Le Service de Police de la Ville de Montréal est toujours très prompt à réagir quand la « victime » appartient à la maison. Et toujours très lente à corriger le tir après une bavure dont les victimes ne portent pas l’uniforme.
On se souviendra de la réaction démesurée quand madame 728 avait câllé un 10-07 et mobilisé une vingtaine d’auto-patrouilles en octobre 2012 rue Papineau, au sud de Mont-Royal. Une dame avait eu l’audace de filmer la scène; la grosse vache à 728 lui avait collé une accusation d’entrave! Les images de cette bavure policière ont circulé abondamment; pourtant, la direction du SPVM aura mis plus de cinq mois à « abandonner les charges« contre les résidents Serge Lavoie, Rudi Ochietti, Simon Pagé et contre la vidéaste Karen Molina, qui se trouvait là par hasard.
Police à deux vitesses? You bet!
Et c’est cette image d’une police parano qui s’inscruste lentement dans l’imaginaire populaire. Pas bon pantoute pour la police, ça!
Ça – l’image qui coiffe ce billet -, c’est la photo d’une affichette qu’une jeune activiste montréalaise, Jennifer Pawluck, a captée de son objectif sur un mur du quartier Hochelaga-Maisonneuve et qu’elle a publiée sur son compte Facebook. L’agent de liaison du SPVM, Ian Lafrenière, y apparaît avec une balle dans le front.
Pawluck s’est déjà fait arrêter à quelques reprises pendant le printemps érable; la polisse, elle n’aime pas, et les commentaires qu’elle a publiés avec la photo de l’affichette le confirment. Mais est-ce là, et même dans ce contexte, un motif pour accuser cette jeune activiste de harcèlement ou d’incitation au meurtre du policier Lafrenière?
Ce n’est pas une opinion politique que je vais exprimer ici; c’est l’opinion d’un juriste, qui n’a pas oublié que dans un procès criminel, la présomption d’innocence dont jouit l’accusée ne peut être renversée que par une preuve hors de tout doute raisonnable de chacun des éléments constitutifs du crime reproché.
La « couronne » va donc devoir démontrer que, sans l’ombre du moindre doute Pawluck avait l’intention de harceler et d’intimider Lafrenière. Heu… c’est loin d’être acquis, ça! À mon avis, cette accusation va être rejetée. Critiquer le travail de la police, dénoncer les bavures et la violence excessive de la part des policiers, les qualifier de chiens sales, leur chier dessus, ça n’est pas illégal. Publier la photo ci-dessus, c’est pas illégal. Ajouter la photo à des critiques acerbes, ça n’est toujours pas illégal, et ça ne le sera devenu que dans la mesure où Pawluck aura clairement laissé entendre dans les commentaires qui accompagnaient la photo sur Facebook que Lafrenière mérite cette balle dans la tête que le graffiteur a imaginée pour son affichette.
Alors finalement, qui c’est qui est victime de harcèlement? Ian Lafrenière, ou Jennifer Pawluck?
Pawluck est âgée de 20 ans; c’est par naïveté qu’elle a péché, elle qui n’avait pas vu venir l’exploitation éhontée que le SPVM ferait de l’évènement!
Mais, diantre, le SPVM aura fait pire encore, lui dont l’État-Major n’a pas eu l’intelligence de prévoir la réaction du public à cette accusation plus épidermique que rationnelle.
En publiant la photo, Mme Pawluck y a ajouté des propos qu’elle reconnaît comme étant haineux envers la police. Elle estime toutefois qu’ils n’étaient pas menaçants.
L’histoire a grandement fait réagir sur les réseaux sociaux. Sur Facebook, plusieurs personnes ont même remplacé leur propre photo de profil par le graffiti en question.
Le groupe Mise en demeure, qui avait fait parler de lui pour son affiche montrant Amir Khadir avec Jean Charest sans vie à ses pieds, a aussi changé sa photo de couverture en appui à la jeune militante. – Agence QMI, 4 avril 2013
Cette réaction, à laquelle on assiste dans certains milieux, risque de constituer pour le SPVM et pour Ian Lafrenière un danger beaucoup plus grand que la seule intervention de Jennifer Pawluck sur les réseaux sociaux. C’est ce que j’appelle « se tirer dans les jambes« !
En s’acharnant sur Pawluck, le SPVM en fait une martyre.
