Le Robin-des-Banques, version Libérule
Oubiez-ça, Yves Michaud! Astheure, le Robin-des-Banques, c’est Nill Morneau.
J’ai entendu des Québécoises et des Québécois, leurs préoccupations au sujet de leurs protections dans le secteur bancaire, bla bla bla – le ministre Bill Morneau, cité par Vincent Brousseau-Pouliot, La Presse, 12 décembre 2016
Bin oui. Les seuls Québécois que Bill Morneau [le p’tit gars de Bay Street] a accepté d’entendre, ce sont les Sénateurs André Pratte (Indépendant) et Claude Carignan (Conservateur). Morneau n’avait PAS le choix: ou bien il acceptait de retirer de la Loi les dispositions qui heurtent de plein fouet la loi du Québec sur la protection du consommateur. ou bien le Sénat refusera de lui donner son assentiment.
Le ministre fédéral des Finances, Bill Morneau, a créé la surprise lundi après-midi en annonçant qu’il retirerait certaines dispositions du projet de loi omnibus C-29.
Ces dispositions, à l’origine de la pomme de discorde entre Québec et Ottawa, visaient à offrir plus de protection aux consommateurs ailleurs au pays, mais auraient eu l’effet inverse dans la province. Elles auraient placé les banques canadiennes à l’abri des lois québécoises jugées plus sévères en matière de protection du consommateur. – Dominique LaHaye. Le Journal, 12 décembre 2016
Le caucus Libéral compte 40 députés Québécois. Bêêêê… Quarante moutons blanchis à l’eau de javel, zéro mouton nouère pour voter contre Bay Street pis pour huit millions de Québécois bonasses. ″Chose″-là, le comptable-pèlerin de St-Élie de Caxton, il appellerait ça des membres mous. A tightly-welded team of Liberal Members… Une équipe de membres députés Libéraux solidaires les uns des autres [1].
Le ministre Morneau demandera à l’Agence de la consommation en matière financière du Canada d’étudier toutes les lois provinciales en matière de protection des consommateurs et de s’assurer que les règles les plus sévères de toutes les provinces en matière de droits des consommateurs se retrouvent dans les nouvelles dispositions législatives fédérales s’appliquant aux banques. – Vincent Brousseau-Pouliot, La Presse, 12 décembre 2016
Wo! Si Bill Morneau estime nécessaire d’exiger que ses légistes étudient les dispositions de TOUTES les lois de protection du consommateur adoptées par les provinces et territoires, ça veut dire que la demande n’en avait pas encore été faite?
N’est-ce pas ce même Bill Morneau qui se présentait devant micros et caméras pour affirmer D’UN TON ASSURÉ que son projet de Loi visait à améliorer le sort de tous les consommateurs de services bancaires au Canada?
Heu… son équipe de rédacteurs avait oublié de prendre connaissance de la loi provinciale considérée comme étant LA loi la plus contraignante pour les Banques à travers le Canada… Mais au fait, c’est qui, les conseillers du ministre Morneau en matière de législation bancaire?
Le lobby des banques, peut-être?
Des lobbyistes dans l’entourage de Bill Morneau?
Le 19 septembre 2014 – 13 petits mois jour pour jour avant l’élection du gouvernement Trudeau, la Cour Suprême du Canada a rendu un jugement-phare contre l’ensemble des banques faisant affaires au Canada [2], dans le cadre d’une série de recours collectifs. Les banques ont plaidé que puisque le domaine bancaire est de juridiction fédérale selon la Constitution, les provinces ne peuvent ajouter aux sanctions prévues dans la législation fédérale. Je cite un extrait du paragraphe 84 du jugement:
[84] De nombreuses lois provinciales prévoient différentes causes d’action susceptibles d’être opposées aux banques. Ce n’est pas parce que la Loi sur les banques est muette sur ce point que les recours civils sont incompatibles avec elle, en l’absence de conflit avec les art. 16 et 988 [ndlr: de la Loi sur les Banques]. En l’espèce, il n’y a pas de conflit, les demandeurs ne cherchant pas à faire annuler leur contrat.
Retenons cette dernière phrase (en bleu): le Québec PEUT réglementer les effets civils de la relation entre une banque et son client, mais la Loi québécoise ne pourrait pas annuler un contrat de nature bancaire intervenu entre la banque et son client. Par contre, elle peut y ajouter des ″épices″…
Toujours au paragraphe 84, la Cour rappelle un principe qu’elle avait énoncé au paragraphe 24 de l’arrêt Banque canadienne de l’Ouest, ″[les doctrines constitutionnelles] doivent faciliter et non miner ce que notre Cour a appelé un ‘fédéralisme coopératif’″
[117] Toutes les dispositions pertinentes de la [Loi sur la protection du Consommateur du Québec] sont, du point de vue constitutionnel, applicables et opérantes.
