Je donne une note de 9 sur 10 à Pauline Marois pour le choix de son équipe ministérielle… à l’impossible nul n’étant tenu. Des régions sont sur-représentées – avec au premier chef l’Abitibi-Témiscamingue: un vice premier-ministre, une ministre déléguée aux affaires autochtones et un adjoint parlementaire à la ministre du Travail [1]. La transcription de ce discours est ICI.
Déceptions et questionnements
Mes déceptions? Au premier chef, Stéphane Bédard, à titre de leader parlementaire. Au Conseil du Trésor, il sera sans doute un cerbère efficace, lui qui possède sur le caucus une emprise certaine, de par les fonctions de pitbull qu’il a exercées dans l’Opposition. Mais leader parlementaire? Il me semblait pourtant que Pauline Marois avait dit de son gouvernement qu’il serait souple dans les moyens et ferme sur les objectifs. Or la souplesse, ça n’est pas la qualité première de Stéphane Bédard.
Au deuxième chef, la disparition du Ministère du développement économique, dont les responsabilités ont été réparties entre trois ministères. Et je m’inquiète de la révision annoncée du rôle de la Caisse de Dépôt, qui sera plus présente dans le capital-actions des entreprises de chez-nous. Ça me fait peur… Je veux bien qu’une partie des PROFITS de la Caisse serve à ces fins, mais la Caisse, c’est d’abord l’organisme qui gère le bas de laine des Québécois – incluant les caisses de retraite et la RRQ. Des trous de 10 milliards résultant de placements trop risqués, faudrait pas qu’il s’en produise trop souvent.
Sylvain Gaudreault a le mandat de transformer le Ministère des Transports en agence; moi, j’aurais attendu les recommandations de la Commission Charbonneau avant d’essayer de réinventer le bouton à quatre trous. Question de prudence… Se pourrait-il que la transformation en agence puisse accentuer le risque de corruption?
De toutes façons, confier les Transports et les affaires municipales à un seul ministre, alors que aussi bien l’un que l’autre font l’objet d’un examen à la loupe par la Commission Charbonneau, c’est un peu trop pour les épaules d’un seul homme.
Élaine Zakaïb aurait dû obtenir un portefeuille en titre plutôt qu’un ministère d’état; d’une part, cela aurait soulagé Nicolas Marceau – dont le poids des responsabilités est un peu lourd – et d’autre part, Zakaïb a beau être une recrue, elle s’amène avec un bagage impressionnant et la maturité d’une femme dans la cinquantaine! C’est pas le p’tit Léo, quand-même.
Il y a aussi Véronique Hivon, à qui on aurait dû donner un ministère en titre. Elle en a l’étoffe – certains la voyaient même à la Justice – et elle a démontré ses capacités alors qu’elle était porte-parole de l’Opposition en matière de justice, un rôle dans lequel elle s’est montrée des plus efficaces.
Heureuses surprises
Léo, justement, que déjà Marois promenait avec elle; il est très charismatique, et il est en mesure de travailler le terrain. Mon coup de coeur, à titre d’adjoint parlementaire de la première-ministre – également ministre de la jeunesse.
Bernard Drainville a reçu le mandat de modifier la Loi électorale afin que les prochaines élections soient déclenchées à date fixe – sauf évidemment si le gouvernement était renversé…
Je déplore toutefois que son mandat n’inclut pas la moindre réflexion sur le mode de scrutin. Ni sur la limitation de la ligne de parti aux seuls points qui relèvent de la plate-forme électorale.
Je me réjouis du fait que, pour la première fois, un ministre sera chargé des relations avec la communauté anglophone. Jean-François Lisée est malheureusement mal perçu au sein de cette communauté; il tire avec lui des grelots plutôt sonores, lui dont les prises de position passées ne sont pas nécessairement de nature à rassurer les Anglophones.
D’un autre côté, le gars est à la fois brillant, articulé, informé, pédagogue et excellent communicateur, ce qui pourrait faire merveille. Le problème, c’est que la communauté anglophone n’est ni homogène, ni représentée par un leader qui pourrait être représentatif.
Bien qu’elle soit une verte recrue sur le plan politique, Élaine Zakaïb s’amène avec une expérience et une expertise qui pourraient enrichir considérablement la trop maigre équipe économique du cabinet. À titre ministre déléguée à la Politique industrielle et à la Banque de développement économique du Québec, elle pourrait surprendre agréablement. D’ailleurs, cette Banque de développement économique est – en soi – une idée heureuse. Sera-t-elle calquée sur le modèle de la Banque de développement du Canada (ex Banque Fédérale de développement) ? Je serais d’accord pour que les Fonds de cette Banque puissent servir à infiltrer l’actionnariat d’entreprises menacées de mainmise étrangère… mais il y a des limites!
