Daniel Breton a joué avec le feu. Et il s’est brûlé.
Le personnage m’est sympathique, je ne vais pas m’en cacher. L’homme est un passionné, et il parle d’abord avec son coeur plutôt qu’avec sa raison – ce qui ne veut pas dire qu’il en est dénué, loin de là. Sa fougue en a fait un polémiste. Un whistle blower. Un élément incontournable de la conscience collective des Québécois.
Toutefois, s’il a cru un seul instant pouvoir occulter un passé trouble sans coup férir, alors il aura fait preuve ou bien d’une naïveté navrante, ou bien d’un manque de jugement incompatible avec ses fonctions ministérielles.
Bref, il n’avait pas vraiment le choix de quitter. Le défaut de produire à temps une déclaration de revenu? Bof! L’État n’est jamais perdant à ce jeu; aux impôts impayés s’ajouteront amendes et pénalités. Un excès de vitesse? Qui n’en commet pas… sans pour autant être pris? J’ai lu quelque part que Breton avait été surpris à rouler à 275 km/h sur la 401… Si tel est le cas, à vue de nez, je dirais qu’il aurait été accusé de conduite dangereuse – en vertu du Code criminel. Deux cent milles à l’heure, c’est un peu rapide; moi, je n’avais jamais poussé ma mécanique au delà de cent vingt-cinq. Un peu plus de 200 km/h… et je parie que peu d’entre vous l’avez essayé. Quand je suis devenu père de famille, je suis devenu plus pantouflard, quoique j’ai souvent confondu mes pantoufles avec des souliers de course et parfois fait l’expérience du vol plané sur de courtes distances! M’enfin…
Les loyers impayés? Comme il a eu l’humilité de le reconnaître, Daniel Breton a connu des épisodes où il ne savait pas le matin si il aurait de quoi se nourrir ce jour-là. Il a connu, dit-il, ce qu’il appelle la précarité. Ça risque d’en faire un excellent député, au diapason des besoins de ses commettants de Ste-Marie St-Jacques. Cela dit, qu’un élu accède au cabinet alors qu’il traîne derrière lui ce genre de casseroles, c’est troublant; je me sens mal à l’aise de l’exprimer, mais c’est pas ça qui va susciter le respect du politicien par le citoyen.
Breton se doutait bien que son profil en faisait un candidat au poste de ministre responsable du développement durable; si son nouveau statut de citoyen bien payé ne lui a pas permis d’éponger instantanément sa dette envers ses anciens locateurs, ce statut de député nouvellement élu suffisait largement à lui ouvrir une marge de crédit ou à garantir le remboursement du prêt personnel qu’il aurait dû solliciter sans tarder… pour ainsi rembourser.
Le BAPE? Le chef intérimaire du PLQ, Jean-Marc Fournier, a le don de se couvrir de ridicule, lui qui affirmait récemment que si Daniel Breton appelle des employés du BAPE ce serait comme si un politicien appelait un juge pour lui faire changer sa décision.
Le dernier politicien à avoir fait ça, est-ce que ça n’est pas Jean Charest, à l’époque où il était un tout jeune ministre dans le cabinet Conservatif de Mulroney? Et Jean Charest, est-ce que c’est pas – par hasard – le nom du dernier chef permanent du PLQ?
De toutes façons, sur ce point particulier, attendons la comparution de Daniel Breton devant le comité de l’Assemblée Nationale.
Reste cette mention d’une fraude – ou plutôt de trois fraudes – en matière d’assurance-emploi. Et ça, pour dire le moins, c’est un peu plus délicat.
Patrick Lagacé
Du haut de sa tour d’ivoire, Patrick Lagacé écrivait ce 29 novembre:
Daniel Breton s’est fait taper sur les doigts pour avoir enfirouapé l’assurance-chômage, pour fausse déclaration à Revenu Québec et pour avoir conduit alors que son permis était suspendu.
[note de l’auteur: peut-être suis-je dans l’erreur mais j’avais cru comprendre que l’infraction à la Loi de l’impôt ne consiste pas à avoir fait une fausse déclaration, mais plutôt à avoir produit une déclaration hors-délai. Si tel était le cas, les propos de Lagacé comporteraient un caractère diffamatoire. Auquel cas Daniel Breton ne serait pas tout à fait la première victime de Lagacé.
