La communauté hassidique a perdu son référendum; à 56,5% et par une majorité de 359 voix, la population d’Outremont a confirmé l’interdiction de tout nouveau lieu de culte sur cette section de l’Avenue Bernard.
La décision des élus – entérinée par le vote populaire, constitue-elle une atteinte discriminatoire? Aurait-il été à ce point insensé d’ouvrir une brèche dans la trame commerciale de l’Avenue Bernard, à cet endroit précis que revendiquait la communauté juive orthodoxe? L’immeuble visé n’est PAS au coeur du secteur commercial; il en constitue plutôt l’extrême limite.
Par contre, les élus sont sensibles au bien commun, ils ont été témoins ces dernières années de la douloureuse dévitalisation de bon nombre d’artères commerciales, et le bien commun exige que ces artères attirent la clientèle, sans quoi les revenus fiscaux et la qualité des services pourraient en souffrir.
Ça, c’est l’Avenue Bernard, entre Bloomfield (derrière) et Champagneur (devant, vers l’Ouest) – et plus précisément, un aperçu des commerces de restauration installés au rez-de-chaussée du Théâtre Outremont – une véritable institution culturelle dans le quartier.
L’avenue Bernard n’a de caractère commercial que dans ce secteur très concentré dont le Théâtre constitue l’épicentre. À deux intersections de là, à l’ouest de l’avenue Wiseman, la vocation et l’architecture de l’avenue Bernard changent du tout au tout; bordée par un large terre-plein, Bernard n’est plus alors qu’une succession de conciergeries autrefois bourgeoises, avec ça et là des bâtiments institutionnels.
La communauté hassidique, elle, est largement concentrée à l’extrême Est de l’arrondissement… comme le sont par ailleurs ses lieux de culte. Cette population déborde dans le Mile-End et sur le Plateau.
La synagogue de la Congrégation Machzikei Torah Of Montreal, au 1075 Bernard, est un ancien local commercial dont les vitrines ont été remplacées par deux murs de briques; les trois autres, sauf erreur, occupent des immeubles à vocation résidentielle.
L’espace surligné en rouge ci-dessus correspond, en gros, à la carte 3D ci-dessous.
En matière d’urbanisme, l’ancienne ville d’Outremont est un modèle de planification. Des arbres partout. À Outremont, on n’est jamais bien loin d’un parc, voire d’un plan d’eau, comme celui du Parc St-Viateur, dans le coin inférieur droit de cette carte 3D: un pavillon, au milieu d’une île minuscule à laquelle on accède par une passerelle au dos courbé.
Sur un fond d’images empruntées à Google Street View, le Téléjournal Grand Montréal 18h présentait cet immeuble, The Willingdon, comme l’emplacement sur lequel la communauté juive avait jeté son dévolu; construit en 1939, le Willingdon est devenu un immeuble à condos dont le sous-sol et le rez-de-chaussée ont conservé une vocation commerciale.
Il n’y a que l’Avenue Champagneur entre le Théâtre Outremont et le Willingdon; mais l’animation des terrasses devant le Outremont ne paraît pas vouloir traverser l’Avenue Champagneur. Avec-synagogue ou avec-pas-de-synagogue. Où est le drame, donc? Me semble que tout, ici, est dans la perception…
C’est vraisemblablement le malheureux exemple de l’immeuble occupé par la Machzikei Torah Of Montreal dans un autre secteur de l’Avenue Bernard qui a inspiré la décision des élus de fermer cette artère commerciale (et l’Avenue Laurier) à toute occupation religieuse.
Une conseillère d’Outremont, de confession juive, Mindy Pollak, a pour sa part reproché à la municipalité de ne pas avoir choisi la bonne approche. ″Il y a du zonage créatif que l’on aurait pu faire. D’autres arrondissements ont pris des décisions plus créatives, qui faisaient l’affaire de tout le monde.″
Dans le quartier Mile-End, des synagogues ont été implantées sur l’avenue du Parc, à d’autres niveaux que le rez-de chaussée, réservé aux commerces pour respecter la vocation de l’avenue.