Alexandre Cloutier aux affaires intergouvernementales, c’est une grosse pointure. Ce que reconnaît d’ailleurs son collègue constitutionnaliste Benoit Pelletier (au 24/60 d 19 septembre), lui-même un ancien ministre libéral. Pauline Marois lui a confié la responsabilité de la « gouvernance souverainiste »; reste à voir comment se mandat pourra se traduire dans le cadre d’un gouvernement minoritaire. Mais au moins, on ne pourra pas l’accuser de faire preuve d’hypocrisie… quoique le temps est bon pour rassurer les militants de type pressé, alors que les fédéralistes n’ont finalement rien à craindre compte tenu de leur emprise sur l’Assemblée Nationale.
Le trio Daniel Breton / Martine Ouellet / Scott McKay apporte tout un vent de fraîcheur pour les écologistes, en même temps qu’il inquiétera en particulier le secteur minier et pétro-gazier. De les voir là, ça n’est pas banal: tous trois sont des militants verts, mais ils ont du coffre. McKay détient une maîtrise en sciences de l’environnement et il a une expérience des affaires. Diplômée en génie mécanique et détentrice d’un MBA, Ouellet en a mené large en matière d’efficacité énergétique chez Hydro-Québec.
Le ton est déjà donné: fermeture de Gentilly 2, et fin annoncée de l’exploration et de l’exploitation des gaz de schiste tant et aussi longtemps que la technologie ne sera plus sécuritaire. Ce qui, d’affirmer Martine Ouellet ce 20 septembre, n’est pas pour demain!
Je suis de ceux qui estiment qu’il y a moyen d’exiger et d’obtenir davantage des minières. Les terres rares – sur lesquelles la Chine exerce un monopole virtuel, sont en forte demande. Les profits seront donc faramineux. Ces terres rares, il y en a au Saguenay, au Témiscaningue, au Nunavik… Ce à quoi il faut penser, c’est d’empêcher la vente des exploitants à des intérêts chinois: ils vont fermer, retirer leurs billes et faire augmenter les prix en réduisant l’offre.
Et le Québec ne retirera pas une cenne. Qu’une poignée de cailloux, disait la pub du PQ. Pub ridiculisée, certes, mais ceux qui l’ont ridiculisée n’ont jamais pensé aux Chinois. S’ils sont capables d’acheter la pétrolière Nexen pour 15 milliards de dollars, ils seront capables d’avaler les exploitants de terres rares qui n’ont pas encore engrangé de profits.
Ma suggestion? Obliger les exploitants à exploiter, sous peine de voir le permis d’exploitation être révoqué! Ou prendre une participation majoritaire dans le capital-action?
Mais pour cela, il faudra des amendements à l;a Loi.
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[1] François Gendron n’est pas né de la toute dernière pluie; il est là depuis 1976, le record de longévité parlementaire de Gérard D. Lévesque est à sa portée et il n’a pas d’ennemis; excellent choix, donc, à titre de vice P-M.
Élizabeth Larouche aux affaires autochtones? La madame est une fonceuse. Une femme de terrain. Bon bagage académique, par ailleurs. Google ne vous le dira peut-être pas, mais le Pierre Corbeil qu’elle vient de déloger en Abitibi-Est est ce même arracheur de dents qui avait délogé son neveu Alexis Wawanoloath en 2008. Alexis avait été le tout premier membre des Premières Nations à siéger à l’Assemblée Nationale, en 2007. Alexis est le fils de Gaston Larouche, frère de la nouvelle élue. Voilà, la famille est vengée!
Quant à Gilles Chapadeau, adjoint parlementaire, il provient de la filière FTQ, tout comme la ministre Élaine Zakaïb.
Doit-on en conclure que tonton Desmarais et autres dans le domaine de l’énergie non renouvelable ne contribuent pas au financement du PQ? 8;-)
Peut-on sérieusement faire des reproches sur le fait que des régions sont sur-représentées avec le résultats des dernières élections? En espérant que l’écoute, et l’action sera à la hauteur de la représentation pour le plus grand bien des régions. Disons que ce serait mieux que le détournements de fonds qui étaient destinés aux régions.