[…] Voici un homme qui, manifestement, a un problème à payer ses dettes (plusieurs mois de loyer en retard, Revenu Québec) et qui ne voit pas de problème à faire une fausse déclaration à l’assurance-chômage. Il ne voit pas non plus de problème particulier à conduire son véhicule automobile alors que son permis de conduire a été suspendu pour cause de conduite à haute vitesse.
[…] Je note un autre truc. Ce n’est qu’hier, en fin de journée, que le PQ a fini par confirmer que le Daniel Breton dont les registres du Revenu et de l’assurance-chômage affirmaient qu’il a de la misère à respecter les règles est le même que le Daniel Breton, ministre de l’Environnement.
Ce court extrait trahit une pointe de mépris, en même temps qu’un i’incroyable sans-gène. Car il faut bien le dire, le Patrick Lagacé qui a commis ce texte, c’est le même Patrick Lagacé qui éprouve lui-même d’énormes difficultés à respecter les règles mises en place par le Conseil de presse du Québec. Daniel Breton a perdu son titre de ministre, mais Lagacé, lui, conserve son salaire de chroniqueur. Et pourtant, contrairement à Daniel Breton, c’est dans l’exercice de ses fonctions que Lagacé a fauté et récidivé.
Je disais ça de même.
Christian Dubois, Q.S.
Je revois Daniel Breton le jour où Pauline Marois l’a présenté comme nouvelle recrue du Parti québécois. Un veston trop petit. Une chemise propre, trop petite elle aussi, dont il n’était pas arrivé à attacher le col. La cravate défaite.À l’époque, Daniel n’avait sans doute pas les moyens de se payer une mise à jour de garde-robe propre. Ça ne devait pas payer fort fort sa job de missionnaire pour l’écologie et l’indépendance énergétique. À voir l’appartement dont il a été évincé, à l’évidence il ne fréquente pas le Club 357c. D’ailleurs, les éléments de son « passif » révélés par les médias aujourd’hui rejoignent l’expérience de beaucoup de personnes qui ont connu des périodes de vaches maigres.Le portrait du ministre Breton que dessinent ses frasques passées n’est pas très flatteur. Mauvais payeur, pas très porté sur le ménage, désorganisé, chauffard, un peu bum. Mais quand le Parti libéral associe tout ça à la corruption, c’est obscène. Quand la CAQ parle d’un « passé de bougon », elle parle la langue des préjugés.La question du jugement du ministre se pose certes avec acuité et par corollaire celle de sa capacité à occuper son poste.[note de l’auteur: c’est là une opinion que je partage]
Quel beau texte, plein d’humanité! Du grand papi, chapeau! 🙂
Bonjour M. Papitibi,
J’apprécie beaucoup vos textes qui présentent toujours un point de vue bien documenté et toujours nuancé. Et vous ne faites par exception avec ce texte sur la démission de Daniel Breton de son poste de ministre.
On est loin d’une Joanne Marcotte (http://jomarcotte.wordpress.com/2012/11/29/daniel-breton-et-le-manteau-de-la-pauvrete) qui, elle, l’accuse tout de suite d’irresponsabilité parce qu’il a commis quelques gestes repréhensibles, surtout en période de vaches maigres. Comme si la madame avait toujours été droite tout au long de sa vie…Je n’en crois pas une miette.
Cela dit, continuez votre beau travail d’analyse de l’actualité!
Anders Turgeon
Belle hypocrisie de la part de la droite kebeker. Of course, une excuse pour vilipender les Péquistes, et un ministre vu comme trop ‘vert’.
Aurait-il du cependant ne pas être choisi? Il aurais été peut-être mieux que non en effet, si on pense stratégie/tactique politique, si on connaissais son passé (ca ouvre flanc à des attaques) ET les chiens fous galleux de la droite, de vrais Républicrates.
