« Monsieur » est sorti, il ne reviendra pas

Il aura fait suer la gang-à-Desmarais jusqu’au bout et perturbé la publication de La Presse Plus, dont il a sournoisement tué la une tout juste, mais là, vraiment tout juste avant que la Manon de Gesca pèse su’l piton.

Monsieur n’aura pas raté sa sortie; pour permettre à ses artisans de lui faire un peu de place, LaPresse Plus a paru avec quelques heures de retard…

Avec son Maîtres chez nous, Jean Lesage a inspiré la résurrection du Québec et rassemblé autour de lui LE cabinet dont tous ses successeurs auront été jaloux sinon, peut-être, le René Nouveau de 1976 . Bien sûr, on se souviendra de ce Ministre des Richesses naturelles à la voix enrouée, le petit chauve qui fumait comme une cheminée. Mais Lesage avait également rassemblé autour  de lui un bouquet de jeunes universitaires brillants dont il fera des grands commis de l’État. Claude Morin, Louis Bernard et Jacques Parizeau auront été de l’aventure, avant de s’engager dans la cause de l’indépendance.

Des premiers-ministres, j’en ai connus. Connus, dans le sens de « converser avec ». Robert Bourassa, mon ancien député, avec lequel j’avais eu de bons échanges à l’occasion. Toujours dans une rame de métro. René Lévesque, avec lequel j’avais eu un échange houleux à l’époque du Mouvement Souveraineté-Association ; c’était AVANT ma conversion à la souveraineté. Pierre-Marc Johnson, au sous-sol de l’église Immaculée, à Rouyn-Noranda (!). Joe  Clark, Brian Mulroney, Jean Charest et même Brian Peckford (Terre-Neuve), à qui on m’a présenté dans les Jardins du Ritz, à Montréal… Connus, oui,, mais très superficiellement. .

Mon père, lui, a côtoyé Jacques Parizeau, semaine après semaine, pendant quelques années. Parizeau enseignait alors à HEC Montréal, où mon papa occupait un emploi à la bibliothèque. Un emploi de  fin de vie, qu’il considérait un peu comme un cadeau. Une occasion de discuter culture, économie et politique; il était dans son élément!

Parizeau, tout comme son collègue du corps professoral François-Albert Angers , ont sûrement contribué à convertir mon vieux Libéral de père à la souveraineté. Mon père m’avait présenté François-Albert Angers à la bibliothèque; sans doute pour lui donner une occasion de s’en péter les bretelles en ma présence, Angers m’avait raconté une anecdote qui sortait tout droit des souvenirs que mon père avait partagés avec moi.

Une oeuvre colossale

Jacques Parizeau aura été un génie de l’économie. Un keynésien comme il en existe des milliers, mais l’un des plus créatifs de tous les keynésiens, de  par les mesures qu’il a fait adopter. Eut-il choisi de  consacrer sa vie à la recherche et à l’enseignement olutôt que de se consacrer à la politique active que l’homme aurait sûrement été candidat au prix Nobel.

Les grand bonzes du Fédéral auraient souhaité l’attirer à Ottawa pour y diriger la Banque du Canada; ses collègues qui assistaient avec lui aux conférences fédérales-provinciales faisaient appel à sa maîtrise de la fiscalité; et puisqu’il était davantage pédagogue que politicien borné par un quelconque carcan idéologique, il n’a pas mis de temps à séduire tous ces mandarins  qu’il dépassait – intellectuellement – de deux têtes.

L’un des pères du Québec moderne, avec Lesage et Lévesque. LE père de Québec Inc. que SON régime d’épargne-actions, SON régime d’actions accréditives dans le domaine minier et SES fonds de travailleurs ont permis de faire surgir d’un Québec où jusque là la fibre entrepreneuriale était demeurée bien mince, faute de leviers économiques en NOTRE contrôle.

