Une maison présumée coupable du meurtre de deux Israéliens…

Aaaah, cette tradition judéo-chrétienne dont nous nous réclamons…

Une jeune femme – Emma Czornobaj – immobilise son véhicule dans la voie de gauche d’une autoroute aux seules fins de secourir une cane et ses canetons qui passaient par là; un motard emboutit son véhicule. Poursuivie, elle est déclarée coupable. Comme qu’on dit, oeil pour oeil, dent pour dent! T’as tué? Paye!

En février, un enfant de 5 ans est mort lorsque la voiture de son père a été emboutie par un véhicule de la Sûreté du Québec. Neuf mois plus tard, la procureure vient de trancher: il n’y aura pas d’accusations contre le policier qui était au volant […] 

… le véhicule banalisé roulait à 122 km/h avant l’impact. Le policier aurait tenté de freiner à la dernière minute. Il aurait percuté le père et son fils à une vitesse de 90 km/h. La limite de vitesse dans le secteur est de 50 km/h. – Gabrielle Duchaine, La Presse, 19 novembre 2014

[ndlr: Les images captées du haut des airs dans les instants qui ont suivi cet accident montrent que la chaussée était couverte de sloche. Bref, des conditions météorologiques qui auraient largement justifié de rouler à 30 ou à 40 km/h, non? Le Code de la sécurité routière n’impose-il pas une obligation d’adapter sa conduite au temps qu’il fait?]

Les bras m’en tombent… L’ancien ministre de la Justice de Lady Pauline, Bertrand St-Arnaud, lui, considère [1] cette décision comme tout à fait conforme au droit, dans la mesure où la vitesse excessive n’est qu’un des quatre éléments dont la Direction des Plaintes Criminelles et Pénales doit tenir compte. C’est vrai. La titulaire de la Justice au sein du cabinet Marois, Stéphanie Vallée, se dit d’accord avec la décision de ne pas porter plainte mais n’en condamne pas moins la DPCP pour sa négligence à en fournir les motifs.

Et pendant ce temps là, à Jérusalem… oh mais, j’y reviendrai!

Me semble que cette décision de ne PAS porter plainte tend, au contraire, à accréditer l’opinion largement répandue que les policiers sont au dessus des Lois. Pour les années 2011, 2012 et 2013, un total de 115 événements auxquels ont été partie un ou des policiers ont fait l’objet d’une enquête par un autre corps policier. C’est ce qu’on nous présente comme des « enquêtes indépendantes »… Résultat? De ces 115 enquêtes dites indépendantes, une seule a donné lieu à des poursuites au criminel, ai-je appris au 24/60 du 18 novembre.

Je ne dis pas que le policier qui conduisait à 122 km/h sans motif apparent aurait à coup sûr été trouvé coupable d’homicide involontaire ou de négligence dans la mise en service d’un véhicule automobile – l’accusation à laquelle faisait face Emma Czornobaj, la dame aux canards. Ce que je dis, par contre, c’est qu’il eut mieux valu pour l’image de  la police et pour l’image de la Justice que procès se fasse et que preuve des  circonstances soit exposée.

J’affirme, par contre, que ces enquêtes souffrent de la complaisance des enquêteurs. Ces enquêtes souffrent d’un copinage corporatiste dont le jupon dépasse… Entre collègues, on se fait pas mal. Tu me grattes le dos, pis moi je vais te gratter le tien, la la la lalère… Et avant d’aller cueillir la déposition d’un confrère policier, on lui laissera bien sûr le temps de consulter les autres témoins policiers, de manière à ce que, tous ensemble, ils puissent CONSTRUIRE la Vérité et d’arrimer leurs versions respectives.

Enquête bâclée… comme d’habitude. Le bulletin TVA Nouvelles de fin de soirée s’ouvrait, le 19 novembre, sur le commentaire outré d’une jeune femme qui avait tout vu: « Je pensais que c’était un cas de rage au volant […] À la vitesse qu’il a failli arracher mon miroir, là, parce qu’il a passé entre deux voitures, il était même pas dans une voie complète quand il m’a dépassée…« . Aucun enquêteur de l’a contactée. Et c’est ainsi que l’enquête a pu exonérer ce policier assassin.