Ce soir, à la télé, un « spécialiste des questions policières » affirmait sans sourciller que même si elle n’en était pas nécessairement consciente, Pawluck a pu titiller les instincts meurtriers d’un psychopathe et ainsi mettre la vie de Ian Lafrenière ou d’un autre policier en danger. Soit. Mais de quelle visibilité jouissait Jennifer Pawluck sur Facebook? Combien d’amis Facebook ont accès à ses images et à ses commentaires? Quelle était la taille de son lectorat réel AVANT qu’elle ne soit mise en accusation?
Et depuis son arrestation et sa mise en accusation, suivies de la publication de cette affichette dans les médias grand-public, combien de psychopathes en puissance l’auront vue, cette image?
Pôv’ cons! Vous êtes plus de 4600 à travailler pour le SPVM, et aucun d’entre vous n’a pensé que ce n’était peut-être pas la chose à faire que de provoquer un buzz médiatique autour de cette image qui, parce qu’elle avait circulé dans des milieux aussi restreints que marginaux, vous avait déjà foutu la trouille?
Allôôôô?
De mauvais gout? possible.
Mais pas pire, pas plus haineux que disons, une certaine série scandinave de caricatures sur l’Islam et son Prophète….
Si pour elles par exemple on défend la liberté d’expression, ca vaut aussi pour cà.
Comme je l’ai déjà souligné, il serait opportun de rappeler ici que, dans la foulée de l’attentat survenu au Métropolis de Montréal le 4 septembre dernier, les réseaux sociaux avaient été un lieu privilégié par certains de nos concitoyens de langue anglaise pour laisser libre cours à leur prose haineuse…
Certains se désolant même que le tireur sonnant le « réveil des anglais » ait raté la première ministre nouvellement élue… rien de moins.
Pourtant et bien que l’incitation à la haine et à la violence dans la sphère publique puisse faire l’objet de sanctions, à ce jour nos gendarmes n’ont rien fait pour arrêter ou sanctionner ces comportements condamnables et répréhensibles. À quand des mises en accusation ou des arrestations dans ce dossier?
Par contre, une carrée rouge, reproduisant sur sa page Facechnoutte un tag représentant le monsieur responsable des relations-publiques du SPVM avec une balle dans le front et hop! on la coffre…
La photo du tag dénote un manque de jugement selon moi, puisqu’elle peut valider les perceptions de certains fêlés envers la police, et de ce fait encourager certains dérapages… Mais, je n’y vois précisément rien d’autre qu’un manque de jugement.
D’un côté on a des gens qui utilisent les réseaux sociaux pour exulter leur haine contre une première ministre élue démocratiquement. Et de l’autre on a une personne qui a utilisé l’espace publique pour reproduire un tag provocateur contre un représentant du service de police et elle est arrêtée et accusée dans les heures ou jours qui suivent…
Comme il serait réjouissant de sentir pareil empressement de la part des gendarmes quand vient le temps de protéger le citoyen. Fut-il un préposé aux bénéficiaires se rendant en boulot à l’hôpital St-Luc, Premier-Ministre ou simplement porte parole de service de police…
@ Objecteur
Il était peut-être difficile de protéger des balles perdues ce préposé qui se rendait à son travail à l’Hôpital St-Luc – en théorie. Quoique la réaction du SPVM auprès d’un itinérant qui était connu des patrouilleurs a été, disons-le en termes polis, erratique. Les policiers auraient-ils agi autrement si au bout de la trajectoire de la balle s’était trouvé la porte principale de l’immeuble abritant le QG du SPVM?
Heu…
Oui, il y a eu manque de jugement. Mais Jennifer Pawluck a 20 ans, ceci pouvant expliquer cela.
Par contre, comment diable tous les penseurs et stratèges du SPVM n’ont-ils pas vu venir les réactions à l’arrestation de Pawluck? S’ils ne l’avaient pas arrêtée, deux ou trois douzaines d’internautes (je caricature!) auraient vu circuler la face de Lafrenière avec une balle dans la tête. Au lieu de cela, l’oeuvre est désormais célèbre de Moscou à Melbourne et de Tokyo à Rio.
Sans compter le buzz là où ça compte vraiment: dans les rues de Montréal.
Un succès sur toute la ligne!
@papitibi
Sur TV Tropes, je crois qu’ils appelaient cà l’effet Barbara Streissend, du nom de cette star…
Si je me rappelle bien, elle a voulus faire retirer des photos d’un site web, mais sa campagne a seulement eu l’effet de rendre le tout encore plus gros et cie.
