Perdue au nord du 56° parallèle, Fort McMurray, c’est loin longtemps. En guise de comparaison, Montréal niche au 45° 30′, Rouyn-Noranda, au 48°14′, et Schefferville, au 54° 49‘. Dans le nord du Québec (Nunavik), le 56° parallèle, c’est la limite nord de la taïga; plus au nord, c’est la toundra. Les arbres? Y en a plus! Des chicots clairsemés, tout au plus.
Sauf qu’en Alberta, il y a à cette latitude plein d’arbres à pleine maturité, plein de ressources à exploiter et plein de travailleurs. Et une seule route pour les évacuer. Or la route a été coupée par un mur de flammes.
Et comme le démontre la photo ci-dessus, l’approvisionnement en essence ne permet pas de faire face à un avis d’évacuation massive: une panne sèche a forcé l’abandon de centaines de véhicules en bordure de la Alberta 63 South.
Il y a là matière à réflexion: les pétroleuses et le gouvernement albertain auraient-ils failli à leurs responsabilités? Auraient-ils péché par négligence?
Pour ce qui est de l’aide aux sinistrés, Rachel Notley semble avoir la situation bien en mains; mais son gouvernement a-t-il fait preuve du leadership nécessaire avant que le feu n’éclate et dans la gestion des premiers foyers d’incendie?
C’est au tout début de l’incendie qu’il aurait fallu déployer toutes les ressources que le gouvernement fédéral et les provinces étaient prêts à mettre à la disposition de l’Alberta; main d’oeuvre, hydravions et hélicoptères, notamment. L’Alberta a tardé à faire appel aux Forces Armées et, au départ, elle n’a demandé que 4 des 14 avions-citerne dont dispose la SOPFEU au Québec; Or le gouvernement Couillard était prêt à faire davantage, surtout que, au Québec, la saison des feux de forêt n’est pas prêt de débuter.
La bête n’est pas sortie de nulle part; les indices d’une déflagration majeure étaient nombreux et j’ai l’impression que les responsables de la Protection civile se sont traîné les pieds.
Évidemment, il est prématuré de mettre en cause les changements climatiques dans le cas de Fort McMurray. En effet, toutes les conditions étaient réunies pour provoquer une tempête parfaite : peu de neige l’hiver dernier, sol très sec, chaleur, absence de pluie et vents ont fait en sorte que le brasier s’est amplifié à une vitesse folle.
Reste que cette région est à haut risque. Un rapport d’experts produit au lendemain des feux de forêt qui ont dévasté Slave Lake (Alberta) en 2011 sonnait l’alarme sur le risque élevé de feux de forêt pour l’avenir.
Le rapport s’inquiétait de l’âge avancé de la forêt boréale et de sa densité. Il préconisait une meilleure coordination des équipes d’intervention et plus d’éducation, car la majorité des feux sont d’origine humaine et ils sont de plus en plus nombreux. Les autorités affirment aujourd’hui avoir tiré des leçons de Slave Lake et mis en place les recommandations du rapport, ce qui leur a permis d’agir rapidement, disent-ils. – éditorial de Pascale Breton, La Presse Plus, 7 mai 2016
Il n’y a pas eu d’hiver en Alberta; un député de l’endroit confirmait à la télé que cet hiver, la rivière Bow n’a même pas gelé cet hiver! C’est cette même rivière qui était sortie de son lit au printemps 2013 pour inonder Calgary et causer pour près de 2 milliards de dommages. Des chutes de neige très inférieures à la normale. Et un printemps très chaud, avec des températures de 30 à 35 degrés. Et puis, des vents à écorner un boeuf… Comme le soulignait Pascale Breton, toutes les conditions étaient réunies pour un désastre appréhendé.
- SAMEDI, 30 AVRIL: Le feu prend naissance vers 16 h au à l’ouest de Fort McMurray. Il a une superficie de deux hectares lorsqu’il est repéré par les pompiers qui ont mobilisé deux hélicoptères et quatre avions pour le combattre, ainsi qu’une équipe de nuit.
- En deux heures, le brasier s’est étendu sur une superficie de 60 hectares, malgré les ressources déployées par les pompiers. – Canoe.ca, 5 mai 2016
On parle aujourd’hui de foyers multiples, d’une superficie de plusieurs milliers de km carrés. By the way, un km carré, c’est 100 hectares. Deux hectares le 30, des centaines de milliers d’hectares le 8… Si toutes les ressources affectées maintenant avaient été déployées dès le début, où en serions-nous, 8 jours plus tard?
