Philippe Couillard a été élu à la tête du Parti libéral du Québec dimanche.
Il a remporté la victoire dès le premier tour avec 58,5 % des voix. À la surprise générale, Pierre Moreau a fini deuxième avec 22 % des suffrages. Raymond Bachand a pris le dernier rang, avec 19,5 % des appuis.
En tout, 2377 délégués se sont prévalus de leur droit de vote. – Louis Gagné, Le Journal de Montréal, 17 mars 2013
Son retrait de la vie politique – pour quelques années – aura donc eu sur la crédibilité du personnage comme un effet blanchiment d’argent. Genre. Comme il n’était pas là, les militants ne peuvent pas vraiment l’associer à tout ce que le dernier gouvernement Charest a pu comporter de négatif, dont notamment tout ce tataouinage et ces délais qui ont précédé la Commission d’enquête que préside madame la juge Charbonneau.
Reste toutefois que les circonstances de ce retrait temporaire de la politique demeurent nébuleuses. Aurait-t-il négocié les conditions de son emploi dans le privé alors qu’il était encore ministre de la santé?
En août 2008, l’opposition, à l’époque péquiste, avait reproché à l’ancien ministre d’avoir signé, quelques jours avant son départ, deux décrets en lien avec l’exploitation de cliniques privées. Or, M. Couillard a rapidement été embauché, à l’époque, par Persistance Capital Partners (PCP), entre autres actionnaire principal des cliniques privées Medisys.
En 2008 toujours, le Commissaire au lobbyisme avait fait enquête au sujet des rapports que Stuart et Sheldon Elman, de PCP, avaient eus avec M.Couillard alors qu’il était encore ministre. Le commissaire avait conclu qu’il n’y avait eu aucun lobbyisme illégal ; mais des discussions sur un « projet d’association professionnelle » jusqu’à la conclusion d’une entente de principe, deux mois avant la démission du ministre.
En 2010, une telle pratique a été limitée dans le Code d’éthique et de déontologie des membres de l’Assemblée nationale. – Antoine Robitaille, Le Devoir, 3 octobre 2012
Bref, Couillard avait su profiter en 2008 des lacunes que comportait alors le Code de déontologie auquel il était astreint. Pas de quoi susciter mon admiration… Et puis, il y a l’histoire de ses relations avec Arthur Porter, sur lequel pèsent de lourds soupçons de fraude. La nature de la relation entre les deux hommes, c’est une chose. La qualité de la réputation qu’avait Arthur Porter à l’époque où Couillard et lui ont noué cette relation, c’est une autre chose; peut-être, après tout, Couillard aura-t-il été « coupable » de naïveté – tout au plus – pour avoir fait confiance à un homme dont tout laissait croire qu’il était irréprochable. Peut-être.
Reste que Philippe Couillard a été surpris en flagrant délit de mensonge, lui qui a d’abord affirmé: on n’était pas très proches, c’était une bonne connaissance, je ne nierai jamais ça ». Et puis, la bombe – une déclaration datant de 2011: it was known to many of you that Arthur and I have been excellent friends… very close friends since the first time we met in 2003.
Mensonge. Lâcheté. Manipulation de l’opinion publique… Voilà qui est de bon augure; après tout, le bonhomme avait déjà étiré les règles d’éthique au maximum quand il a quitté le cabinet Charest en 2008, rappelle Antoine Robitaille. Et comme si ça ne suffisait pas à le rendre suspect, voilà qu’à quelques jours de la convention qui en fera le chef du Parti Libéral, il renie courageusement une amitié qui était devenue trop encombrante.
Shit! Mais c’est le PLQ, après tout… C’est le Parti qui a essayé pendant deux ans et demi de faire croire à la population qu’une Commission d’enquête sur le financement occulte des partis politiques pourrait empêcher la Justice de mettre les bandits en prison! Je ne prétends pas que le PQ est lui-même blanc comme neige, loin de là [1], mais plus les témoins défilent devant la Commission Charbonneau, et plus Jean Charest me semble avoir su ce qu’il faisait quand il refusait la tenue d’une enquête publique par une Commission avec des VRAIS pouvoirs d’enquête et de contrainte.
Un effet Couillard?
Je comprends mal le refus de Couillard de se faire élire avant la tenue d’une élection générale. Surtout si il devait désigner Sam Hamad à titre de leader de l’Opposition officielle à l’Assemblée Nationale. Jean Charest était un top debater. L’un des meilleurs. Jean-Marc Fournier m’apparaissait une coche plus bas, mais néanmoins très supérieur à Sam Hamad.
Cela dit, il est bien possible que malgré tous ses démentis Raymond Bachand quitte son siège à brève échéance, et ce, sans égard à une éventuelle candidature à la mairie de Montréal. Si ça peut constituer un frein aux velléités de Denis Coderre, alors va pour Bachand, qui lui est largement supérieur. Si Bachand devait se retirer en offrant son comté à Philippe Couillard, ce dernier pourrait avoir l’air fou de lever le nez sur cette opportunité; raison de plus, pour Bachand, de lui offrir son siège!