La même affaire. On voit que nos poulets ont encore de la misère avec Les Glorieux Internets, qui ne pardonnent ni oublient si souvent..
@ Papitibi
Erratique, ouais, sauf que sans jouer les gérants d’estrade on est en droit d’émettre de sérieuses réserves en ce qui a trait à l’entraînement donné aux policiers dans les situations à risque, à leur jugement en général et à leurs réactions surtout. La comparaison a son utilité ici; ainsi je me demande combien de quidams sont tombés « raide mort » des suites d’une balle perdue tirée par un policier dans l’exercise de ses fonctions dans une métropole de taille équivalente à Montréal…
Normalement lorsqu’on apprend à manier une arme à feu on apprends aussi à veiller à l’utiliser de manière à ce qu’aucune balle ne se perde hors de la ligne de tir et on s’assure aussi que personne ne risque inopinément d’entrer dans ladite ligne de tir… Au pire, un coup de semonce peut être tiré ce qui alerte l’individu concerné tout autant que les personnes étant dans les parages.
Le SPVM a un double problème: d’abord, ses dérapages et bavures, trop nombreuses pour ne pas être préoccupantes, mais aussi la désinvolture relative confinant même à l’indifférence qu’ils affichent en de telles circonstances. Le citoyen que je suis en est venu à craindre ces fonctionnaires qui en toute impunité abuse de leur pouvoir et de leur force. Servir et protéger est à des lieux de ce qu »ils nous font voir depuis longtemps déjà.
Ce qui les rends dangereux c’est précisément leur impunité.
Pendant ce temps nos élus, tous partis confondus, ne dénoncent en rien, ou si peu, leurs excès, les confortant de facto dans leurs pratiques. Enfin, le quatrième pouvoir, lui, ne fait que trop peu pour dénoncer les pratiques douteuses des policiers. Laissant du coup ces derniers libres de toute retenue.
Le caméraman de La Presse bousculé et intimidé il y a quelques semaines aurait normalement dû mener la FPJQ au front et rallier TOUT ce qu’il y a de médias au Québec pour dénoncer la situation. Pourtant rien de tel ne s’est produit. Si nos dirigeants, le pouvoir exécutif et le quatrième pouvoir se tenaient, ils auraient pu ramener les forces de l’ordre à leurs devoirs, en leur rappelant qu’ils ont dans l’état de droit l’obligation de respecter le travail des médias, et ce qu’il leur plaise ou non. Et qu’enfin les policiers doivent aussi utiliser la force avec retenue et qu’ils ne peuvent en abuser…Et là, à mon avis, on touche au noeud du problème, au sens où la mollesse des institutions vient conforter les policiers dans une position où ils font la loi plutôt que de se contenter de l’appliquer.
Et ça c’est inquiétant.
Côté gestion « PR » c’est pas fort le SPVM, comme en fait foi leur dernière bourde (d’une très longue série):
http://www.radio-canada.ca/nouvelles/actualite/2013/04/06/001-police-spvm-confisque-tete-anarchopanda.shtml
Le SPVM a eu la tête d’Anarchopanda.
La dite tête sera retenue en guise de pièce à conviction aux dires de M.Lacoursière du SPVM. Le même individu qui a intimidé et menacé un journaliste de La Presse d’arrestation et ce après qu’un policier ait poussé au sol un caméraman du même journal…
Anarchopanda a perdu la tête parce qu’il aura eu la mauvaise idée d’apposer la photo en rubrique du présent billet de Papitibi..
De l’état de droit nous nous approchons drôlement de l’état policier, selon moi.
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Merci pour le lien barefootluc.
@ Objecteur Conscient
Si la majorité des commentaires sur cet article du site internet de Radio-cadenas est représentatif de la majorité silencieuse je ne suis pas optimiste pour le futur du Québec!!! 😉
@ barefootluc
La majorité silencieuse se fait entuber et pas qu’un peu… mais bon, on peut difficilement changer le cap au point où on est rendu, n’est-ce pas? Et nos élites semblent vraiment s’en crisser, ça fait qu’on regarde le hockey… pis cé ça qui est ça…
Optimiste, dur en effet de l’être à moins d’être PDG d’une compagnie comme le chantait tristement les Cowboys Fringants dans « En Berne »…
On vit sur du temps emprunté, ce qui n’est pas si con quand on mesure le niveau d’endettement des ménages.
