Paul Rose est décédé ce 14 mars, des suites d’un ACV.
Au moment où le ministre Pierre Laporte a été enlevé, séquestré puis assassiné en octobre 1970, j’étais étudiant en droit… et, transparence totale oblige, un membre de sa famille immédiate comptait alors parmi mes amis les plus chers, ce avec quoi j’ai du m’ajuster. J’ai déjà traité de certains aspects politiques de l’affaire Laporte – sous l’angle de la corruption – mais je n’ai pas l’intention d’aborder ici la justification (?) politique de cet enlèvement et de cet assassinat, dont Paul Rose a été reconnu coupable.
C’est plutôt des procès du FLQ dont il sera question ici. Il y avait souvent des lignes de piquetage à la Fac, et puisque les cellules Chénier et Libération ont fourni à la Justice d’innombrables occasions de procès avec les épisodes Cross et Laporte, l’étudiant en droit que j’étais a profité de la tenue de ces procès pour aller parfaire ses connaissances du droit. Nous étions quelques-uns à avoir choisi cette voie au lieu de demeurer à la maison en attendant que nos profs puissent donner leurs cours.
Que choisir, alors? Il y avait le procès pour triple meurtre au Casa Loma, dont j’ai traité ici à l’occasion du décès de Joe di Maulo en novembre 2012: un procès qui mettait à l’affiche quelques grands ténors du Barreau et dont les médias nous fournissaient tout ce que nous devions savoir pour connaître et comprendre les enjeux sur le plan légal. Il y avait les procès des felquistes, tout aussi intéressants pour nous et pour les mêmes raisons. Et bien sûr pour le petit côté politique qui s’en dégageait. Et il y avait les procès au civil. Et la Cour des miracles… la Cour municipale de Montréal et les chicanes à coup de mouchoirs ou d’oreillers!
Des batailles de mouchoirs? Ouin… j’ai vu un juge de la Cour municipale traiter une plaignante de bébé-lala, elle qui accusait son conjoint de 19 ans de broutilles et qui faisait perdre son précieux temps à la Cour, disait le juge!
Des procès au civil? D’un ennui mortel, surtout qu’on n’avait aucune idée des faits, et encore moins des enjeux d’ordre juridique. Et puis, il y avait des juges dont on ne savait pas trop s’ils dormaient ou s’ils étaient à l’écoute! Arrrrgh, ce cher juge Puddicombe! L’un des plaideurs avait trouvé le moyen de le tirer discrètement de son sommeil: il répétait les mêmes trucs, en boucle, mais sur un ton de plus en plus élevé. Irrité, mais finalement réveillé, le juge le rappelait à l’ordre: JE NE SWI PAS SURDE!
Il restait donc les frères Rose, dont les procès étaient tenus à Parthenais, au quartier-général de la Sûreté du Québec. Et ça, c’était du sport!
Le juge Fernand Legault et son tricorne
La table était mise. D’un côté, un accusé, Paul Rose, qui se défend seul et qui conteste jusqu’à la mention du nom de la Reine dans l’acte d’accusation. De l’autre, un juge bègue (hum, ça n’ai-aidait p-p-pas) qui a fait le choix politique de prendre TOUS les moyens mis à sa disposition pour faire chier l’accusé et le faire sortir de ses gonds. Comme par exemple, porter le tricorne!
J’ai fait partie des équipes d’étudiants qui ont vidé au début des années ’70 le contenu des voûtes et des bureaux des deux anciens Palais de justice de Montréal pour les transporter dans un nouveau Palais flambant neuf. Parmi mes collègues étudiants, un cégépien qui est devenu plus tard un prof de droit très réputé; parmi ses trophées de chasse, un cendrier sur pied, en fer forgé, portant les armoiries du Québec. Trouvé dans le bureau du ministre de la justice, Jérôme Choquette. Si j’aborde ici la question de ce grand ménage, c’est parce que je tiens à préciser que de tous les vestiaires dont j’ai mis le contenu dans des boites, aucun ne cachait un tricorne! Je précise également que de la fin des années 60 jusqu’aux années 2000, j’ai pu observer des centaines de juges, de la baie d’Ungava à la Beauce, et de Valleyfield à Chicoutimi. Aucun ne portait la perruque à boudins et, à l’exception du juge L-L-Legault, aucun ne portait le tricorne.