Philippe Couillard est lui-même un excellent debater. Mais surtout, il est intelligent, cultivé et articulé, comme bien peu (aucun?) autre membre de l’Assemblée Nationale ne saurait l’être. Et puis, maintenant qu’il a réussi à devenir cheuf MALGRÉ le boulet qu’aurait dû constituer sa relation avec Arthur Porter, on peut encore s’interroger sur la perception qu’en aura l’électorat , le temps venu. Il y a aussi que, parce qu’il s’était lui-même sorti de l’Assemblée Nationale AVANT la tempête qui a secoué le PLQ et qui pourrait encore le secouer, Couillard pourra avoir l’air d’être lui-même étranger à tous ces scandales.
Avoir l’air… Voilà déjà pour Pauline Marois un bon motif de se méfier. Pour le reste, ça va dépendre de la direction d’où viendra le vent Couillard. Devant l’orientation néo-libérale du Parti Québécois et dans la foulée de ces coupures qui font japper, le PLQ de Philippe Couillard pourrait-il offrir une alternative sociale-démocrate? Pourrait-il même offrir une alternative sociale-démocrate aux nationalistes mous, en promettant la réouverture du débat constitutionnelle et un nouvel accord simili-Meech?
Des trois choix qui s’offraient à eux, les militants libéraux ont choisi celui qui leur paraissait avoir les meilleures chances de faire oublier les travaux de la Commission Charbonneau et de reprendre le pouvoir. En ce sens, c’était sans doute le choix qu’ils devaient faire. Reste que pour le brassage d’idées et un véritable renouvellement du Parti ou de sa plateforme électorale, on repassera!
Des surprises?
LA surprise – à mes yeux, du moins, c’est la sous-performance de Raymond Bachand. C’est comme si les militants voyaient encore en lui un méchant go-gauche, lui qui a été acoquiné au Fond de Solidarité de la FTQ. C’est comme si les militants voyaient encore en lui un cheval de Troie, un crypto-souverainiste capable de décréter unilatéralement la souveraineté du Québec plus rapidement encore que Pauline Marois.
Je voyais Bachand à 25%, et Moreau à moins de 20%. Mais même si je voyais Couillard l’emporter dès le premier tour, le caractère écrasant de son triomphe m’a étonné.
De même, j’ai été étonné d’apprendre sur les ondes de RDI, pendant le vote tenu à l’auditorium de Verdun, qu’une équipe rivale (Couillard) avait bloqué la nomination de deux membres de la famille Bachand à titre de délégués. Et ça, le cas échéant, c’est vraiment de la petite politique; petite, dans le sens de mesquine. Les deux autres clans s’étaient entendus pour que de telles choses ne puissent survenir.
Des bassesses de cet ordre, j’en ai vu, autrefois. , chez les Conservatifs, du temps où je m’étais rangé derrière Jos Clark. Et des amis qui avaient participé au congrès libéral qui avait opposé Laporte, Wagner et Bourassa m’ont également fourni matière à réflexion. Si j’puis dire…
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[1] J’ai répudié le PQ et ai voté Solidaire en 2012; ce dont je me félicite de plus en plus, au fur et à mesure où les bottines néo-libérales du Parti Québécois s’éloignent du discours social-démocrate qu’il distillait de ses babines électorales.
Les nationalistes mous ont pas mal plus de chance d’aboutir à QS ou ON qu’au PLQ.
Ceux que Couillard pourrait séduire sont les opportunistes dont les convictions ne sont pas très fermes. Le genre qu’au fil des années seront candidats (en fonction de la direction du vent et des sondages) pour plein de partis n’ayant pas grand chose en commun. Plusieurs girouettes de ce genre ont été actifs à Québec.
Être couillon ou être pour Couillard; that is the conception. 😉
Savez-vous ce qui serais mourant, c’est que couillard se plante au élection partiel et tout cela recommence.
Je sais que cela serait extrèmement improbable(euphémisme) car il vont le faire élire dans une fortesse libéral.
À se demander si en fais la clé de la ‘destruction’ du PLQ, ca serait pas un partie fédéraliste de GAUCHE. Parce que l’on sait tous qu’il y a une grande part de fédéralistes moins à droite mais très fédéralistes et les hum ‘ethniques’ et anglos qui votent PLQ en se bouchant le nez (ou pour les Verts pour les vraiment de gauche).
Mais ca ferais possiblement du mal à QS (et les Verts).
Heureux de constater que Serge Chapleau s’est inspiré (?) du photo-montage qui coiffe le présent billet. La caricature [hyperlien] qu’il a publiée le 19 mars.
Allo? Allo? Philippe!? …c’est ton bon ami Arthur, je voulais te féliciter pour ta victoire…