Alors même que le printemps s’annonçait particulièrement actif sur le front des feux de forêt, le gouvernement néo-démocrate a diminué de près de 15 millions , à la mi-avril, les budgets de la lutte aux feux de forêt: des coupures de 5,1 millions dans le budget des avions-citerne, et des coupures de 9,6 millions dans les budgets des équipes au sol.
« À mon avis, déclarait mercredi [4 mai] le Ministre de l’Agriculture et des Forêts, Oneil Carlier, il est encore trop tôt pour affirmer si les coupures dans les budgets consacrés à la lutte contre les incendies de forêt ont pu contribuer à l’évolution de la situation à Fort McMurray, mais c’est là un point sur lequel nous allons devoir réfléchir« . – Darcy Henton, Calgary Herald, 5 mai 2016
Ezra Levant va plus loin: le gouvernement Notley a choisi de passer outre aux recommandations du Ministre Oneil Carlier, dont j’imagine par ailleurs qu’elle reflétait l’avis et les craintes exprimées par son sous-ministre et par les experts qu’il avait consultés.
Si c’est vrai, c’est troublant. Sur un budget total de plus de 40 milliards de dollars, que représentent ces 15 millions qu’on a amputés du budget consacré à la protection des forêts contre l’incendie? Qu’un gouvernement consacre 15M à l’agrandissement d’une école, la construction d’un aréna ou un tronçon de route, le contribuable VOIT ses impôts travailler et c’est politiquement rentable; mais des compressions dans la lutte aux incendies de forêt, ça passe inaperçu et – comme le susurrait le ministre de l’éducâssion à l’oreille des Québécois, ça fait pas mal, les services ne sont pas touchés, bla bla bla…
Et compte tenu des dommages subis – évalués sommairement à 9 milliards par BMO Services Financiers, cette économie de 15 petits millions est franchement ridicule. L’évaluation de BMO ne tient même pas compte des dommages à l’économie albertaine (déjà ma en point en raison des prix du baril de pétrole) et sur l’économie canadienne en général.
Une chose est certaine, ces coupures n’ont pas aidé. On peut également affirmer avec une certitude absolue que si c’était à refaire, le gouvernement Notley n’aurait pas décrété ces compressions budgétaires en matière de protection des forêts contre l’incendie.
Questions-quizz
- Notley est responsable de SES coupures budgétaires, mais quelle aurait été l’ampleur des compressions budgétaires sous un gouvernement du Parti Conservateur ou pire, du WildRose?
- Jusqu’à quel point les gouvernements conservateurs qui se sont succédé à Edmonton depuis 45 ans ont-ils valorisé les baisses d’impôts/taxes aux dépens des services essentiels en matière de protection des forêts?
- Un gouvernement plus à droite se serait-il engagé à indemniser les victimes et les travailleurs de Fort McMurray, au risque de creuser encore davantage le déficit résultant de la chute des prix du pétrole?
- Un gouvernement Harper, à Ottawa, aurait-il accepté de bonifier les prestations d’assurance-emploi en faveur des travailleurs mis à pied (sur une base dite temporaire) par l’industrie des sables bitumineux? Bénéfices qui s’étendront, faut-il le préciser, à tous ces paresseux importés du Québec et des provinces atlantiques?
En guise de conclusion
« Canadians have provided us with everything and now we have a duty we must do, » group member Naser Nader wrote in Arabic. « Must help the people who lost their homes and everything in a fire (in) Oil City … Get ready, it’s time to fulfill. »
The Syrian expats quickly responded, with some even offering to give back the donated pieces of furniture they’d been given when they first arrived in Calgary. – NBC News, 6 mai 2016
Yinque des maudits profiteurs, ces réfugiés…
Et de retour à l’édito de Pascale Breton:
rapportait récemment que le fédéral craint que les changements climatiques n’amplifient l’impact des catastrophes naturelles, faisant grimper la facture dans les prochaines années.
Avant 1995, à peine trois catastrophes naturelles ont causé des dommages totalisant un demi-milliard. Entre 1996 et 2009, chaque année a donné lieu à un désastre de cette ampleur financière.
Les coûts vont exploser, prévoit le ministère de la Sécurité publique : près de 5 milliards par année d’ici 2020 ; entre 21 et 43 milliards annuellement d’ici 2050.
Allume… mais avec pas d’allumettes, si possible.