Jean Charest a eu beau se péter les bretelles avec son Plan Nord, c’est le régime des actions accréditives qui a permis à des entrepreneurs québécois – dont les Bradley et les Rivard de mon patelin – de se lancer en affaires dans le domaine minier. C’est plus payant pour le Québec que l’exploitation d’une mine par la multinationale Arcelor Mittal…

Parizeau n’aura pas été le dernier grand politicien à diriger le Québec. Mais il aura été le dernier que l’on pourra qualifier d’homme d’état et de bâtisseur. La Société Générale de Financement (aujourd’hui fusionnée à Investissements Québec), la Caisse de Dépôt et de placement, c’est Jacques Parizeau qui en aura été l’architecte. Le régime d’épargne-actions, c’est encore Jacques Parizeau. C’est le RÉA qui aura permis l’émergence d’entreprises comme CGI ou Couche-Tard, dont le propriétaire Alain Bouchard aujourd’hui milliardaire ne s’en permet pas moins de chier sur ce « modèle québécois » auquel il est pourtant lui-même si redevable…

Les gras-dur de Québec Inc avaient pour la plupart participé à la campagne du NON en 95.

Comme disait mon grand-père – non, pas celui de Boucar Diouf! -, donne à manger à un cochon et il va venir chier sur ton perron…..

En février 2013, l’homme avait lancé:

« Le déficit zéro bousille tout. À partir du moment où vous fixez l’objectif zéro pour une date-butoir et que ça devient une religion, vous cessez de réfléchir. On coupe partout, on ne se pose pas de questions » source: citation copiée de RDI Matin, 2 juin 2015

Vrai en 2013. Vrai, encore, en 2015. Parizeau était un économiste, un penseur et un visionnaire; Martin Coiteux et Carlos Leitão, eux, sont des bouchers. Aaarh, j’oubliais; en portugais, le leitão , c’est un porcelet. Un cochon de lait. Bref, comme disait mon grand-père, il est là pour faire d’la marde. 

Oups!

Le vote ethnique et l’argent (air connu)…

Au soir de la défaite référendaire, Jacques Parizeau avait improvisé un discours, faute d’avoir su prévoir la défaite. Une bombe. Des regrets qui l’auront accompagné jusqu’à son dernier souffle. Des regrets qui me paraissent d’autant plus sincères – du moins pour ce qui est du vote ethnique, qu’il aura été de ceux qui ont dénoncé avec le plus de vigueur cetrte ignoble Charte des valeurs pilotée par Bernard  Drainville. Un projet de Loi d’autant plus divisif et dévastateur que sa mise en vigueur risquait d’ostraciser et d’éloigner à jamais de LA cause des centaines de milliers de Québécois susceptibles d’y adhérer.

Ce professeur d’université m’avait déjà confié qu’il regrettait de ne pas avoir été musicien. Moi qui suis musicien, je regrette de n’avoir pas été professeur d’université. Récemment, lors d’un souper avec lui et quelques amis de divers horizons, chaque personne s’est présentée à tour de rôle. Humblement et simplement, il s’est présenté comme étant « Jacques Parizeau, enseignant ». La seule chose que j’ai pu dire lorsqu’est venu mon tour fut « Jean-Martin Aussant, enseigné ».

Merci Monsieur. – Jean-Martin Aussant (Facebook)

Jacques Parizeau aura été – à mon sens  – le Jean Béliveau de la scène politique québécoise; René Lévesque, lui, en aura été le Maurice Richard. Jean Charest? Lui, c’est l’un des goons. Qui se souviendra ici de Terry Harper? Lui, c’était le Yves Bolduc de l’époque, celui qui s’enfargeait continuellement dans ses patins mal lacés.

Et Pierre-Karl? Vous voulez-tu vraiment savoir de kossé que je pense de Pierre-Karl? Je serais tenté de répondre Doug Wickenheiser, mais ce serait vraiment vache. 

Je vais plutôt répondre que PKP me fait penser à un joueur à qui un coéquipier fait une passe pendant qu’il est occupé à donner ses directives à son conseiller en placement à l’aide de son IPhone… ,

Parizeau, c’est le dernier des grands. Le dernier péquiste en qui j’aurai eu confiance jusqu’au bout… peut-être, justement, parce que lui aussi il avait quitté le vaisseau-amiral pour ramer plutôt dans un frêle esquif aux couleurs d’Option Nationale..

Un beau geste de Philippe Couillard, par ailleurs, que cette annonce concernant l’édifice Jacques-Parizeau. Après tout, il aura été le père de l’Institution.