L’odyssée de Marie-Bécassine Martine Ouellet au pays des sniffeux de feuille d’érable

 

‘Le choix du prochain chef sera déterminant pour l’avenir du Québec. Au fond, le parti a deux routes devant lui : celle du bon gouvernement provincial, une voie qui nous a amenés au résultat de 2014, ou la voie de l’indépendance, cette voie que nous avons trop longtemps mise de coté

[…] À chaque jour où nous continuons d’être une province, nous reculons’.  – Martine Ouellet, citée par Radio-Canada, 27 mai 2016

Bécassine, déjà héroïne d’une bande dessinée au tournant du 20^e siècle, était une jeune bonniche bretonne aussi naïve que maladroite. Un siècle et douze poussières plus tard, le Pays Québécois, lui, découvre sa Bécassine.

Oh, je l’adore, moi, Titine Ouellet. Intègre, entière, passionnée, articulée, brillante, son discours a séduit mon coeur de vieux souverainiste social-démocrate, pressé de voir LE PAYS émerger d’entre les érables. Elle a  raison.

Mais…  il y a un os. 

[Ouellet] a aussi parlé de la nécessité de faire cesser le « saccage » de la province par le Parti libéral du Québec et de sa volonté de mettre en oeuvre son plan de développement économique Climat Québec 2030, basé notamment sur l’électrification des transports, qu’elle a présenté le 9 mai dernier. – Radio-Canada, 27 mai 2016

Les ‘erreurs de lecture’ chez Martine

Pourquoi Pierre-Katl avait-il obtenu 57,6% des voix dès le premier tour du Congrès visant à élire un nouveau Chef, le 15 mai 2015?

En tenant compte des appuis obtenus par Pierre Karl Péladeau et des siens, 70 % des membres ont voté pour un référendum dans un premier mandat, a-t-elle mentionné. – Radio-Canada, 27 mai 2016

Si tel était le cas, pourquoi les membres du caucus qui s’étaient engagés à appuyer Péladeau ne se sont-ils pas rangés  derrière Ouellet? À tort ou à  raison, Péladeau avait été perçu comme le Nouveau Messie, en raison de sa crédibilité dans le milieu des affaires. Il était, en quelque sorte, le chaînon manquant. Le pont.

Ouellet lève en quelque sorte le poing pour le pays, comme Péladeau. Quel sera  en 2016 le choix des anciens Pékapistes? La saveur du jour, en 2015, c’était Péladeau; en 2016, tout laisse croire  que cette saveur du jour se situe quelque part  entre Véronique  et Cloutier. Ouellet a rallié 13,2 des péquistes dans le cadre d’une course à trois; espérer rallier plus de 20 ou de 25% des votes dans une course à  quatre, ça relève de l’utopie.

Surtout que le retrait éventuel de Lisée n’est vraiment pas susceptible de bénéficier à Ouellet, qui tient un discours à l’opposé. Quant à Véro et Cloutier, ils  sont si près l’un de l’autre, tant au  propre qu’au figuré, que leurs appuis sont à toutes fins  pratique interchangeables; ils ne diffèrent d’opinion qu`à l’égard de la convergence souverainiste, jugée moins  essentielle chez Cloutier.

Si, dans un éventuel deuxième  ou troisième  tour Ouellet devait affronter l’un/e des trois autres, ils feront alors front commun et leurs partisans  se ligueront contre Ouellet.

L’autre erreur…

L’autre erreur fondamentale dans le  raisonnement de Ouellet, c’est sa lecture erronée des motifsde  la désaffection du bon peuple à l’égard du Parti Québécois.

Elle  en attribue la faute à l’ambiguïté du Parti face à la tenue d’un hypothétique référendum. Y aura? Y aura pas? Le poing levé de PKP avait soulevé des passions opposées, dont Philippe Couillard  avait su tirer parti.

Avec le PQ, il y aura référendum. Avec le PQ, l’avenir est incertain. Si vous n’en voulez pas, du référendum, votez Libéral et la question est réglée!

C’est ça, les vraies-z-affaires! Ça, et la Charte des valeurs québécouèses de Bernard Drainville, qui avait largement polarisé le Québec et fait perdre au PQ une bonne partie de ses appuis annoncés.

Ça n’est pas pour rien que Marois avait déclenché des  élections anticipées nonobstant l’entrée  en vigueur d’une Loi sur les élections à date fixe. Alors que des sondages prédisaient l’élection d’un gouvernement majoritaire, Marois avait préféré précipiter des élections anticipées et ainsi miser sur cette tendance favorable, plutôt que lde laisser les partis d’opposition renverser son gouvernement à un moment qu’ils auraient eux-mêmes jugé plus favorable.

De toute évidence, les électeurs lui en auront fait reproche; sitôt le déclenchement du scrutin annoncé, le PQ a piqué du nez. Le poing en l’air et la Charte-à-Drainville  en auront séduit plusieurs, mais ils  en auront fait fuir davantage… tout comme, d’ailleurs, la réputation que traînait PKP d’être  un patron impitoyable aura poussé des  péquistes vers Québec Solidaire.

Ou bien Bécassine n’aura-t-elle pas su LIRE adéquatement le message adressé à Pauline Marois par la population, ou bien elle porte des lunettes roses assorties de larges œillères, ou bien alors elle a parfaitement compris et fait preuve d’une démagogie navrante. Dans l’une  ou l’autre hypothèse, ça me donne, à moi, envie de décrocher.

Et moi, qui voterai encore en 2018 si l’osti de Bon Dieu ne me rappelle pas dans son Paradis d’ici là, bin… non, il n’y a  rien dans le discours de Ouellet qui puisse m’inciter à donner mon appui à un Parti qu’elle pourrait alors diriger.

Pourtant, des quatre candidats à la chefferie du PQ, c’est avec Bécassine Ouellet que j’ai le plus d’atomes crochus. Lisée, je l’aime pas pantoute… mais LE stratège par excellence, c’est lui, et c’est à SON raisonnement que je dois me rallier.

Est-ce  que ça me plait particulièrement? Non. Mais ce ne sont ni mon opinion ni mes préférences personnelles qu’il faut privilégier: ce sont ces millions d’électeurs dont certains sont plus pressés de voir émerger le pays, et d’autres, moins. Dont certains sont plus à gauche, et d’autres moins. Et dont une majorité vont fuir au pas de course un/e chef/fe du PQ qui partagerait mes aspirations profondes.

La politique, malheureusement, c’est l’art du compromis. Je salue les convictions et les valeurs profondes de Martine… mais le Québec – et les Québécois, toutes souches et allégeances confondues, ne sont pas prêts.