Je m’étais procuré Dark Star le 9 janvier 2016, au lendemain de son lancement; David Bowie est décédé le lendemain.
You want it Darker, le dernier opus de Leonard Cohen, n’a pas fait long feu chez mon disquaire; toutes les copies s’étaient envolées quand je m’y suis présenté le 25 octobre. On en a commandé une nouvelle batch, monsieur, fit le vendeur. C’était vrai, et j’ai pu me procurer ma copie le 31 octobre.
Encore une fois, la malédiction a frappé; Leonard Cohen nous a quittés ce lundi 7 novembre mais on ne nous l’a appris que le 10, en soirée, alors que sa dépouille avait déjà été inhumée à Montréal selon les rites juifs traditionnels (Sony Music).
Suis-je condamné à ne me procurer désormais que les œuvres associées aux grands poètes disparus, sur lesquels la Malédiction ne saurait avoir prise? Mais, j’y pense, peut-être devrais-je me procurer un DVD de Wike Marde [1]? Je ne suis pas superstitieux mais qui sait, jamais deux sans trois? Par contre, faudrait peut-être que le cher homme intègre le mot DARK dans le titre de son prochain show…Dark Shit?
La muse
But if the road leads back to you
Must I forget the things I knew
When I was friends with one or two
Traveling light like we used to do
I’m traveling light – Leonard Cohen, Traveling Light (You want it Darker, octobre 2016)
Leonard Cohen lui avait dédié So Long Marianne, en 1967; Marianne Ihlen, sa muse d’autrefois, est décédée le 28 juillet 2016. Bird on the Wire, c’était aussi pour Marianne. Et cette lettre qu’il lui a écrite dès qu’il apprit que la Grande Faucheuse avait porté son choix sur elle.
Well Marianne it’s come to this time when we are really so old and our bodies are falling apart and I think I will follow you very soon. Know that I am so close behind you that if you stretch out your hand, I think you can reach mine. And you know that I’ve always loved you for your beauty and your wisdom, but I don’t need to say anything more about that because you know all about that. But now, I just want to wish you a very good journey. Goodbye old friend. Endless love, see you down the road.
Cette lettre est parvenue à Marianne, et on la lui a lue. À temps. Juste à temps. Elle a souri, avant de s’effacer.
L’album You want it darker a lui-même été pressé (c’est du moins ce qu’on disait des vinyles!) juste à temps. À quelques reprises, dans la pièce-titre, la voix basse du poète intervient alors que le maître de chapelle Gideon Zelermyer et le choeur de la synagogue Shaar Hashomayim s’exécutent: ″Hineni, hineni, I’m ready, my Lord″
Je suis prêt?Serait-ce là une allusion à la campagne menée par Jean Charest en 2012? Heu… pas vraiment. Jamais Leonard Cohen n’avait-il autant intégré sa judéité à l’un de ses albums; la facture de You want it darker est juive, ça sonne Juif, les allusions à la Foi sont omniprésentes, les élans du Cantor Zelermyer et du choeur (sur deux des pièces) viennent confirmer le caractère sacré de l’oeuvre. Me voici, me voici, je suis prêt. Allusion directe au sacrifice d’Abraham, pouvait-on lire le 22 septembre 2016 dans The Times of Israel, à l’occasion du lancement du single.
Un peu comme si Leonard Cohen avait souhaité confirmer avant le grand départ une connexion à Dieu qu’il avait déjà annoncée dans sa pièce-phare, Hallelujah.
″Je ne demande pas un pardon / Non, non personne n’est à blâmer / Je sors de table / Je mets fin à la partie″ – Leonard Cohen, Leaving the Table (You Want it Darker, plage 4)
″Je voyage léger / C’est un ‘Au Revoir’ / Mon étoile autrefois si brillante / Aujourd’hui déchue″ – Leonard Cohen, Traveling Light (You Want it Darker, plage 6)
Est-il besoin d’ajouter ici que ce départ inattendu m’a laissé un peu sonné?
Dès ma première audition de You want it Darker, (merci, Deezer!) j’ai été littéralement soufflé. Soulevé de terre. Comme emporté au Paradis.
Cohen aura lancé 14 albums depuis 1967, sans compter les compilations. Parmi lesquels j’en possède 7. Que ce dernier opus sente le bon Dieu à plein nez, les oreilles du blogueur agnostique ne vont pas se fermer les yeux pour autant! Au contraire, c’est full parfait!
Je me délecte des musiques de la pisseuse Hildegard Von Bingen, une Bénédictine qui a vécu en Allemagne au douzième siècle et qui endisquait à un rythme infernal… heu, j’me comprends, là [3]! Chant grégorien, musique de cathédrale orthodoxe, musique de synagogue, emmenez-en, c’pas de l’onguent!
Bref, que la voix rauque de Leonard Cohen se mêle aux incantations du cantor Gideon Zelermyer et d’une chorale juive pour parler à Yahweh, c’est juste du bonbon pour mes oreilles.
Leonard, ton CD, il était juste un peu court, C’est comme si tu avais manqué de temps pour en canner une ou deux de plus. Puisse la Ville faire ce que doit, pour paraphraser le journal Le Devoir. Ton contemporain et ami Mordecai Richler aura eu son gazebo en face de l’Avenue du Parc; il aurait mérité mieux, n’eut été de ses vomissures.
Pour la communauté à laquelle tu étais identifié, la rue St-Urbain fait figure de symbole. Me semble que de lui donner ton nom, ce serait un choix avisé, non? Après tout, quand la communauté Shaar Hashomayim s’est installée pour la première fois, c’était sur De Bullion, non? D’ailleurs, ta maison dans secteur St-Laurent / Marie-Anne, c’était pas mal dans ce coin là, me semble! St-Laurent et Marianne? La p’tite rue Vallières, c’est trop discret. Le Parc du Portugal? Laissons-le aux Portugais, qui sont tout autour. Mais St-Urbain, ce serait le fit parfait.
Et puis toi, les Québécois de toute origine t’aiment tout autant que tu les as aimés et respectés, c’est pas comme Mordecai…
Je suis poésie. Je suis Cohen. Et je suis triste.
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[1] Des sources proches du Service de police de la Ville de Montréal (division ″filature et écoute électronique″) ont laissé couler la rumeur voulant que le récipiendaire de l’Olivier de l’année (2016) aurait, avec ses jérémy-ads. inspiré au Président Élu, le Toupettissime Donald Trump, certaines de ses envolées les plus salaces à l’égard des présentateurs de télévision atteints d’un handicap.
[2] traduction: ″Nous voilà maintenant si vieux, nos corps tombent en ruines, et je crois bien aller te rejoindre bientôt. Sache-le, je suis si près derrière toi que si tu tendais la main, tu pourrais attraper la mienne. Tu le sais, j’ai toujours admiré ta beauté et ta sagesse, inutile d’en rajouter, tu le sais déjà. Je veux simplement te souhaiter un très beau voyage. Au revoir, ma vieille amie. Mon amour éternel, on se reverra bientôt.″
[3] Des CD’s au douzième siècle? Sorry, il faut voir là l’influence néfaste de Donald J. Trump, President-Elect of the United States… Il n’a pas un CD ou un DVD à vendre, celui-là? Si y a le mot DARK dans le titre de l’oeuvre, je suis preneur.