Ce document recto-verso – dont je reproduis ici deux minuscules retailles, a été adressé à tous les Canadiens dans une enveloppe identifiée au gouvernement du Canada; il s’agit pourtant d’une auto-promotion du Parti Harper, en réaction à cette contestation qui ne dérougit ni au Québec ni dans les Maritimes.
Une réforme dont la ministre n’a pas l’honnêteté et le courage de reconnaître à quel point elle a charcuté les droits des travailleurs. Des ajustements, qu’ils nous disent. Ils ont menti…
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Je n’en ai jamais vraiment parlé, ni sur ce blogue ni ailleurs, mais j’ai acquis en matière d’assurance-emploi une expertise assez pointue.
Ce qui m’autorise à traiter aujourd’hui d’un aspect de cette réforme dont ni Québec ni l’Opposition à Ottawa n’ont traité: l’abolition du Conseil arbitral. Et quand les médias ont effleuré la question, ils se sont gourés.
Le nouveau Tribunal de la sécurité sociale (TSS) est entré en fonction le 1er avril.
Cette instance fédérale vient créer une structure unique pour traiter les demandes d’appel pour les décisions gouvernementales liées à l’assurance-emploi, le régime de pensions du Canada et à la sécurité de la vieillesse.
Auparavant, un représentant des syndicats, un représentant des employeurs et un juge nommé par Ottawa s’occupaient du processus d’appel. – La Presse Canadienne, 1 avril 2013
Heu… pas tout à fait. Et le remplacement du Conseil arbitral par le nouveau TSS, c’est bien plus qu’un changement de nom: c’est la perte du droit des travailleurs de contester S’ILS EN ONT ENVIE toutes et chacune des décisions rendues par la Commission d’Assurance-Emploi quant à leur droit aux prestations.
La réforme est entrée en vigueur il y a à peine une semaine que déjà les effets pervers s’en font sentir.
Un exemple? Ce 27 mars, un agent d’intégrité de la Commission a coupé les prestations d’un bénéficiaires, sans lui laisser l’occasion d’expliquer pourquoi il n’avait pu répondre quand la Commission avait tenté de le rejoindre par téléphone les 26 et 27 mars. Guillaume Bourgault-Côté a exposé l’affaire dans Le Devoir, édition du 8 avril:
Le problème, c’est que le prestataire ne s’était pas éloigné de son téléphone par oisiveté. Il avait plutôt été convoqué par Emploi Québec à une « rencontre obligatoire […] d’aide à la recherche d’emploi ». Le Devoir a pu consulter l’avis de convocation et la feuille de présence du prestataire, valables pour la journée du 26 mars.
Le lendemain, le prestataire avait une autre bonne excuse : il travaillait. Ce travail irrégulier à temps partiel est mentionné au dossier du prestataire, qui déclare les revenus gagnés (lesquels sont déduits de ses prestations, comme le prévoit la Loi).
Le gars s’est expliqué depuis. Mais la décision de lui couper les vivres – toute irrationnelle et arbitraire qu’elle soit – a été maintenue! Des vacheries du genre, la Commission en a chiées abondamment AVANT; j’en ai moi-même été le témoin privilégié. La différence, c’est que le prestataire pouvait autrefois faire appel devant le Conseil arbitral et 30 jours plus tard – c’est là un délai très court – le Conseil arbitral s’était déjà réuni et avait déjà renversé la décision.
Depuis le 1 avril, ça n’est plus si simple, de rappeler Bourgault-Côté:
« Si vous n’êtes pas d’accord avec la décision, vous avez 30 jours pour déposer un appel par écrit », précise la lettre lue par Le Devoir. Cet appel sera vraisemblablement entendu par le nouveau Tribunal de la sécurité sociale, en place depuis le 1er avril – et dont les paramètres de fonctionnement permettent des rejets sommaires des dossiers, tout en réduisant les audiences en personne.
Quoi? Le Tribunal de la Sécurité Sociale peut à sa seule discrétion rejeter l’appel logé par le prestataire, et ce, sans même qu’il se soit fait entendre? Bin oui. Et c’est écrit en toutes lettres en page 11 du document de présentation du Tribunal, mis en ligne par le gouvernement Harper lui-même.
On se servira de la technologie pour recueillir des données et diffuser l’information sur les appels et la tenue des audiences : il y aura plus de décision sur la foi du dossier, et d’audiences par téléphone et par vidéoconférence. Il y aura des audiences en personne au besoin.
Des décisions rendues sur la foi du dossier, il faut savoir que c’est une autre manière de décrire le pouvoir discrétionnaire du Tribunal de l’INSÉCURITÉ Sociale de re-fu-ser d’entendre la version et les arguments du chômeur à qui et les prestations auront été coupées! Ce qui revient à dire, au final, que l’administration aura pouvoir de vie et de mort économique.
Un juge nommé par Ottawa?
J’ai occupé la fonction. J’ai été nommé par décret, publié dans la Gazette officielle du Canada sous la signature de madame la Ministre Diane Finlay. Mais non, je n’avais ni le titre ni le salaire d’un juge… C’est plutôt un Conseil arbitral paritaire que j’ai présidé. Lire la suite