St-Arnaud est donc dans le champ de patates. Vitesse excessive, conditions météorologiques exécrables et dépassement illégal entre deux voies, effectué de manière téméraire; voilà de quoi justifier L-A-R-G-E-M-E-N-T une mise en accusation et, à mon avis, une condamnation pour négligence criminelle. Voilà pour toi, mon petit St-Arnaud…

Quand c’est un citoyen ordinaire, par contre, la police ne se gène pas pour taper sur le clou et émettre le billet d’infraction. Je n’ai pas oublié l’histoire de ce Montréalais de 69 ans, Michael Reilley, qui aperçoit le 22 septembre dernier une auto-patrouille du SPVM effectuer un virage à gauche interdit… C’est lui qui a eu droit au billet d’infraction. À l’opposé, la dernière fois où un policier a procédé à l’arrestation et à la mise en accusation d’un collègue en devoir, ça remonte à quand, déjà? Ils sont pourtant des dizaines à avoir été témoins des agressions au poivre (manifs printemps 2012) et des voies de fait (rue Papineau) de la taure 728.

Pendant ce temps, à Jérusalem…

… survient un événement qui présente certaines similitudes. CERTAINES similitudes, j’ai dit.

L’Armée et la police israélienne ont détruit dans la nuit de mardi à mercredi à Jérusalem-Est la maison d’un terroriste palestinien auteur d’un attentat à la voiture bélier en octobre qui avait fait deux morts, un bébé de 3 mois et une jeune femme de 22 ans, a indiqué l’armée.

«La maison de ce terroriste, qui avait fauché avec une voiture des civils israéliens tuant un bébé et une jeune femme le 22 octobre dans une station de tramway à Jérusalem, a été détruite à Silwan», un quartier de Jérusalem-est, a précisé un communiqué de l’armée.- The Times of Israel (édition française), 19 novembre 2014

La corrélation entre l’incident de Longueuil et celui de Jérusalem est-elle parfaite? Bien sûr que non. Le point commun, c’est l’irruption d’un bolide sur quatre roues lancé à vive allure au mépris des vies humaines. Et dans les deux cas, mais pour des motifs bien différents, l’enquête aura été bâclée.

À Jérusalem, le conducteur a été abattu sans avoir offert sa version mais tous les témoins ont eu l’occasion de le qualifier de kamikaze-terroriste dont  le seul intérêt était de faucher des vies Israéliennes.

Al-Shaludi’s family members continued to insist after the incident that he lost control of his car and did not deliberately drive it into passengers. – Haaretz, 19 novembre 2014

La version de la famille du chauffard? On s’en kâlisse. L’état mécanique de son corbillard? Bof… pourquoi s’embarrasser d’une preuve technique alors que la preuve de l’intention ter-ro-ris-te peut s’inférer des préjugés les  plus tenaces?

Le policier de Longueuil, lui, s’en tirera sans une égratignure et sans le moindre blâme. C’est vrai qu’il se rendait relever une équipe de filature affectée à une enquête qui ne porte pas sur des crimes violents. C’est vrai que, en ce Québec néo-duplessiste du souverainisme identitaire, la vie d’un tit-nèg de 5 ans, bof… Anyway, plus tard, il aurait adhéré à un gang de rue, il serait devenu dealer et il aurait fait un Freddy Villanueva de liui-même. Alors le tuer maintenant ou dans 15 ans, what’s the fuckin’ difference?  

Dans les deux cas, on se passera donc d’un procès; le palestinien est présumé coupable, son lieu de résidence est donc rasé et au yâb la veuve, les orphelins pis toute la all-shebang [2] de palestiniens, tous coupables par association quel que soit leur âge!

La tradition judéo-chrétienne

Un peu partout dans la vieille Europe, des animaux – incluant des insectes, ont subi leur procès pour des accusations de nature criminelle. La mention la plus ancienne d’un procès fait à un animal remonte à 1266, alors qu’un cochon avait été exécuté à Fontenay-aux-Roses, au terme  de son procès. De tels procès ont eu cours dans plusieurs pays aux systèmes de droit fort différents et ce, jusqu’au 18e siècle. Des animaux ont subi leurs procès aussi bien devant les tribunaux ecclésiastiques que devant des tribunaux séculiers de droit commun, sous un éventail d’accusations qui pouvaient varier du dommage le plus banal jusqu’au meurtre. 