Mais ca n’excuse en rien la curée maniaque des droitistes, Liberticides et MaCAQues… Il est triste de voir mme David un peu hésiter dans sa défence…
@ The Ubbergeek
D’autant plus si on met en perspective avec la belle découverte de Christian Langlois:
http://www.vigile.net/Lettre-a-Line-la-Ministre
Le double standard ne fera jamais peur aux « drettistes » par contre. Est-ce un hasard si on a dépoussiéré le député de Brome-Missisquoi pour monter aux barricades dans ce dossier? 8;-)
@ Tous
Que celle ou celui qui n’a jamais été témoin ou été en mesure de savoir qu’une fausse déclaration a été faite pour obtenir des prestations d’Assurance Emploi (ou Chômage pour les ceuzes qui ont un peu plus d’expérience) sans le dénoncer lève la main.
Dans mon cas, si vous n’y voyez d’inconvénient je vais m’abstenir. 8;-)
Je serais curieux de voir si Lagacé prêterait serment de ne jamais avoir été témoin sans dénoncer tout en mettant en jeu ses emplois dans les médias car un journaliste hypocrite et malhonnête on ne pourrais tolérer. 8;-)
À mon avis ce Christian Dubois n’a pas d’avenir du côté de nos joyaux de firmes de PR québécoises. 8;-)
Probablement qu’il (Cristian Dubois) n’est pas assez déconnecté de la réalité pour œuvrer comme attaché de presse pour un des grands partis politiques (incluant le PQ).
@ papitibi
Il y a un « typo » pour l’hyperlien du communiqué de presse de Christian Dubois. Il est écrit Daniel Dubois.
@ Barefoot Luc
Lagacé n’est PAS journaliste; il est chroniqueur et comme tous les chroniqueurs de sa génération, il attend une promotion au cénacle des éditorrieux.
Un journaliste rapporte les faits; un chroniqueur les commente.
Encore faut-il toutefois qu’il commente les faits tels qu’ils sont et non pas tels qu’il les imagine… Et à cet égard, Lagacé a manqué de rigueur. Mais quand bien même ils seraient 8 millions à lui rentrer le nez dans la marde qu’il a chiée, Lagacé ne s’excusera pas; c’est une boule d’orgueil, et de toutes façons la malhonnêteté intellectuelle et le tournage de coins ronds, ça fait partie de son arsenal.
@ paipitibi
Il y avait un brin de sarcasme (cynisme?) de ma part en employant le mot « journaliste ». Peut-être ai-je voulu faire allusion au mélange des genres (journaliste vs chroniqueur) que semble prôner certains médias? 8;-)
@Barefoot 9:07
Il est très facile de faire inconsciemment une fausse déclaration en matière d’assurance-emploi. Certaines questions sont particulièrement ambiguës, dont, en particulier, les questions portant sur la disponibilité. T’as pas le droit de te déclarer disponible en tout temps si, par ailleurs, tu as passé deux jours au chevet de ta mère malade ou si tu as traversé la frontière pendant la semaine de référence.
T’es ingénieur minier, la mine ferme et te met en chômage; si tu pars en Floride entre Noël et le jour de l’an, pour y être hébergé par tes parents qui y possèdent un condo, techniquement, tu n’es pas disponible à l’emploi cette semaine là. <A la question "Étiez-vous au Canada?", le type répond NON. À la question "étiez-vous en tout temps disponible à l'emploi cette semaine-là?", le type peut très bien répondre OUI, en toute bonne foi.
Pour occuper ce genre de poste, l'ingénieur sait très bien qu'il va devoir attendre d'être convoqué en entrevue, et des entrevues entre le 23 décembre et le 2 janvier, il n'y en a pas. De toutes façons, les bureaux de tout éventuel employeur sont fermés entre Noël et le 1 janvier, alors en s'envolant vers la Floride à cette période là, non, il ne se met pas en situation de non disponibilité.
Pourtant, techniquement, il sera considéré comme ayant fait une fausse déclaration.
Je ne dis pas que cet exemple s'applique à Daniel Breton. Je dis qu'on peut "mentir" à l'Assurance-Emploi sans même en être conscient.
@ papitibi 09:07
C’est pour ça que je mettais tout le monde au défi de prétendre ne jamais avoir fait ou été témoin de tel type de déclaration. J’aurais pu être un peu plus baveux et écrire une déclaration ou il est clair qu’il y a intention de frauder. 8;-)