Cher Papi. Je souhaitais Hivon à la Justice, ce qui semble aussi votre opinion si je ne me trompe. Depuis le temps qu’elle s’y manifeste, et avec compétence, ça lui était dû. Mais enfin elle est députée, et je m’en réjouis, tout comme pour Ouellet qui est vraiment à la bonne place. Je suis impliqué en environnement depuis belle lurette: j’ai toujours vu Ouellet sur le terrain avec les militant-e-s, Breton aussi bien sûr. Je suis d’avis qu’un-e ministre dans la Mauricie-Centre du Québec eût beaucoup aidé à faire avaler la pilule de la fermeture éventuelle de G-2. Bon enfin, Pauline a remodelé quelque peu le poste de responsabilité pour la région, au moins ce sera un député de celle-ci qui tiendra lieu d’interface entre les citoyens et le Conseil des ministres, c’est ça de pris. Je vous ai trouvé plutôt sévère à l’endroit de Champagne: même à notre époque, le parcours académique d’une personne, qui peut s’avérer faiblard, peut aussi amplement être compensé par l’expérience et le jugement. Je ne partage pas votre opinion que son âge et son niveau formel d’instruction aient été en cause. Je suis plutôt convaincu que d’autres aspects, dont elles n’ont pas fait état à ma connaissance, ont dû jouer dans la décision de Marois. Un dernier mot en vitesse: pour les terres rares et semblables choses, je suis entièrement d’accord avec vous, ne pas laisser partir ça en des mains étrangères et obliger à exploiter. Moi qui suis opposé au gaz de schiste, à l’uranium et à l’amiante, je me réjouirais volontiers que nos autres ressources minières nous rapportent enfin vraiment. Ça ferait changement pour une fois. Robert Duchesne, Trois-Rivières.
Bonsoir Robert,
Je le sais pour l’avoir vécu à titre d’élu et parce que des clients élus m’en ont fait part. Je le sais parce que la formation que j’ai donnée aux nouveaux élus ne leur a pas toujours suffi; plusieurs revenaient après un ou deux ans, pour suivre la formation qu’ils avaient mal digérée la première fois. Et je le sais aussi pour avoir jasé avec deux membres du Sénat et quelques députés (des deux niveaux): la moyenne des élus ne sont pas très efficace avant deux bonnes années.
Alors je persiste et je signe: les chances d’une femme de presque 68 ans d’accéder à un cabinet restreint sont nulles, à moins que la recrue de 68 ans soit un ancien juge de la Cour suprême ou un être exceptionnel par ses réalisations. Si un Guy Laliberté ou un Bill Gates se faisait élire à 68 ans, je lui trouverais une place dans mon cabinet…
Le temps qu’une nouvelle ministre de 68 ans devienne une bonne ministre, et ce gouvernement minoritaire sera en élections; pas sûr que la madame se présenterait à 70 ans pour terminer son mandat à 74! Moi, je ne le ferais pas. Alors Marois a dû y penser et préférer faire monter un pls jeune qui pourra servir de nouveau après 2014… C’est pas comme ça que je souhaiterais que ça se passe, mais c’est comme ça que ça se passe.
Oui, Marois a manqué de sensibilité à l’égard des régions Mauricie – centre du Québec… surtout que elle savait, elle qu’elle allait annoncer la fermeture de Gentilly dès le lendemain. La pilule est dure à avaler.
Dans un cabinet de 28 ministres, je pense que Noëlla aurait pu hériter du ministère de la condition féminine ou de la responsabilité des aînés. Je ne dis pas que ces ministères sont moins importants que d’autres; je dis que son profil correspond davantage. Y a déjà assez du chiro qui est responsable des sciences et de la technologie à Ottawa, on peut pas nommer Noëlla à la justice, à la santé, à la jeunesse, aux finances. Même à l’éducation, son expérience d’enseignante ne suffit pas à lui donner une vision de l’avenir et des capacités de gérer quelques milliards. Je la vois mal défendre la survie des Commissions scolaires contre la CAQ…
Et je maintiens que sa sortie a été très malhabile. « Question de fierté personnelle », qu’elle disait. Outch! Méchant manque de jugement. Or c’est justement ce qu’on exige d’un ministre, ça, du jugement. Et au cabinet, l’égo, on laisse ça au vestiaire.
Alors…
Resalut Papi. Là je comprends mieux votre point de vue, j’aime quand l’expérience parle. Merci! Et en effet, du côté condition féminine ou aînés, je l’aurais bien vue aussi, si les conditions l’avait permis.
Et côté fédéral, science et créationnisme c’est plutôt pathétique. Au plaisir. R.D.
Tu ne l’as pas dit, mais il est important de le souligner: le Conseil des ministres compte 15 hommes et 8 femmes!!!
C’est incroyable de constater que celle qui a été la première politicienne (dans les années 1980) à colporter le mensonge fémi-fasciste du une femme sur trois victime de violence conjugale n’ait pas cédé aux sirènes fémi-fascistes dans la composition de son Conseil des ministres!!! Pauline y a été avec la compétence, au lieu de flasher devant le Conseil du statut de la femme!!!
C’est quand même carrément mieux que celui de Charest en 2008: [hyperlien retiré par le modérateur]
Ça prouve en tout cas qu’elle est sincère (pour le moment) quand elle dit qu’elle recherche le consensus!!! Elle aurait pu faire pareil pour Gentilly-2 et pour les gaz de shale, par contre!!!