Ce photo-montage, je l’avais d’abord publié le 17 mai, alors que le Sieur de Lisée supputait encore ses chances de succéder à Pierre Karl Péladeau – qu’il avait lui-même crucifié, et mesurait les forces en présence. Le jeune Prince Alexandre était alors porté par la vague et faisait figure d’héritier présomptif.
Lisée veut-il être le boss? J’en doute. Faire bouger les pions dans la bonne direction, C’est tout.
Ainsi avais-je conclu mon billet du 17 mai. Oups! De toute évidence, je m’étais entré le pied dans la bouche jusqu’au genou!
Lisée a ébranlé les colonnes du temple péquiste et complété vendredi un revirement spectaculaire qui lui aura permis d’arracher littéralement le ballon des mains d’Alexandre Cloutier, le druide dont les grands prêtres du Parti avaient cru qu’il était LE détenteur du secret de la potion magique qui pourrait paver la voie vers le Grand Jour. – Philippe Authier [ma traduction], The Montreal Gazette, October 8, 2016
Et l’Oracle de Québecor d’exulter:
Et v’lan dans les dents d’Adil Charkaoui! – l’Oracle Martineau
Bien sûr, l’Oracle a perçu dans cette victoire éclatante la confirmation du virage identitaire du Parti de René Lévesque.
Pendant que le petit Jean-François Lisée fréquente encore l’école primaire, des dissidents du Parti Libéral (dont René Lévesque) forment le Mouvement Souveraineté-Association. Le MSA s’allie au Ralliement National de Gilles Grégoire, issu de la mouvance créditiste pour fonder en octobre 1968 un Parti qui portera le nom de Québécois malgré les réticences de René Lévesque. Le Rassemblement pour l’Indépendance Nationale (Pierre Bourgault, André D’Allemagne) se sabordera pour rejoindre la coalition souverainiste.
C’est un très beau nom qu’on a choisi, il va donc falloir être capables de le porter avec la dignité […] et l’espèce d’indiscutable responsabilité additionnelle que nous avons choisi de prendre en même temps que nous l’avons choisi.
[…] Avec notre nouveau nom, là, va falloir travailler à partir de ce soir, puis demain matin – puis sans arrêt, pour PAS que ça devienne un nom gênant – à convaincre puis à persuader le plus vite possible tout le monde de dire avec nous NOUS SOMMES DES QUÉBÉCOIS. – René Lévesque, discours de fondation du Parti Québécois, 11 octobre 1968 [1]
À peine le nouveau Commander-in-Chief avait-il été élu à la tête du péquistoire que Philippe Sans-Couilles lui avait déjà tracé le portrait: un clone de.Marine Le Pen.
Le nouveau chef péquiste préconise selon [Philippe Couillard] un ″nationalisme de peureux, de fermeture et d’exclusion″.
Le ″choix″ de Jean-François Lisée et des membres du PQ, ″c’est de ramener cette formation politique vers la voie des partis populistes d’Europe, vers la voie de l’exclusion, le discours qui va être très fermé par rapport à l’immigration″. – Philippe Sans-Couilles, cité dans LaPresse+, 9 octobre 2016
Mais où loge vraiment le nouveau Pape des Péquistes? Est-il vraiment cet homme de droite que voient en lui l’Oracle de Québecor et Philippe Sans-Couilles? Serait-il NOTRE Donald Trump bien à nous? Wô…
Lisée, un dretteux identitaire?
J’en doute. Après avoir adhéré du bout des lèvres à la Charte des valeurs de son collègue Drainville – solidarité ministérielle oblige, Lisée s’est empressé de s’en éloigner, une fois redevenu simple député de l’Opposition. Lisée n’a pas hésité à mettre son avenir au sein du PQ en jeu lorsqu’il a dénoncé cette bombe à retardement que représentait à ses yeux le magnat de la presse et recordman des lock-out au sein des entreprises du Groupe Québecor.
Lisée avait raison, sur deux points.
