La défection des fidèles tient sans doute davantage des effets de la Révolution Tranquille, mais si tous les curés avaient été aussi près du bon peuple que l’était Jean-Claude Turcotte, les églises seraient sans doute moins vides aujourd’hui, et la foi, moins moribonde …
Je ne suis pas un scholar, moi; je ne suis qu’un humble pasteur, se plaisait-il à répéter. Peut-être cherchait-il à se démarquer de son collègue abitibien, exporté d’abord à Québec, puis à Rome? Lui, c’est un scholar . Un vrai, aussi arrogant que dogmatique.
Quand cette photo a été prise en 1936, personne n’aurait su prédire qu’un adolescent acadien à la voix éraillée donnerait un jour son nom à ce long corridor aujourd’hui habité par le vent et toutes ces tours d’acier, de verre et de béton dont la taille sied mal à la cathédrale Marie-Reine du Monde. Mille neuf cent trente six, c’est aussi l’année ou bébé Jean-Claude est né chez les Turcotte…
Appelez-moi Jean-Claude…
Est-ce que je dois vous appeler Votre Éminence?, avait demandé l’animateur de Second Regard, Alain Crevier, à leur toute première rencontre pour la télé. Non. Appelle-moi Jean-Claude. C’est le Cardinal Léger qui m’avait administré le sacrement de Confirmation (en même temps qu’un soufflet sur la joue); celui-là, il était davantage imbu de sa propre personne. Du moins, avant qu’il n’abandonne sa charge cardinalice pour devenir missionnaire auprès des lépreux!
« Montréal, ô ma ville, tu as voulu te faire belle pour recevoir ton pasteur et ton prince! » Ces mots, le cardinal Paul-Émile Léger les prononce à la foule en liesse qui l’accueille à la gare Windsor, le soir du 29 janvier 1953. – Archives de Radio-Canada
De tous les membres du Collegium Sacrum – l’Assemblée des cardinaux – Jean-Claude Turcotte était sans doute l’un de ceux dont la philosophie se rapprochait le plus de celle du Pape François. L’homme avait par ailleurs d’étranges manières; lui qui était opposé au divorce – comme l’enseigne la doctrine de l’Église, n’en a pas moins servi d’intermédiaire et permis à Lucien Bouchard – un divorcé! – et à Audrey Best, son épouse – elle-même divorcée – d’être reçus par le pape.
Preuve d’ouverture? Ou peut-être était-il simplement très politique, très ratoureux, prêt à certains accommodements pour inciter le Premier-Ministre à délier les cordons de la bourse pour la préservation de certains éléments du patrimoine religieux!
L’ouverture qu’a pu démontrer à l’occasion le Cardinal Jean-Claude Turcotte ne suffira pas à occulter le fait qu’il était à la fois un homme d’Église – davantage un homme de terrain qu’un Prince de l’Église. Ni à occulter qu’il se sentait lié par la doctrine de l’Église et les dogmes qu’elle véhiculait, Peut-être n’était-il pas toujours à l’aise avec ces dogmes; n’empêche qu’il a parfois réagi de manière à ne laisse planer aucun doute sur l’endroit où il logeait.
C’était un homme de son époque. C’est l’homme d’un certain passé, soucieux de jeter des ponts vers l’avenir, mais il lui était difficile de trouver dans l’Église de quoi les construire.
Un conservateur
À certains égards, Jean-Claude Turcotte était l’archétype de la bonté, du dévouement, de l’abnégation, de la tolérance dans les limites du chemin balisé par l’Église.
Mais… Il y a aussi ce préjugé particulièrement tenace à l’égard des prêtres homosexuels. C’est l’Église qui a décrété que l’acte homosexuel constitue un péché, rétorqueront les traditionalistes et autres Amis de la Vérité. Or, en 2004, le Cardinal Turcotte avait décrété que les candidats à la prêtrise devaient subir un test de dépistage du VIH, avant de faire machine arrière. – Radio-Canada, 16 février 2004
Mais… Il y a aussi les Orphelins de Duplessis. Turcotte n’a jamais cédé d’un iota: il n’y aura pas d’excuses de la part de l’Église, et surtout, l’Église n’a pas à offrir une indemnité. – Radio-Canada, 23 décembre 2006
Mais… Il y a aussi l’incident Morgentaler.
