The Ubbergeek a attiré mon attention sur la réaction du B’nai Brith à cette affiche que je reproduis plus bas et dont l’image ci-haut donne un aperçu… « à travers les branches ».
Ma première réaction: ils nous refont le coup du Nigger Black, que je me suis dit. Pour les moins vieux, Nigger Black, c’est le titre de l’un des tout premiers monologues d’Yvon Deschamps; il apparaît d’ailleurs sur son album « Les unions, qu’ossa donne« , publié chez Polydor en 1969.
Nigger Black, c’est aussi cette polémique qui avait éclaté en août 1998 autour d’un article dans lequel The Gazette qualifiait Yvon Deschamps de sale raciste:
Dimanche 23 août. Coup de téléphone dans la salle de nouvelles de la Gazette. Un père de famille de Pierrefonds est outré. Il a trouvé un extrait du monologue Nigger Black d’Yvon Deschamps dans la boîte à lunch qu’il avait achetée pour ses enfants dans un Maxi. Il ne parle pas français. Il ne connaît pas Yvon Deschamps. Il ne comprend pas que l’on puisse distribuer un tel extrait à des enfants, qui entendent la foule se bidonner sur les mots «Nigger! Nigger…!»
[…] Ce qui titille l’intelligentsia francophone, c’est le titre du texte : «Store selling racist tape». […] Puis Dan Philip, président de la Ligue des Noirs, qualifie l’humour de Deschamps de raciste, du moins pendant quelques jours. Juste assez longtemps en tout cas pour que l’histoire d’un père politiquement correct se transforme en un drame sur la présumée ignorance des journalistes anglophones de la culture québécoise. – Éric Barbeau, dans Trente (FPJQ) [1]
Après qu’il eut pris le temps de bien écouter Nigger Black, le président de la Ligue des Noirs s’était ravisé. Dan Philips s’était ben rendu compte que loin d’être un cochon de raciste, Deschamps dénonçait au contraire – fort habilement – le racisme dont sont victimes les Noirs. Mais cela, nous les Québécois de chousse, nous le savions déjà. Le journaliste de The Gazette aussi. Sauf que d’affirmer que les francos sont des racistes, ça fait gonfler le tirage et les revenus!
2012: le B’nai Brith attaque…
L’affiche:
La pièce qui devait faire jaser le Québec aura fait jaser le B’nai Brith. Réaction épidermique, typique du B’nai Brith: une mise en demeure sous la plume de deux bullies qui dénoncent sans savoir de quoi ils parlent. Un peu comme Dan Philips, en 1998. Sauf que Dan Philips avait fait amende honorable, lui [2]. Sauf que les auteurs de cette mise en demeure n’ont rien retenu de la leçon qu’avait servie Dan Philips à tous ces pisse-vinaigre qui piochent sur les porte-étendard d’une culture à laquelle ils sont étrangers.
Me Moïse Moghrabi, vice-président de l’organisme, et Anna Ahronheim, responsable des relations avec la communauté, écrivent avoir reçu «plusieurs plaintes de membres de la communauté juive de Montréal exprimant leur indignation face à cette publicité qui rappelle le salut nazi […]».
Ils ajoutent que l’affiche, «sous le couvert de l’humour», évoque «des souvenirs douloureux de la période la plus haineuse de l’histoire de l’humanité» et réclament qu’elle soit retirée «immédiatement». – Éric Clément, La Presse, 12 juillet 2012
Andy Nulman est président du groupe « Festivals et télévision », chez Juste Pour Rire. Et il est de confession juive. Nothing to worry about, dit-il.
Par contre, ce dont le B’nai Brith devrait se préoccuper, c’est de la réaction qu’il a déclenchée au sein d’un groupuscule néo-nazi, Stormfront.org, dont j’ai reproduit la page qu’il consacre à cette mise en demeure pour mieux en cultiver le fort sentiment antisémite de ses adhérents et sympathisants.
Sur la page des forums du Stormfront, on trouve ces quelques mots de présentation:
Welcome to the Stormfront. |
We are a community of White Nationalists. There are thousands of organizations promoting the interests, values and heritage of non-Whites. We promote ours. You are welcome to browse our seven million posts, but you must register before you can post to any forum except those designated as open to guests. |
Et sur la photo-caricature qui coiffe le présent billet, quelques indices additionnels du caractère révisionniste et résolument judéophobe de The Stormfront:
- We would be grateful to you for sending a word of support and encouragements to jailed Revisionists
- Vincent REYNOUARD : « Holocaust? What they hide from you … » – l’auteur est un négationniste de la Shoah; « preuves » à l’appui, il conclut qu’elle n’aurait fait que (!) 300,00- victimes. Que ça… Auschwitz, un camp où les détenus étaient bien soignés dans des hôpitaux modernes…. bla bla bla
- VHO – The Website for Historical Revisionism
- Auschwitz – The Comedy
De toute évidence, la mise en demeure du B’nai Brith aura atteint la mauvaise cible. Je serais porté à ajouter: comme d’habitude…
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[1] Voir également l’article de Marie-Claude Ducas, dans LeDevoir, édition du 28 août 1998 (Vigile.net)
[2] Tout un revirement, en effet, chez Dan Philips; en 2004 et en 2006, il a appuyé publiquement le Bloc Québécois.