Et de un, se livrer pieds et poings liés à un Péladeau connu pour son antisyndicalisme, c’était courir le risque que les syndicats et l’aile gauche du Parti se laissent charmer par les sirènes Solidaires.
Et de deux, le conflit d’intérêt sautait aux yeux de tout observateur le moindrement informé… et non-partisan. Surtout que le Péladeau n’a jamais accepté d’abandonner son droit de regard sur la gestion de son portefeuille Québecor, qu’il soit Chef de l’Opposition ou Premier Ministre.
Péladeau appartient à la droite. Il a souscrit à la caisse électorale du PLQ, de l’ADQ, du Parti Conservateur du Canada. Mais la caisse de PQ et celle du Bloc? Heu… Et de qui le Péladeau a-t-il choisi de s’entourer chez Québecor? Luc Lavoie, un ancien conseiller de Brian Mulroney. Et Muloreney lui-même… De qui Péladeau avait-il fait son bras-droit chez Sun Media/Sun News Network? Kory Teneycke, l’ancien homme de main de Stephen Harper, auprès duquel il est retourné quand Péladeau a fermé la baraque…
″Pour pas que ça devienne un nom gênant″ – René Lévesque
Lisée ne s’en confessera jamais publiquement, mais il n’était sûrement pas très à l’aise avec le choix d’un chef -Péladeau – en guerre avec les syndicats, ces derniers ayant de tout temps été les mamelles du Parti. Faut dire que Lisée est lui-même issu des médias écrits… Et je ne crois pas davantage que Son Éminence puisse appartenir à la mouvance identitaire du PQ. Certes, pendant la course à la chefferie (édition 2016), le Grand Homme a évoqué la possibilité de réduire le flux des immigrants, en plus d’accuser son principal adversaire de faire le jeu d’Adil Charkaoui, le mousselime que TOUS les Québécois de type NOUS AUTRES aiment haïr.
Stratégie gagnante, si on en juge par les résultats. Pas sûr, toutefois, que ce Lisée-là est digne du Parti Québécois dont René Lévesque avait rêvé.
Lévesque avait compris que le choix de l’identifiant PARTI QUÉBÉCOIS comportait de lourdes responsabilités. Il avait vu dans ce Parti une formation qui serait sans reproche; le nom est, en effet, lourd à porter et le Parti doit s’en montrer digne.
Certes, Lisée l’a emporté, mais il a livré une bataille de chat de ruelle. Le conflit d’intérêt dans lequel baignait Pierre Karl Péladeau n’avait rien de très éthique. Le gogosse-à-Drainville, c’était un projet particulièrement gênant pour ce Parti dont les choix politiques – dans l’optique de son Père Fondateur – devait persuader le plus vite possible tout le monde de dire avec nous NOUS SOMMES DES QUÉBÉCOIS.
J’ose l’espérer, Sa Sainteté Lisée ne mangera plus de ce pain-là, maintenant que les membres du Parti en ont fait leur pape. contradiction flagrante avec entrait du n’était pas qui est beau Mais Lisée n’a rien d’un René Lévesque.
Battre les Libéraux d’abord, faire l’indépendance ensuite; tel était le programme de Lisée, ce en quoi il s’est montré pas mal plus lucide que la kamarade Ouellet! Battre Alexandre Cloutier sans égard aux règles du fairplay, et redevenir propre propre propre ensuite?
On verra si le ciel bleu pékwiss est vraiment pavé de ces mauvaises intentions …
Quand même, ce Pape sait parler, il sait débattre et je lui souhaite the best of luck. Excellent, son sermon. Mais de là à voter pour son Parti… va falloir entasser bin des hosties consacrées dans le ciboire avant que ce nouveau pape ne m’ait convaincu! Marin échaudé craint le chant des sirènes.
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[1] extraits tirés du documentaire Le Parti Québécois, l’affaire d’une génération?, diffusé jeudi le 6 octobre 2016; narration Marc Laurendeau, réalisation Bruno Bouliane.