[…] Dans son ouvrage Kurze Basler Chronik (« Brèves chroniques de Bâle« ), publié en 1624, Johannis Gross rapportait qu’un coq avait été jugé en 1474 pour « le crime odieux et contre nature d’avoir pondu un œuf» que la croyance populaire estimait avoir été fécondé par Satan lui-même et qui aurait, à terme, donné naissance à une cocatrix [3]. 

[…] En 1750, une ânesse a été acquittée de l’accusation de bestialité qui pesait sur elle, en raison des nombreux témoins de sa vertu et de sa bonne conduite antérieure, alors que son coaccusé humain a été condamné à la peine de mort. […]

[Sadakat] Kadri a démontré que ces procès faisaient partie d’un processus beaucoup plus large au cours duquel même  des cadavres et des objets inanimés ont pu faire l’objet d’accusations de nature criminelle.  Selon lui, un écho de ces rituels a survécu jusqu’à notre époque, à travers cette soif de châtiment des enfants et des personnes souffrant de troubles mentaux. – English Wikipedia (ma traduction)

Faut-il alors se surprendre que, dans le berceau même de cette civilisation hudéo-crétine dont le gros Han-Luc s’estime si fier, on fasse encore à l’habitation d’une famille palestinienne l’outrage d’une démolition pour cause de crime terroriste plus présumé que démontré, dont le « coupable » ne saurait de toutes façons être puni davantage qu’il ne l’a été puisque la police l’a abattu immédiatement après le « crime »?

En terminant, puis-je me permettre de souligner qu’au moins, au Moyen-Âge, le coq accusé d’avoir pondu un oeuf fécondé par Satan avait eu droit, lui, à un procès. Qu’on me comprenne bien: Abdelrahman Shaludi n’a probablement pas simplement perdu le contrôle de sa voiture avant de foncer dans  la foule qui attendait à la gare des tramways. Le geste était vraisemblablement délibéré. Mais non seulement n’a-t-il pas subi de procès, non seulement preuve de sa culpabilité n’a-telle jamais été faite, mais en quoi la destruction de sa maison – où habitaient des innocents, constitue-t-elle une mesure appropriée?

Et surtout, en quoi cette mesure est-elle susceptible d’assurer aux Israéliens la paix à laquelle ils ont droit?

Netanyahu et l’armée de zombies qui prétendent le bien conseiller sont-ils au courant de l’auto-proclamation de ce Califat islamique qui répond au doux prénom d’ISIS et qui semble vouloir essaimer comme un troupeau de métastases? L’État islamique est aux portes d’Israël; la Syrie, c’est le voisin du Nord-Est. L’État Islamique est en Libye, l’ancien fief de ce Mouammar Kadhafi que les Alliés étaient si fiers d’avoir démis et suicidé… Et entre la Libye et Israël, il n’y a que cette Égypte qui – ne l’oublions surtout pas, avait plébiscité les Frères Musulmans, un groupe proche du Hamas.

Le temps ne joue pas pour Israël.

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[1] entrevue de Bertrand St-Arnaud avec Patrice Roy, Le Téléjournal Montréal, 19 novembre 2014

[2] L’expression toute la all-shebang était courante dans la bouche de ma défunte mère. Qui la tenait sans doute de mon amerloque de paternel anglophone: the whole shebang, qu’il a dû dire à l’occasion, une expression qu’on pourrait traduire par « la totale« , « tout le tra-la-la » ou encore – comme dans le « j’la veux toutte toute toutte, pas jusse des tit-bouttes » que chantait la regrettée Angèle Arseneau.

Maman, toute la all-shebang, c’est un pléonasme plutôt redondant. Mais prends-le pas trop mal, tu sais bien à quel point je peux être chiant!

[3] selon la légende médiévale, la cocatrix était un être maléfique à tête de coq, avec des ailes de chauve-souris et une queue de dragon. Selon Wikipédia, l’animal mythique est né par accident à la fin du xii^e et est mort au milieu du xvii^e siècle, victime de la science …