Le cardinal Jean-Claude Turcotte a posé un geste d’éclat, hier, en remettant son insigne de l’Ordre du Canada pour protester contre la décision de la gouverneure générale du Canada, Michaëlle Jean, d’accorder le même honneur au Dr Henry Morgentaler, une figure de proue de l’avortement au Canada. – Claude Vaillancourt, Le Soleil, 11 septembre 2008
Mais… Il y a aussi non seulement cette opposition viscérale au mariage gai, mais aussi cette manière un peu ridicule de la manifester:
«Si le mariage devient l’union simplement de deux personnes qui s’aiment, va-t-on permettre le mariage entre un frère et une soeur, entre un père et sa fille, entre une mère et son fils?», avait-il dit lors d’une conférence de presse en 2003. – Journal de Montréal, 8 février 2015
Jean-Claude Turcotte n’en était pas moins un délégué du peuple au sein de l’Église, plutôt qu’un envoyé de l’Église au milieu de ses ouailles. Il a fermé des portes, parfois avec fracas (incident Morgentaler) mais plus souvent qu’autrement, il a su temporiser et maintenir l’espoir de changements. Bien qu’opposé à l’avortement, il n’en a pas moins exprimé que parfois, vu les circonstances, heu…
Belle façon de maintenir ce qui reste d’intérêt pour l’Institution. D’ailleurs, ça n’est sûrement pas sous le pontificat du pape François qu’une première femme sera ordonnée prêtre. L’Église avance à petits pas.
Et quand on est un peu plus âgés, comme je le suis moi-même, on voit bien que ça viendra longtemps après que je me serai blotti dans une urne funéraire.
Requiescas in pace, vieux frère dans le diabète.
note un peu impertinente (à peine)
Jean-Claude Turcotte a rendu l’âme à l’Unité des soins palliatifs de l’hôpital Marie-Clarac – une institution des Soeurs de Charité de Sainte-Marie. Je revois cette religieuse qui est apparue brièvement au bulletin de nouvelles du midi, au Réseau de l’Information. Une pisseuse aussi voilée que toutes ces infirmières et femmes-médecin de confession musulmane qui arpentent les corridors de nos hôpitaux, Une pisseuse sans doute ou bien bénévole, ou bien sous-payée par la Communauté; avec la Charte-à-Drainville, elle n’aurait pas eu le droit de soigner ou de soulager Jean-Claude Turcotte.
Fallait que j’le souligne.
Bonjour,
les limites entre la foi et la croyance sont parfois bien difficile à identifiées.
Cordialement
@ Temps
Hum… Pour ma part, et puisque je ne suis en mesure ni de prouver à ma satisfaction à moi l’existence de Dieu, ni sa non-existence, on peut dire que la Foi m’est étrangère.
Pour ce qui est des croyances, ma formation en droit et l’exercice de la profession d’avocat m’ont forgé une personnalité empreinte de scepticisme. Bref, les croyances, ça n’est pas non plus ma tasse de thé. Mais je crois en leur existence: bon nombre des clients d’un avocat en sont infectés, après tout – ce que confirment les témoignages entendus aussi bien en cabinet que devant le Tribunal!
N’est-il pas que l’on peut être bon sans être chrétien, être chrétien sans adhérer aux dogmes d’une église quelle qu’elle soit et être tout simplement humain et bon sans religion! Turcotte (tout comme François le Pape) était certainement un homme bon et affable, proche des gens, mais néanmoins représentant d’une entité archaïque, obsolète, hypocrite et exclusive. Je me demande souvent comment on peut à la fois avoir un esprit ouvert et se considérer lié à une religion, à ses dogmes et à sa hiérarchie. Remette sa médaille because Morgentaler, c’est en même temps lever le nez sur toutes les femmes avortées passées, présentes et à venir. Déclarer l’inacceptabilité des abus sexuels (et autres sévices) accomplis par des prêtres et refuser le principe de d’excuses et de réparation, c’est en même temps lever le nez sur toutes les victimes impliquées dans ces abus. Confirmer la place de servante des femmes dans l’Église, c’est en même temps la confirmer dans toute la société. Même raisonnement pour tout ce qui concerne le divorce, la gaietude, la contraception, etc.. Ces attitudes et ces prises de position sont autant de variantes du concept suivant: vous pouvez assister à la messe mais vous ne pouvez bouffer de l’hostie avec les autres. Notre Église est inclusive mais elle vous exclut de l’essentiel de notre dogme. Non vraiment, Turcotte était certainement un homme bon et j’aimais son franc-parler, je l’aurais très bien vu hors de l’Église.
