L’entreprise Roots Canada associe son image corporative à celle du castor. La veille du dépôt de son budget et conformément à une vieille tradition, Jim Flaherty s’était rendu chez Roots pour s’acheter une paire de galoches made in Canada. Devant les caméras, bien sûr, et, pourquoi pas, devant une pile de boîtes de chaussures qui affichaient la marque Roots. Par ailleurs, depuis le 24 mars 1975, une Loi a confirmé le castor canadensis comme symbole de la souveraineté du Canada.
Ces images du ministre et de ses nouvelles godasses – sur fond de castor – portaient un message subliminal qu’aucun commentateur politique n’a su décoder: c’est pas seulement les chaussures ministérielles qui allaient caresser la queue du castor; le contenu du budget itou.
En somme, un budget pour gruger (castor, castor!) dans les champs de compétence du Québec et des provinces. Un budget pour abattre (castor, castor!) la fleur de lys. Un budget pour faire barrage (castor, castor!) à Québec Inc et à ses créatures maléfiques…
L’effet castor
Même Justin Trudeau, le fils du père de la concentration des leviers entre les mains d’Ottawa, se dit outré par ce coup de force du Fédéral dans un champ de compétences des provinces: Trudeau told reporters in the foyer of the House that he expects provinces to rankle against Ottawa taking a more active role in training—especially since Harper hasn’t met formally with the premiers since the fall of 2008. “We have a government that over the past number of years has completely removed itself from any sort of productive relationship with all provincial premiers,” he said. – John Geddes, Macleans, 21 mars
L’Assemblée Nationale – tous partis confondus – dénonce avec une rare unanimité.
a) valeurs mobilières
La Cour suprême a eu beau confirmer la juridiction exclusive des provinces et rejeter les prétentions du gouvernement Harper en matière de réglementation des valeurs mobilières, le plan budgétaire présenté par Jim Flaherty comporte encore une fois l’expression d’une volonté très nette du gouvernement fédéral de conclure un accord avec les provinces sur la création d’une commission unique de réglementation des valeurs mobilières. Et si un tel accord ne peut être conclu, Ottawa proposera des mesures législatives pour s’acquitter de ses responsabilités en matière de réglementation en accord avec la décision de la Cour suprême du Canada, peut-on lire dans Les Affaires sous la plume de Guillaume Poulin-Goyer. C’est en Alberta et au Québec que le fédéral risque de trouver l’opposition la plus farouche.
b) formation de la main d’oeuvre
Le gouvernement fédéral veut transférer des provinces aux entreprises la responsabilité de la gestion des fonds dédiés à cette fin. Ottawa souhaite instaurer une nouvelle formule où le fédéral, les provinces et les employeurs verseront jusqu’à 5000 $ chacun pour outiller les travailleurs.
« C’est une compétence exclusive du Québec, et le fédéral s’entête à aller dans cette direction au détriment de notre industrie des services financiers », a dénoncé le ministre Marceau.
Selon lui, Ottawa force Québec à verser 67 millions de dollars en formation pour avoir accès aux sommes que le fédéral lui retire. En vertu d’une entente conclue avec Ottawa, Québec reçoit 116 millions pour des mesures d’employabilité, sur l’enveloppe de 500 millions que le gouvernement fédéral remet aux provinces.