La proposition de Mindy Pollack, une élue de Projet Montréal, a le mérite de réconcilier des droits en apparence irréconciliables. Madame Pollack est – qui appartient elle-même à la communauté hassidique, est entrée en politique parce qu’elle croit fermement au bon voisinage entre les citoyens.
Le droit
Les élus municipaux ont le pouvoir de réglementer l’implantation des lieux de culte mais ils n’ont pas le droit de les interdire totalement. La règle existait déjà AVANT l’adoption de la Charte des droits et libertés du Québec et de la Charte canadienne des droits.
Depuis l’adoption des deux Chartes, une ville DOIT d’autant plus autoriser l’implantation d’une synagogue… quelque part. Or il me semble que Abraham Ekstein, le porte-parole de la communauté, s’est plaint du fait qu’il n’y a plus aucun endroit autorisé à l’intérieur de l’arrondissement.
Si c’est vrai, je crains que le règlement municipal ne soit annulé par la Cour. SI c’est vrai.
Y en a plein, des crisses de synagogues, dans le secteur. ENOUGH IS ENOUGH, tabarnak!
C’est vrai qu’il y en a plein. Il y a la synagogue de la Congrégation Gate David of Bobov, sur Hutchison (entre St-Viateur et Fairmount, à laquelle j’ai consacré un billet en juin 2011. Il y a la synagogue Ohel Chaim, au 381 Bernard (à l’Est de Hutchison). En septembre 2015, les médias avaient fait grand état de l’usage plus ou moins autorisé de l’ancien Édifice Bovril (Avenue du Parc/Van Horne) par ses propriétaires, la Fondation Toldos Yakov Yosef.
So what? Tous es Chrétiens ne sont pas catholiques. Il y a aussi les orthodoxes, les calvinistes, les anglicans, les luthériens, les baptistes, les méthodistes, les pentecôtistes, les réformistes… Et tous les Juifs traditionnalistes ne partagent pas les mêmes croyances, ni même le même attachement à Israël; bref, ce serait un peu simpliste que de les assembler tous devant le même rabbin.
Souvenirs d’Outremont
Ce quartier, c’est celui où j’ai fait une partie de mes études classiques. C’était chez les Clercs de St-Viateur, voisins immédiats du Parc du même nom; l’entrée principale, su Bloomfield, c’est devenu depuis l’entrée de l’École Secondaire Paul-Gérin-Lajoie; de l’autre côté de la rue Bloomfield, une mezouzah (en hébreu: מזוזה) montait fièrement la garde du côté droit d’au moins une porte sur deux. À l’oeil… Ça pourrait aussi être 42%…
St-Viateur était full catho, full mecs. Bref, interdiction formelle était faite aux étudiants de fraterniser avec ces impies-à-boudins, tout de noir vêtus, qui marchaient toujours en bandes et baragouinaient des mots incompréhensibles. Interdiction d’aborder ces filles-à-jupettes qui étudiaient à l’Académie Querbes [1], à quelques rues du collège.
Ce quartier, j’en suis tombé follement amoureux, à l’âge où on devient amoureux; c’est pas comme le Plateau, dans lequel j’avais été plongé à la naissance sans qu’on me demande mon avis! Ce quartier, je l’ai marché, une maille à l’endroit, une maille à l’envers, comme disent les tricoteuses.
Quand j’avais des heures de lousse pendant les Séries Mondiales entre les Cards et les Red Sox, comme tous les gars, je m’installais au salon des étudiants et j’applaudissais chacun des lancers de Jim Lonborg ou les élans de Carl Yastrzemski. Sinon, j’arpentais le quartier et j’en observais aussi bien l’architecture que cette faune humaine particulière au quartier.
Même s’ils n’ont jamais été très nombreux, parmi ces extraterrestres qui causaient entre eux en yiddish, à parler le papitibi avec moi.
Deux? Trois?
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[1] l’Académie a changé de vocation dans les années ’60; en même temps que MON collège passait à la Commissions Scolaire Outremont-Ville Mont-Royal et devenait l’École Secondaire Paul-Gérin-Lajoie, l’Académie devenait Nouvelle Querbes, une école alternative. Finalement, les actifs d’Outremont/VMR sont passés à la Commission Scolaire Marguerite-Bourgeois.