Faire sortir Paul Rose de ses gonds? Wouha ha ha! Comme c’était facile! Je n’avais pas assez de mes deux mains pour compter sur mes doigts les expulsions prononcées en ma présence par le juge Legault!
Manifestement, l’honorable juge était en mission. Mais quelles qu’ont pu être ses opinions à l’égard de l’accusé, sa décision de porter le tricorne en 1971 aura constitué une erreur, ne serait-ce que par l’image de ridicule et de partialité qu’elle risquait de renvoyer de la Justice. Le juge Legault a-t-il porté le tricorne en d’autres occasions? Pas que je sache. Il ne l’a porté devant Rose que pour afficher un symbole de la conquête de la Nouvelle-France par une autre puissance coloniale.
C’est pas à ça que doit servir la Justice. Et cette mascarade n’a PAS servi les fins de la Justice. J’ai dit.
« Check-point Charlie«
Ah, Parthenais-sur-le-béton! Quel bel endroit pour tenir des procès politiques…
À l’entrée – et je décris ici une image vieille de plus de 40 ans – une immense salle des pas perdus, avec en son centre un pupitre arrondi, et derrière ce pupitre, un type en uniforme, plus ou moins futé, chargé de « diriger la circulation« . À droite, mais perpendiculaire à l’entrée, deux autres bonhommes portant un uniforme différent du premier, contrôlent l’accès à une série d’ascenseurs, assis derrière deux pupitres rectangulaires.
La manière kosher de faire, c’était de se diriger d’abord vers le type au bedon rond assis au centre de la salle des pas perdus derrière un pupitre aux formes arrondies. Quel est votre nom? Quel est le but de votre visite? Ah, étudiant en droit? Baôn! Présentez-vous à l’un des agents à ma droite…
Le lendemain, même heure, même p’tit gros en uniforme, même étudiant visiteur, mêmes motifs à sa visite. L’étudiant a compris, lui, que c’est l’un des deux autres qui va lui émettre une passe d’un jour, avec son nom dessus, alors pour économiser ses pas, il se dirige directement vers les deux émetteurs de laisser-passer.
Wo là!, de hurler le cerbère des pas perdus, vous devez passer icitte en premier!
Hostie qu’ils sont niaiseux, de réfléchir l’étudiant. What for, tabarnak? Chu v’nu la semaine passée, chu v’u hier, j’vas r’venir demain, j’vas toujours avoir le même nom, j’viens toujours pour assister au procès, et aujourd’hui comme hier et comme la semaine dernière, c’est pas toé qui va émettre mon laisser-passer, c’est ton collègue à l’autre boutte!
Mais le p’tit gros derrière son pupitre rond, il vit un power-trip. Et contourner son check-point, c’est lui manquer de respect et lui faire sentir à quel point il est lui-même un pion inutile dans cet organigramme sans doute conçu pour permettre de graisser la patte d’un tinami du bon parti.
Pour la petite histoire, je précise que le procès de Paul Rose pour l’enlèvement de Pierre Laporte a débuté le 18 octobre 1971 et s’est terminé le 26 novembre de la même année par un verdict de culpabilité et une condamnation à vie.
« Vous devez vous identifier, Me Lemieux!«
Dans ce procès au tricorne, Robert Lemieux avait offert à Paul Rose de le représenter mais Rose avait décliné cette offre; faut croire que lui aussi, il était en mission, et sa mission était de toute évidence la démonstration de l’oppression par l’envahisseur anglais et ses valets indigènes. Le juge legault me semble être tombé dans un piège dont les historiens n’ont pas parlé; peut-être n’avaient-ils pas assisté à ce procès?
Mais il y en a eu d’autres procès politiques, à l’époque, à Parthenais, et Me Lemieux a eu moult occasions d’y faire l’essai de ses effets de toge.
Même devant les cerbères montaient la garde devant les ascenseurs.
Lemieux et ses cheveux bouclés étaient connus comme Barabbas-dans-la-Passion. Barabbas et Robert Lemieux: deux renégats plutôt charismatiques, d’ailleurs, qui avaient su attirer l’attention du bon peuple, à près de 2000 as d’intervalle. Le visage et la voix de Robert Lemieux crevaient l’écran dans TOUS les bulletins de nouvelles. À Montréal, les stations rivales CJMS et CKAC se volaient les scoops l’une de sous le micro de l’autre, et ce micro, elles le plantaient quotidiennement dans les narines de Me Lemieux, qui jouait les kid kodak et profitait de toutes les occasions pour passer son message. Un message, d’ailleurs, aussi révolutionnaire que celui des clients dont il assurait la défense.
