« Dewouôrre, les chiens pas d’médailles! » [1]
La défaite est complète et totale pour le gouvernement conservateur. La Cour suprême du Canada vient de déterminer que Marc Nadon, le choix de Stephen Harper pour y occuper le troisième siège réservé au Québec, n’a jamais été admissible à ce poste. Plus, les juges tranchent qu’Ottawa n’avait pas le droit de modifier seul les critères de nomination pour s’assurer que M. Nadon puisse rester en poste.
[…] la Cour suprême sert une rebuffade aux conservateurs. Le Parlement ne peut pas, seul, modifier les caractéristiques essentielles de la Cour suprême, car celles-ci jouissent d’une protection constitutionnelle. Ottawa aurait dû obtenir l’appui des 10 provinces. – Hélène Buzzetti, Le Devoir, 21 mars 2014
Ça augure mal pour cette réforme du Sénat que l’Empereur souhaite imposer sans l’accord des provinces… Surtout que la décision a été rendue à 6 contre 1. Suffit pas d’adopter une Loi pour rendre conforme au droit une chose qui ne l’était pas; à cet égard, la Cour Suprême vient de servir deux rebuffades en 48 heures au bully de Calgary [2].
J’ai souvent invoqué les principes d’interprétation du droit – qui vont bien au delà des mots et des apparences. Qu’en dit la Cour Suprême dans l’affaire du juge Nadon?
les art. 5 et 6 de la Loi sur la Cour suprême contiennent une caractéristique essentielle de la Cour suprême du Canada — sa composition — que protège la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982. À ce titre, ils doivent être interprétés généreusement en fonction de leur objet et examinés dans leurs contextes linguistique, philosophique et historique – paragraphe 19 de la décision
[notre] interprétation de l’art. 6 favorise son double objet qui consiste à garantir que la Cour possède une expertise en droit civil et que les traditions juridiques et les valeurs sociales du Québec y soient représentées et à préserver la confiance du Québec envers la Cour. Enfin, cette interprétation respecte l’économie générale de laLoi sur la Cour suprême au sujet de la nomination de juges suppléants. – paragraphe 18 de la décision
Je rappelle que des 7 juges qui ont participé à la décision, les juges Louis Lebel, Rosalie Silberman Abella et Beverley McLachlin (juge en chef) ont été nommés AVANT l’élection de Stephen Harper, alors que les juges Thomas Cromwell, Andromache Karakatsanis, Richard Wagner et le dissident Michael Moldaver (unilingue!) ont été nommés par Stephen Harper.
Quand même rassurant, non? Et voilà que l’Empereur se dit surpris de la décision… ce qui démontre le peu de respect qu’il voue à l’institution et au concept d’État de droit.
«Nous sommes vraiment surpris par la décision d’aujourd’hui», a déclaré un porte-parole du premier ministre Stephen Harper, Stephen Lecce. – Hugo de GrandPré, La Presse, 21 mars
Bullshit! Puisque Harper avait pris la peine de consulter, c’est que le vent du doute avait soufflé entre ses deux oreilles. Et là, il dit vouloir examiner les options qui s’offrent à lui – dont celle de « démissionner » Marc Nadon de la Cour d’appel Fédérale et de lui demander de se réinscrire au Barreau du Québec pour une journée.
Heu… peut-être que le Barreau va lui imposer des examens d’admission… et peut-être qu’il va échouer! Et même s’il devait démontrer sa connaissance du droit civil, un autre iceberg se pointe à l’horizon: 10 ans d’appartenance au Barreau! Ce bouffon sera-t-il assez toqué pour poser la même question à la même Cour Suprême une deuxième fois?
Quel respect pour le Québec!