Les ententes que le fédéral a conclues avec les provinces au sujet du marché du travail viennent à échéance l’an prochain. Comme la formation des travailleurs est une compétence provinciale, les négociations s’annoncent ardues, notamment avec le Québec, qui protège jalousement ses pouvoirs constitutionnels. – SRC, 21 mars 2013
De souhaiter améliorer l’efficacité de la formation des travailleurs, c’est un objectif fort louable. Sauf que c’est de la compétence exclusive des provinces – « compétence », au sens constitutionnel du terme. Cela dit, en quoi les fédérules possèdent-ils l’expertise nécessaire pour se montrer compétents en matière de formation – « compétents » pris ici dans son sens commun de « qui sait faire et qui fait bien« …
Autre chose: le Fédéral entend ici lier le sort de sa contribution financière à la bonne volonté des entreprises, ce qui est à proprement parler non seulement inacceptable, mais odieux. Si j’étais chef d’entreprise, en quoi pourrais-je me montrer intéressé à contribuer à hauteur de 33% à la formation d’un salarié qui est susceptible de quitter pour d’autres cieux dès sa formation complétée? Et puis, comment intéresser un entrepreneur à faire affaires avec les deux paliers de gouvernement et à remplir toute la paperasse que le deal pourra requérir?
c) suppression des crédits d’impôt relatifs aux investissements dans un fonds de travailleurs
« C’est une attaque contre le Québec, une attaque contre les travailleurs et travailleuses, une attaque contre le mouvement syndical. » Daniel Boyer, secrétaire général de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), a fustigé vendredi l’élimination graduelle du crédit d’impôt de 15 % que le gouvernement fédéral accorde aux actionnaires des fonds de travailleurs. – Jean-Sébastien Marsan, Argent, 22 mars 2012
Le chroniqueur financier François Pouliot, soulignait pour sa part dans les Affaires que le Canada compte 19 de ces fonds de travailleurs qui ont, globalement, coûté 145 millions de dollars en dépenses fiscales l’an dernier; le Fonds de Solidarité FTQ – dont je suis moi-même actionnaire depuis son lancement – est de loin le mieux nanti de ces fonds.
François Pouliot écrit notamment:
« Il ne s’agit pas d’une décision de nature financière. Ottawa le reconnaît et fait plutôt valoir que le crédit d’impôt manque d’efficacité pour stimuler la vitalité du secteur du capital de risque. »
[…] « En appui à sa décision, le gouvernement note au passage que l’Ontario a, elle aussi, éliminé l’an dernier son crédit d’impôt pour les fonds de travailleurs. »
[…] « L’exemple ontarien est cependant un mauvais exemple. Le modèle des fonds de travailleurs n’y a jamais réussi. Il y en avait un trop grand nombre (on est passé de 50 fonds du genre à 19 au Canada depuis l’annonce ontarienne). Ils n’avaient de ce fait pas assez d’argent chacun pour avoir un bon équilibre entre leur portefeuille de placements à risque et celui de placements plus sécuritaires. Au Québec, l’effet a été contraire… »
Maxime Bernier se fait aller les mandibules: il affirme – faussement – que ces fonds n’investissent dans le capital de risque – ce pourquoi ils avaient été créés – qu’à hauteur de 11%. J’ignore ce qu’il en est ailleurs, mais le Fonds de Solidarité FTQ, lui, investit à hauteur de plus de 50% dans le capital de risque et, au Québec, 60% des mises de fonds en capital de risque proviennent des fonds de travailleurs.
En matière de capital de risque, je m’y connais un p’tit brin, pour avoir siégé pendant au moins 10 ans au comité exécutif de la SADC [1] locale et, pendant une quinzaine d’années, été membre de son comité d’investissement. La capitalisation de notre fonds d’investissement par le Fédéral (notre bailleur de fonds) a toujours posé problème, aussi le comité d’investissement a-t-il du se montrer particulièrement sélectif et saupoudrer son soutien financier avec discernement. Et ce, alors que notre mission était pourtant d’aider au démarrage d’entreprises – et ça, c’est du capital de risque!
Cela dit, les antennes de chacun des administrateurs et membres du Comité d’Investissement de l’organisme prêteur dans la milieu qu’ils desservent lui ont permis – comme c’est sans doute le cas des 54 SADC du Québec – de savoir sur les aspirants-emprunteurs des tas de petites choses susceptibles d’éveiller des soupçons – ou de rassurer – sur leur entrepreneurship, leur probité ou leur capacité de faire face au vent, le cas échéant.