@ Robert
La religion, c’est comme le nucléaire. Utilisé avec parcimonie et dans des circonstances bien particulières, ça peut faire du bien. Karl Marx avait raison: la religion et l’opium ou ses dérivés, same thing.
Quand tu subis des pontages, tes 25 pouces de points de suture visibles et toutes les coutures pratiquées sur la tuyauterie par en dedans, ça n’a pas grand chose en commun avec un orgasme de gars; quand ça dégèle, la tite dose de 1 mg d’hydromorphone est la bienvenue quand tu sens le besoin de hurler.
À petites doses, ça peut faire merveille. Les dérivés de la morphine ET le stuff radioactif, ça peut servir à quelque chose à l’hôpital; Jean-Claude Turcotte n’a pas souffert? C’est peut-être pas seulement parce qu’il avait la foi! Quand j’ai vu ma fille et la petite famille au grand complet alignés dans des boites en bois, on m’a servi quelques molécules pour m’assommer et quelques bonnes paroles de curé pour m’achever!
Mais à doses massives, la religion, ça donne les Croisades, l’Inquisition, la Shoah, les théocraties basées à Ryad ou à Tel Aviv. Et le djihad, avec toutes ses dérives et l’horreur que ça peut susciter. Tuer au nom d’Allah, non, c’est pas ça qui va me réconcilier avec lui ou avec ses petits cousins Dieu ou Yahweh. Ni avec les vaches sacrées qui chient dans les eaux du Gange.
De penser qu’on naît, qu’on chie dans sa couche avant de faire chier son voisin, qu’on meurt et qu’après il n’y a plus rien, voilà de quoi déprimer. Mais quand on me dit que ma petite-fille, ma fille, ma mère et ma grand-mère m’attendent au ciel, ah bin là, je vas essayer d’être plus présentable, non! La mort, parfois ça te tombe dessus comme un orage de marde qu’aucune Miss Météo n’avait su annoncer.
Avec ou sans l’aide de Dieu, on finit toujours par développer l’herpès et/ou le diabète et/ou des certitudes plus ou moins ridicules, genre « les Juifs sont comme une verrue sur la face de l’humanité« , « les nèg’s ça pue pis c’est pas brillant« , ou « la fumelle est née pour torcher son mâle entre deux accouchements » Le problème avec Dieu, c’est qu’il peut servir de caution morale à ces divagations-là…
Moi, j’en pense que c’est pas de sa faute; après tout, cette créature-là n’existe que dans notre tête. Jusqu’à preuve du contraire.
J’aime bien celle-là: « Moi, j’en pense que c’est pas de sa faute; après tout, cette créature-là n’existe que dans notre tête. Jusqu’à preuve du contraire. » Mais j’avoue que moi aussi j’essaie de me faire plus présentable pour le jour où je reverrai mon garçon, question de lui dire au moins avec le coeur, pardonne-moi mon tit-homme pour avoir été fautif parfois, et qu’il me réponde, t’en fais pas pa, je suis en paix maintenant, viens on va l’être ensemble. Ça peut sembler cucu à certains, mais on s’accroche à ce qu’on peut, s’pas! Dites, Papitibi (moi, c’est Super Papi qu’ils m’appellent au Gambrinus à quelques minutes de chez moi où j’ai mes quartiers, hihi)
«[Turcotte] n’en a pas moins servi d’intermédiaire et permis à Lucien Bouchard – un divorcé! – et à Audrey Best, son épouse – elle-même divorcée – d’être reçus par le pape.»
Cette rencontre fera dire à l’époque à André Arthur que «les calices de pécrisses à marde ont sali l’Église catholique et soudoyé un cardinal pour arriver à leurs fins propagandistes de laver le cerveau di vieux pape» ou quelque chose du genre!!! Je me rappelle qu’il était hors de lui cette journée-là!!!