C’est triste voilà ce que c’est…
Allez bon samedi et puisse le printemps nous apporter un peu de douceur!
Ce soir, on peut aussi regarder le Curling ou le Basketball de la NCAA 😉
Ahhh, les joies du curling…
Sport noble qui donne le balai aux messieurs 🙂
4 points d’avance après 8 bouts c’est pas mal mieux que les derniers 3-4 jours!
Certains disent que 1984 s’en viens.
Oh non.
C’est une version updatée d’Un Brave Nouveau Monde (capitalismo).
La dictature des plaisirs et pains et jeux. Par les trucs renforcement positifs (de l’élite, des bourgeois, des larbins, etc..).
Pas de dictature… mais un controle inoue. Pas besoin de cravaches quand tu a de delicieuses carrottes…
Genre une prorogation de la Chambre des communes pendant la durée des Jeux Olympiques au Ska-nada? 😉
@barefootluc
Un bel example.
ou ces deux fameuses manifs, une à Québec pour de nouveaux Nordiques VS à Montréal pour… logements sociaux ou la pauvreté. Celle de Québec ayant été nettement supérieure en taille…
@ geek 14:36
C’est que la perspective de pouvoir acquérir POUR SOI-MÊME un billet de saison pour les hypothétique Nordiques 2.0, c’est bien plus exaltant que la perspective de payer des impôts pour des crisses de parasites qui vont occuper des logements subventionnés!
Le sarcasme, ici, fait mal!
La Nordique Nation n’est pas constituée que de sales égoïstes mais il y en a parmi eux. Et quand on pense Nordiques, on pense « loisirs », on pense « superflu ». Mais quand on pense « logement social », d’habitude, on pense davantage à kek chose dont on n’espère ne jamais avoir à bénéficier soi-même. Malheureusement, quand on cherche un peu, on peut trouver une vielle tante ou une cousine veuve avec ses trois enfants…
Hier soir au téléjournal local de Québec à Radio-Cadenas on apprenait que pendant la manif contre les contre les coupures à l’aide social, la sortie d’un stationnement a été bloquée. Un automobiliste a perdu patience et les policiers ont eu à intervenir.
Je n’arrive cependant pas a trouver de référence sur le « ouaibe » concernant l’incident.
Si l’automobiliste a foncé sur des manifestants, aurait-on dû saisir l’automobile comme ont l’a fait pour la tête d’Anarchopanda? 😉
Le jour où les poulets briserons une manif plus à droite qui tourne mal, genre Fédérations des Québecois de Souche, et punirons ces gars là… je vais être AH! Mais ca me suprendrais que ca arrive.
Well well well…
http://www.lapresse.ca/debats/chroniques/yves-boisvert/201304/06/01-4638235-une-balle-dans-le-front.php
@ Badasse
Yves Boisvert connaît son droit mieux que 99% des commentateurs – il a fait des études – mais son billet est davantage une job de bras qu’un exercice de jugeotte.
Il écrit:
Pour les fins de la discussion, tenons pour avéré que Lafrenière et sa famille ont vraiment tremblé de peur après la diffusion par Jennifer Pawluck de la photo « balle dans la tête ». Mettons…
Alors une seule question: si la police s’était vraiment préoccupée des états d’âme de la famille Lafrenière après que cette image de mauvais goût eut été diffusée de manière plutôt limitée sur le web, alors pourquoi aurait-t-elle porté les accusations, SACHANT ou étant présumée prévoir que les médias allaient s’emparer de l’affaire et provoquer une diffusion aussi large?
Le SPVM a la tête enfoncée dans le sable et il ne voit pas à quel point son gros cul est exposé à la communauté des opposants à la brutalité policière partout dans le monde. Des images du printemps érable ont été diffusées PARTOUT dans le monde. Alors quand le SPVM varge sur une jeune femme de 20 ans en l’accusant de harcèlement, l’image d’Ian Lafrenière avec un trou de balle dans la tête fait le tour du monde.
Comme c’est brillant, de la part du SPVM, d’exposer ainsi son porte-parole! Il ne pourra plus aller au Mexique, à Vienne ou au Viet-Nam sas s’exposer à être pointé du doigt… et peut-être, pris pour cible par un psychopathe.
C’est de ça que Yves Boisvert aurait dû entretenir ses lecteurs. Sauf que ÇA, ça suppose un courage qu’il n’a pas…