Bernier et les Conservatifs soutiennent que les Fonds d’investissements sont sous-performants en matière de rendement. Ils évoquent également une forme de concurrence déloyale envers les autres émetteurs de REERs. Ces deux arguments font abstraction de la mission des fonds de travailleurs en matière de capital de risque.
D’une part, cette mission est difficilement compatible avec de forts rendements soutenus de la part de ces fonds d’investissement. D’autre part, les banques à charte et le Mouvement Desjardins répugnent à investir dans le capital de risque. Même chose pour la Banque de Développement du Canada.
Or mettre fin au crédit d’impôt fédéral, c’est comme sonner le glas des Fonds de travailleurs; dépouillés de l’avantage concurrentiel que leur vaut le double crédit d’impôt, ils vont cesser d’attirer les investissements, alors que les « vieux investisseurs » de ma génération retirent lentement leurs billes.
Et sonner le glas des Fonds de travailleurs, c’est compromettre l’investissement dans le capital de risque. Que va-t-il rester dans ce marché peu encombré? La Caisse de dépôt du Québec. Mais puisque Michael Sabia DOIT offrir au Gouvernement du Québec, à l’ensemble des Québécois (la RRQ!) et à certains groupes particuliers un rendement acceptable, sinon, goodbye Charlie Brown.
Bref, parce qu’il haït les syndicats, parce qu’il sait ne pouvoir compter sur le Québec pour sa réélection et parce qu’il gouverne en se kâlissant royalement (!) des conséquences de ses décisions, le gouvernement Harper vient d’asséner à l’économie du Québec un coup particulièrement vicieux.
Sans même consulter. Où était le président de la FTQ au moment de cette annonce? Dans les Zeuropes! Si il aurait su, il aurait pas parti là bas, m’inspire le Ti-coune de la Guerre des boutons. À preuve: Michel Arsenault revient au Québec en catastrophe!
Même Marcel Côté, consultant en management et fondateur de Secor (aujourd,hui KPMG-Secor), fulmine contre cette mesure. Et Dieu sait que Marcel Côté, c’est loin de la go-gauche! Il a d’ailleurs soulevé quelques vagues et confirmé où il loge, lui qui affirmait le mois dernier « la mafia est plus démocratique que les organisations étudiantes« .
Bof!
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[1] L’acronyme SADC peut désigner aussi bien la Société d’Assurance-Dépôt du Canada que les Sociétés d’Aide au Développement des Collectivités. Deux créatures du Fédéral; le présent billet traite bien sûr des Sociétés d’aide au Développement!
N’est-ce pas ce que mérite ce maudit corporo-syndicaleux de merde?[1] 8;-)
[1] C’est sans aucun doute ce que les vrais experts -ceux qui ont peinés à compléter un secondaire 5- qui œuvrent à la radio poubelle de notre belle Capitale nationale. Les pseudo-experts « gauchisses » qui ont perdu leur temps sur les bancs de l’université peuvent brailler tant qu’ils le souhaitent, on n’en tient pas compte, car ils ne parlent pas des vraies affaires et manquent totalement de charisme. À quoi bon perdre son temps à écouter des personnes insipides [2] ? 8;-)
[2] Pour Hard-peur c’est pas pareil, car même s’il est insipide au moins lui il botte le derrière des syndicats, de la go-gauche, de la province qui a osé voter orange crush. 8;-)
C’est pas parce qu’on rit que c’est drole.. 😦
Le pire, même parmis les adversaires d’Hard Peur ici, genre souverainistes, BIEN d’eux partagent au moins quelques idées. La droite québecoise.
Un Québec indépendant serait-il gouverné si différement? pas autant socialement à droite, mais… certains risqueraient d’avoir des surprises.
Pendant ce temps, au vieux pays…
http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2013/mar/27/food-class-poor-people-stamps
Merde.