Les ceusses de mon âge s’en souviennent, Robert Lemieux a connu de l’intérieur le confort cinq-étoiles des cellules que fréquentaient ses clients.
Bref, pour être incapable de reconnaître la face-à-Lemieux, au Québec, il fallait être ou bien un non-voyant, ou bien un(e) cloîtré(e). Ou bien l’un des cerbères de Parthenais.
Vous pouvez pas prendre l’ascenseur, Me Lemieux, vous vous êtes pas encore identifié!
Et Lemieux [aujourd’hui décédé] de devoir renoncer à discuter d’une affaire urgente avec son vis-à-vis Jean-Guy Boilard, qui occupait alors pour la Couronne. Boilard, on le connaît davantage, aujourd’hui, pour ses écarts de conduite à titre de juge de la Cour Supérieure. En 2003, le Conseil canadien de la magistrature jugeait inacceptables ses « écarts d’impatience » et ses « remarques immodérées » à l’égard d’un officier de la Cour.
Le sous-comité [du Conseil canadien de la magistrature] est d’avis qu’en abusant ainsi de votre pouvoir de magistrat, vous avec non seulement terni votre image de justicier mais vous avez également porté atteinte à la magistrature, dont l’image en est malheureusement sortie amoindrie. » – Alain-Robert Nadeau, Journal Barreau, 1 septembre 2002 [1]
Pour peu que je sache, l’avocat de la Couronne passait tout droit et pouvait prendre l’ascenseur sans se soumettre à ces contrôles d’autant plus ridicules que le visage et l’identité de Me Lemieux étaient plus connus encore que ne l’était Me Jean-Guy Boilard. Sas doute aurait-on pu lui faire un identifiant permanent, sans l’obliger à se soumettre jour après jour à ces contrôles qui s’apparentent davantage à du harcèlement qu’à de véritables mesures de contrôle des présences.
Mais entre l’État et la gauche militante, c’était la guerre. Une guerre de tranchées.
Y a pas à dire, les carrés rouges du printemps érable, ils n’ont encore rien vu!
__________
[1] L’auteur de ces remarques à l’égard du juge Boilard est le juge Alban Garon. Je rappelle ici que le juge Garon, sa conjointe et une amie du couple ont été battus, ligotés et assassinés au domicile du juge, à Ottawa, le 29 juin 2007. Ça m’avait touché, moi qui avais représenté un client devant lui; c’était d’ailleurs un homme affable, courtois et particulièrement compétent.
Bien intéressant ce compte-rendu papi. Riche en anecdotes!
Que pense-tu de la controverse sur le message de QS/Amir Khadir à la famille de Rose et la ‘rétractation’?
Grenouillage pas mal de trolls angryphones sur les pages FB.
Sujet TRÈS délicat, pas sur que ca aide la cause… mais si on cache des trucs sur ce qui s’est RÉELLEMENT passé en 70, d’un autre coté – Laporte avait des liens avec la Mafia(?) on dirait, par example…
Qu’en pense-tu, Papy?
@ geek 18:18
Paul Rose était davantage un idéaliste qu’un terroriste ou un assassin. sauf qu’il s’est laissé porter juste un peu trop loin, dans un projet avec lequel il n’était pas d’accord à 100%. D’ailleurs, pour ce que j’en sais, deux membres de la cellule Chénier étaient présents lors de la mort de Laporte et Paul Rose n’était pas de ceux-là.
Cela dit, il a décidé d’assumer. Par solidarité. Ça, à mon avis, ça l’honore dans un sens. La solidarité est une attitude très noble… D’un autre côté, se dire solidaire d’une série d’évènements qui se sont terminés par une mort d’homme, est-ce là poser un geste vraiment honorable?
Je précise: la solidarité qui consiste à assumer sa part des résultats d’une décision qui au départ était une décision de groupe, c’est noble. Mais la solidarité dans une prise de décision qui a conduit à une mort d’homme, ça n’a rien de très noble. Ça, c’est une réponse que je peux apporter à l’âge que j’ai maintenant. Mais à 30 ans, je n’aurais pas fait cette distinction.
