avoir le droit de se souvenir des horreurs du nazisme? Six millions de Juifs, c’est horrible – surtout quand on considère l’importance de cette ponction eu égard à la population totale. Mais cette guerre a fait plus 65M de morts, et tous n’étaient pas Juifs.
Le nazisme, c’est bien plus que l’holocauste. C’est l’Europe entière mise à feu et à sang. C’est 18M de militaires tués en Europe, toutes armées confondues. C’est aussi, en Europe, 25M de pertes de vies chez les civils, ce qui inclut évidemment les victimes Juives.
Ça n’est pas faire injure aux victimes de la Shoah que de se moquer du salut nazi. Alors non, Slimovitch de mes deux, ni moi ni personne n’allons en demander l’autorisation aux Fils de l’Alliance avant d’adresser – par dérision – un salut nazi à madame l’agent 728 et au troupeau de sangliers sauvages qui l’ont accompagnée dans les rues de Montréal ou de Québec, notamment.
Chercher à excuser l’envoi prématuré d’une mise en demeure par une forme de sensibilité maladive à un simulacre de salut nazi qui visait à dénoncer l’arbitraire, désolé, mais c’est pas très brillant. Pire: c’est une insulte à mon intelligence.
Ce genre de chose NOURRIS l’anti-sémitisme, je dit.
Exactement!
@ Fem_Progress et Geek
Moi, je vieux ESSAYER – et je veux bien que la société québécoise toute entière essaie également d’éviter de froisser la sensibilité de la communauté juive à certaines choses.
Mais que les choses soient bien claires: parallèlement à cet effort collectif des non-juifs à l’égard des juifs, je pense que la collectivité est en droit d’obtenir de la communauté juive qu’elle essaie, de son côté, de ne pas froisser la sensibilité des non-juifs, et, plus particulièrement, des francophones.
Faut pas utiliser le salut nazi? Parfait. En retour, la majorité francophone est-elle en droit de s’attendre à ce que ses lois coercitives en matière linguistiques ne soient pas qualifiées de lois dignes d’un gouvernement nazi? Je sais, les Juifs n’étaient pas les seuls…
Entre autres écoles privées subventionnées par l’État, il y a des écoles juives qui refusent de respecter le programme scolaire; et il y a d’autres communautés juives qui bafouent la réglementation municipale dans es Laurentides. Ça aussi, ça froisse la susceptibilité de la collectivité. Est-ce que ces Juifs réfractaires s’en soucient? Vraisemblablement, respecter ça aussi, ça froisse la les normes établies par la société d’accueil, ça n’est pas le premier de leurs soucis.
Ce que je déplore, c’est le backlash qui s’en suit et que j’avais dénoncé vigoureusement dans ce billet que j’avais consacré à la synagogue Bobov il y a un an. À l’époque, j’avais reçu plusieurs commentaires haineux (dont je n’ai publié que quelques échantillons) qui me suggéraient d’aller vivre dans un kibboutz si je n’étais pas content de l’expression de la volonté de la majorité.
C’est justement de cela que je me préoccupe quand je parle de « backlash ». Quand je vois la communauté juive dénoncer des complots antisémites là où il n’y en a pas, et exiger à coup de mises en demeure le retrait de l’affiche qui fait montre un bébé avec une moustache hitlérienne, moi qui suis à la fois très tolérant capable de sentir le pouls de mes concitoyens, ça me fait peur.
En appeler à la haine, c’est une chose. Craindre que certains gestes attisent la haine, c’en est une autre. Et quand j’affirme craindre pour les Juifs, assez bizarrement, la fange des trous de cul m’accuse d’antisémitisme.
Bien sûr qu’il y a de l’antisémitisme au Québec; la société québécoise des années 30 et 40 n’est pas complètement morte. Duplessis était un antisémite notoire, que vénèrent encore d’illustres citoyens du Tatagonistan, qui s’en sont vantés ici même. Ceux qui défendaient les Juifs sous Duplessis, c’était la gauche de l’époque: Trudeau, Lévesque, Frank Scott, Chartrand…
Morris Fish – membre de la Communauté juive de Montréal (son père et mon père se connaissaient bien) et à la veille de prendre sa retraite de la Cour Suprême – ne devait pas être très fier de cette mise en demeure. Ni Julius Gray. Peut-être parce que à leurs yeux, la coexistence des communautés entre elles doit se faire dans le respect mutuel et l’harmonie?
Or les bullies n’ont pas intégré ces valeurs.
C’est difficile d’évaluer le niveau d’antisémitisme qui existerait au Québec; est-ce mieux ou pire qu’au Canada anglais ou aux US? j’en ai aucune idée. Les réserves au sujet des politiques d’Israël par contre sont sûrement plus élevées ici.
On pourrait penser que l’antisémitisme va de paire avec l’antisionisme, mais je ne suis pas certain de ça. Le premier se retrouve plus facilement dans les sociétés où la droite est plus présente, ce qui jusqu’à maintenant n’est pas le cas du Québec, alors que l’antisionisme est associé à la gauche.
La langue est un élément qui contribue également à maintenir une distance entre les deux communautés.
p.s. j’ai écrit un comm ce matin sur le billet de TD Canada Trust, a-t-il pris le bord des îles Mouk-Mouk? Pas qu’il y avait rien de mémorable dedans, c’est juste par curiosité. 😉
Papitibi, comment ca se fais aussi que la comunauté juive est semble-t’il monolithique, alors que dans le monde entier, elle est tiraillé entre des mouvements et cultures TRÈS différentes,d es fois?
Il y a des juifs plus libéraux (sens us), conservateurs, séculiers et fundies; il y au aussi des juifs au delas des akhénases et groupes aparentés, ceux qu’on entend toujours. Pourquoi par example, les sépharades, ont les entend pas? ils sont dits des fois FRANCOPHILES… et intégrés pas mal…