Le nom du tout dernier James Bond, Skyfall, semble avoir été taillé sur mesure pour le parti Union Mourial. Le ciel lui est vrrrraiment tombé sur la tête; en moins d’une semaine, les numéros 1 et 2 du parti quittent le navire, et ce, alors que la réputation de cette formation politique ne vaut guère plus qu’un sac de pinottes avariées.
Gérald Tremblay aura été un bon maire… et je le dis sans rire. Sachons rendre à César ce qui lui appartient.
Un bon maire, au niveau des réalisations. Mais un piètre gestionnaire du feu qui couvait sous ses pieds. La ville qu’il avait reçue de son prédécesseur, Géranium Bourque Premier, croulait sous les dettes, et les infrastructures avaient été négligées, pour ne pas dire « laissées à l’abandon« . Et on ne parlera pas de l’héritage politique reçu du Parti Québécois (des fusions improvisées) et des Libéraux par la suite (les défusions, tout aussi improvisées). La lourdeur des structures municipales a rendu la ville ingérable.
Et il y a ce réseau routier fait de culs de sac, qui n’aura pas aidé à la santé économique et démographique de Montréal. Les voies de contournement (la 640 au Nord, la 30 au sud) auraient dû être complétées il y a 30 ou 40 ans; l’insuffisance de l’autoroute métropolitaine aura non seulement fait suer ses usagers mais lourdement hypothéqué le potentiel de création d’emploi de l’agglomération. Faute de voies de contournement, il n’y avait aucune alternative à la Métropolitaine. J’ignore par ailleurs quel imbécile a pris la décision de faire d’un court tronçon de la 40 (Est-Ouest) une section de la 15 (Nord-Sud); la congestion qui en résulte a de quoi décourager n’importe quel entrepreneur qui compte sur un réseau routier digne de ce nom.
Contrairement à Toronto, Ottawa et Québec, Montréal ne jouit pas du statut de capitale; et Montréal a été négligée. Aujourd’hui, l’agglomération en paie le prix. Mais puisque les produits manufacturés à Québec doivent passer par Montréal avant d’atteindre le marché des Grands Lacs (et au delà), c’est le Québec entier qui souffre de cette situation.
Non seulement la situation est-elle en voie de redressement, mais l’administration Tremblay a su innover en matière d’urbanisme. Malheureusement, Gérald Tremblay n’a su ni s’entourer, ni ouvrir les yeux quand il aurait dû les ouvrir, ni mis en place en temps utile les procédures qui lui auraient permis de constater ce qu’il n’avait pas su voir. C’est dans ce contexte très particulier que je veux parler de Michael Applebaum.
Michael Applebaum
Un bon soldat, à mon avis. Un bon soldat dont rien ne permet – du moins jusqu’à ce jour – de douter de l’intégrité. Un bon soldat dont la maîtrise inadéquate de la langue française demeure toutefois un handicap.
Le déni. Ça semble être devenu la marque de commerce d’Union Mourial… Surtout que s’ils ont nié une telle évidence, comment prêter foi à leurs propos lorsque les gens d’Union Mourial se prononcent sur un sujet quelconque?
Indigné de voir ses collègues tenter encore aujourd’hui de dissimuler ce document à la population, le président du comité exécutif, Michael Applebaum, a remis sa démission vendredi.
[…] Michael Applebaum a brandi vendredi en conférence de presse une étude produite par la Ville en 2004 sur le coût des contrats de construction. Une comparaison avec d’autres villes canadiennes démontrait déjà que la métropole payait de 30% à 40% plus cher pour les mêmes travaux.
«Ce rapport ne s’est jamais rendu sur le bureau du maire», assure Michael Applebaum. Gérald Tremblay aurait appris l’existence de cette étude seulement le 29 octobre dernier, avec huit ans de retard.
Michael Applebaum affirme qu’il a tenté de rendre le document public le plus rapidement possible, mais que ses collègues d’Union Montréal tentent de poursuivre le camouflage. Mercredi, le comité exécutif a décidé «d’attendre après la période de questions des citoyens du prochain conseil municipal pour s’assurer qu’il n’y ait pas de questions du public ou de l’opposition», a indiqué l’élu. – Pierre-André Normandin, La Presse, 9 novembre
Richard Deschamps, celui que les élus d’Union Mourial ont préféré à Applebaum – par une courte majorité – pour assurer l’intérim à la mairie, accuse ce dernier de se faire du capital politique et de mentir; le rapport date de 2004 mais les élus n’en ont pris connaissance que mercredi le 7 novembre 2012.
Il assure que les élus ont été informés mercredi de l’existence de ce rapport, mais qu’ils n’en ont jamais eu copie. Ils ont alors pris la décision d’analyser les raisons qui expliquent que ce rapport ne se soit jamais rendu jusqu’au comité exécutif depuis sa rédaction en 2004 avant de le rendre public. Ce devrait être fait au cours des prochains jours, nous dit-on.[Note: Applebaum confirme que Gérald Tremblay n’avait pas été confirmé de l’existence de ce rapport, ce qui me semble corroborer la version de Deschamps. Du moins, en partie… ]« Il semble finalement qu’une partie de l’Hôtel de Ville savait qu’on payait trop cher et qu’une autre partie ne savait pas ce qu’elle devait savoir », a pour sa part commenté la conseillère de Ville dans l’arrondissement du Sud-Ouest pour Vision Montréal, Véronique Fournier.
« On voit bien que l’unité que veut afficher Union Montréal s’avère fausse. En ce qui concerne la copie du rapport, il est déplorable que les membres du comité exécutif retiennent ce genre d’information », a souligné en fin de soirée la porte-parole de Projet Montréal, Catherine Maurice. – Karl Rettino-Parazelli, Le Devoir, 10 novembre
Les dispositions légales
Le comité exécutif donne au conseil son avis sur tout sujet, soit lorsqu’une telle disposition l’y oblige, soit à la demande du conseil, soit de sa propre initiative.L’avis du comité exécutif ne lie pas le conseil. En outre, l’absence de l’avis exigé par le règlement intérieur ou le conseil ne restreint pas le pouvoir de ce dernier de délibérer et de voter sur le sujet visé.
Compte tenu de ces dispositions, je ne vois pas en quoi il serait opportun que le Comité Exécutif prenne lui-même le temps de lire ce rapport dont ses membres auraient pris connaissance ces derniers jours, avant d’en communiquer la teneur au reste des élus.
D’une part, l’avis qu’ils livreront au Conseil municipal ne lie pas les élus. Mais surtout, la question soulevée dans le rapport préparé en 2004 ne relève pas de la compétence du Comité Exécutif; ça n’est pas de la gestion au quotidien, c’est une affaire qui relève des grandes orientations, et les grandes orientations, c’est la juridiction de l’assemblée des élus, tous partis confondus.
Cela dit, et même si je devais avoir tort sur ce point, la Ville est en situation de crise, la décision de retenir l’information jusqu’à la fin de la prochaine période de questions risque non seulement d’alimenter le cynisme de la population, mais de susciter une réaction hostile qui pourrait troubler la paix et le bon ordre. Cette décision contribuera par ailleurs à accentuer cette réputation de cachottiers qui colle aux élus de Montréal et à l’institution elle-même.
Bref, c’est une décision ridicule, à laquelle Michael Applebaum a eu raison de s’opposer.