À tout prendre, Khadir n’aurait pas dû songer à présenter une motion visant – pour certains – à féliciter a posteriori Paul Rose pour le rôle qu’il a joué dans l’histoire du Québec. Dans un certain sens, la mort de Laporte et la série d’évènements peuvent servir à démontrer la futilité de la violence. Sauf que le prix à payer aura été trop lourd.
Laporte avait-il des liens avec la mafia? Était-il « clean » à 100% ? Ça, j’en doute, et j’en doute d’autant plus maintenant qu’il y a la Commission Charbonneau et l’escouade Marteau. D’un autre côté, Laporte était-il conscient d’être en lien avec la mafia, le cas échéant? Je doute qu’il ait été en lien avec ceux qu’on associait à l’époque à la mafia (Violi, Cotroni…) mais peut-être avait-il développé des liens avec des mafieux dont il ne savait pas qu’ils en étaient?
My two cents…
Tout ce que je peux te dire c’est qu’un des frères Rose a eu la brillante idée de venir à un congrès du PQ (entre 1980 et 1982) et de dire qu’il voulait être candidat. Il s’est fait huer et chasser de la salle.
Lui et sa bande de crétins super-infiltrés par la GRC! Pion involontaire et très réussi de Trudeau grâce auquel l’indépendance ne se fera jamais. Bourassa n’a rien fait parce que Laporte était compromis avec la mafia et que la SQ avait des tapes d’écoute. Une pierre deux coups! Le type responsable de l’écoute a publié un livre alors ça ne sort pas de mon imagination.
Et le fat et crétin à Parizeau trompait sa femme avec Carole Devault qui AVAIT AUSSI INFILTRÉ LE FLQ. C’est pas moi qui le dit c’est Pierre Duchesne, maintenant ministre péquiste! Dans le temps qu’il avait encore le goût de dire la vérité…
Quelel famille
Des fois, le cynique dépressif en moi dit qu’au fond, autant s’assimiler et disparaitre. Des deux cotés, un ‘petit peuple’. Eh.
Si les petits fachos de service qui craignent que l’on devienne une mixture ‘mousseline’ multiculturasse on raison, peut-être tant mieux; ces québecois 2,0 auront les couilles en fais peut-être de toute faire et réusir l’indépendance dans un sens large du mot. Eh.
@ The Ubbergeek
« Des fois, le cynique dépressif en moi dit qu’au fond, autant s’assimiler et disparaitre. »
Je comprend par cette phrase que parler anglophône est disparaître au Canada.
Rassurez-vous!
Même si le Québec devient « anglophône », il sera toujours un colonisé. Le canadian establishment de Toronto canadian interdit que le Québec ou les Québécois deviennent influents au Canada.
Rappelez-vous les « Niou-fis de Terre Neuve du New Fort Land ». Ils parlaient anglas et le parlent toujours et étaient ridiculisés par les Canadians et même Québécois.
Pour l’establishment du Canada c’est défendu d’être un francôfone influent et c’est inacceptable pour eux.
Paul Desmaras le Québécois, le francophône Ontarien, qui vaut 5 ou 6 milliards de dollars et le pouvoir qui vient avec, l’as appris à ces dépens.
Pour l’establishment canadien et le ROC, les Québécois sont des trous du cul, des colonisés qui doivent être soumis et vont le rester même s’ils parlent anglas.
Un trou de cul colonisé du Québec, c’est un trou de cul colonisé du Québec, un soumis et ce, peu importe la langue ou qu’il parle le bilingue.
Comme quoi la langue parlé ne grossit pas les couilles et même pourrait les empêcher de grossir.
@ fem_progress
« Lui et sa bande de crétins super-infiltrés par la GRC! Pion involontaire et très réussi de Trudeau grâce auquel l’indépendance ne se fera jamais. » (fem_progress)
C’est vrai qu’ils étaient « super-infiltrés ». À moins que la dame et d’autres qui les avait trahit et qui avait un rendez-vous avec la police toutes les semaines nous ait raconté et menti une fausse histoire parfaite.
La sécurité du fédéral était informé des moindres faits et gestes du FLQ. Par le fait même Trudeau aussi. Donc Trudeau à négligé de ne pas avoir sorti du trou le ministre du mangeur de hot dogs et est donc responsable de sa mort.
Il est également responsable d’avoir laissé se produire nombre d’attentats, dont certains faits par la police et qui ont été mortels.
Tout cela pour combattre les séparatistes comme dirait Jean Crétien et qui est certainement complice de Trudeau.