«Sauf que Dan Philips avait fait amende honorable, lui»
J’ai lu ce matin dans La Presse (page A11) ce qui suit :
«Après avoir vu la pièce Le prénom, au festival Juste pour rire, l’organisation juive B’nai Brith n’a plus de récrimination à l’égard de l’affiche. L’image, sur laquelle on voit un bébé avec une moustache similaire à celle d’Adolf Hitler, restera donc accrochée. L’affiche avait suscité la colère de l’organisation juive, selon laquelle cette représentation rappelait de douloureux souvenirs de l’Holocauste. Juste pour rire avait réagi en plaidant que le spectacle dénonçait la haine et avait invité les représentants du B’nai Brith, ce qui fut fait.»
Elle a donc fait amende «honorable» elle aussi. Votre analogie avec l’histoire de Yvon Deschamps est donc encore meilleure que vous ne le pensiez!
@Darwin 8h27
Je me doutais ben que des représentants du BB iraient voir la pièce prochainement, car Juste pour Rire leur a offert des billets « sur le bras ».
Et je me doutais bien qu’en voyant la pièce, ils changeraient d’avis; je ne l’ai pas vue mais j’avais lu TOUTES les critiques mentionnées sur le site de Juste Pour Rire, afin d’y trouver appui pour mon billet.
Le problème – et ça avait la même chose avec la Ligue des Noirs en 98, c’est que l’organisme réagit machinalement par une mise en demeure, sur réception d’une (ou 2, ou 10) plainte(s), sans se donner la peine de s’informer.
Le problème, c’est que ça sort dans les médias: Le B’Nai Breith dénonce… Le B’Nai Brith exige…
Le problème, c’est qu’ils ont alors tort.
Le problème, c’est que ça leur colle à peau.
Le problème, c’est que cette attitude guerrière menée au nom d’une minorité ethnique qui compte 100000 individus au Québec, ça n’est pas très WINNER dans les circonstances.
Le problème, c’est que ça donne à cette communauté la réputations de bébé gâtés, portés à crier au loup!
Le problème, c’est que, une fois rendue dans les médias, ça finit par attirer des quolibets.
Et de tout cela, le sentiment qui peut naître – dans la population en général – ça peut difficilement être de la sympathie.
Alors que tout cela confirme, chez les néo-nazis (dont ceux de Stormfront) qu’ils ont raison d’haïr les Juifs.
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Est-ce que le B’nai Brith apprend des erreurs passées? Les siennes – mais aussi, par exemple, de l’affaire Nigger Black?
Ma réponse à moi, c’est NON, ils n’apprennent pas.
Parce qu’ils sont un organisme voué à la défense des Juifs, suffira encore qu’ils entendent un bêlement mal fondé de la part d’un membre de la Communauté, pour encore une fois monter aux barricades [ou grimper dans les rideaux, diraient des plus méchants que moi].
Si j’étais Juif, je pense que je commencerais à exiger du B’nai Brith qu’il fasse preuve d’une plus grande rigueur avant de faire exploser ce genre de pétards mouillés qui tend à le marginaliser (population en général) ou à le ridiculiser (chez ceux qui se délectent de la haine du Juif).
Prendre le risque de susciter de tels sentiments à l’égard de la communauté, c’est prendre le risque de susciter les mêmes sentiments à l’égard des individus qui la composent.
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Ça, c’est la « doctrine Papitibi » sur la judéophobie.
Je ne crois pas l’avoir exposée avec autant de détails, toutefois.
Mais à chaque fois que j’ai pu l’exposer sur Cyberpresse, j’ai eu droit au qualificatif d’antisémite.
C’est pourtant un diagnostic que je pose; tant mieux s’il est erroné, mais je crains qu’il ne le soit pas.
C’est un peu comme si on tenait Pascal Yacouvakis responsable de tous les ouragans et tornades qu’il peut prédire en se basant sur ce qu’il observe!
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Yacouvakis observe les fronts chauds ou froid, les masses d’air, leur déplacement, les perturbation, les isobars (pression atmosphérique) et il dit: l’ouragan s’en vient. Prédire un ouragan, ce n’est pas MENACER d’un ouragan. Moi, en revanche, j’observe les textes de loi, le profil des juges qui la composent et les tendances de la jurisprudence; cela me permet de deviner (souvent) ce que la Cour suprême pourrait dire. Quand Maher Arar avait obtenu 10M du Fédéral, je savais – après analyse – que ou bien Ottawa paierait volontairement, ou bien Ottawa serait condamné à payer encore plus.
Mais s’l avait fallu que ce soit un gouvernement NPD à l’époque de ce paiement, je n’ose même pas imaginer les pubs électorales du PC: le NPD finance les terroristes!
Quand je prédis, certains estiment que j’exprime MES CHOIX politiques; pourtant, personne ne songerait à qualifier Yacouvakis d’anti-US parce qu’il ose annoncer une série de tornades dans le sud des USA. Mais dès que je dis le droit ou que prédis dans quel sens ira un jugement, il y aura toujours un Jackwood ou un autre trou de cul pour me qualifier de facho-islamiste qui prie le cul en l’air.
Je suis habitué.
«Ma réponse à moi, c’est NON, ils n’apprennent pas.»
Bien d’accord. J’ai d’ailleurs écrit «Votre analogie avec l’histoire de Yvon Deschamps est donc encore meilleure que vous ne le pensiez!»