C’est cette conclusion qui avait hérissé le poil des banques; le juge les avait condamnées non seulement à rembourser leurs clients des montants que la loi québécoise leur interdisait de percevoir, mais à rembourser à chacun des dommages punitifs… de $25 (ouf!); la Cour suprême a confirmé cette condamnation.
Question: si les 38 députés québécois élus sous la bannière du NPD, du Bloc et du Parti Conservateur ont pu découvrir AVANT l’adoption du bill C-29 que certaines de ses dispositions auraient pour effet d’interdire à l’avenir (entre autres épines) tout nouveau recours collectif contre les banques, comment explique-t-on que les 40 élus Libéraux n’aient pas entendu le loup entrer dans la bêêêrgerie?
Question: comment le ministre Morneau peut-il expliquer que ni ses conseillers, ni l’équipe des juristes qui a préparé le texte de C-29 n’ont constaté ce qu’un obscur député du Bloc – Gabriel Ste-Marie – a pu constater, lui dont le groupe parlementaire ne dispose d’aucun budget de recherche à défaut d’avoir fait élire 12 députés?
Le caucus québécois du PLC a bêêêlé très fort pour le Québec, assurent les ministres Diane Lebouthillier et Jean-Yves Duclos. Le lieutenant du Québec du NPD, Alexandre Boulerice, a tourné les propos des ministres en ridicule. ″Je veux dire, s’ils ont agi sur ce dossier-là, ils ont été absolument discrets. D’une très haute discrétion!″ s’est-il moqué. – Catherine Lévesque, Huff Post, 13 décembre2016
Se pourrait-il que le lobby des banques ait G-É-N-É-R-E-U-S-E-M-E-N-T offert de livrer un projet de loi clé en mains, pré-emballé-avec-toutte-kessé-qu’on-veut-dedans?
Si tel est le cas, les lobbyistes avaient joliment enrobé le cadeau offert ″à l’ensemble des Canadiens″, en y insérant des dispositions destinées à leurrer les députés sur leur bonne foi [3].
Les représentations du Barreau
Le projet de loi C-29 compte plus de 240 pages. Il contient surtout des mesures budgétaires, que le gouvernement veut voir adoptées rapidement, mais il inclut aussi une section qui aurait pour effet de soustraire les banques de l’application de la Loi sur la protection du consommateur, leur imposant ainsi un régime fédéral moins contraignant. – Karl Rettino-Parazelli, Le Devoir, 10 décembre 2016
Le Barreau a toujours été opposé à ces projets de loi mammouth où se cachent des dispositions qui n’ont rien à voir avec le sujet annoncé dans le Libellé de la Loi. Une Loi de 240 pages, portant soi-disant sur les mesures budgétaires, ne devrait pas cacher un article visant à soustraire les banques à l’application des lois provinciales. C’est de la triche, et alors qu’il était dans l’Opposition, le parti de Junior Trudeau a TOUJOURS dénoncé ces projets de Loi mammouth.
les projets de loi omnibus ont souvent pour effet concret, sinon pour objet, de soustraire des mesures parfois contestables à l’attention non seulement des élus, mais aussi de la société civile.
″Il serait plus que fâcheux de voir une loi fédérale faire reculer des droits acquis en matière de consommation pour les citoyens″ […] Le projet de loi C-29 énonce que la section 5 aura « prépondérance″ sur toutes les dispositions des lois et des règlements provinciaux en matière de protection des droits des consommateurs qui traitent des sujets visés par cette section du projet de loi. Mais la portée de cette disposition reste à définir. On peut penser que ce seront les tribunaux qui auront à le faire. – extraits du communiqué émis par le Barreau du Québec le 12 décembre
Le progressiste que je suis pourrait sans doute se satisfaire d’un article de la Loi des banques qui donnerait au consommateur le choix des recours entre ce que prévoit la Loi des banques et ce que prévoit la Loi sur la protection du consommateur.
Que la Loi des banques soit révisée pour offrir à tous les Canadiens la possibilité d’exercer contre les banques des recours déjà ouverts au Québécois, why not? Mais si le gouvernement du Québec souhaitait étendre les droits des consommateurs de services bancaires à l’avenir, il serait fâcheux que la PRÉPONDÉRANCE de la Loi canadienne viennent priver les Québécois de recours que leur reconnaît par ailleurs la Cour suprême.
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[1] Quoi qu’on en dise, Junior Trudeau n’est pas un francophone qui maîtrise l’anglais à la perfection, mais un anglophone qui a grandi en Colombie Britannique. Oui, il a enseigné le français à des anglophones. Mais il donne l’impression de PENSER en anglais et de trébucher à l’occasion quand il traduit sa pensée en français. La semaine dernière, à la Chambre des Communes, il s’est lâché lousse en franglais: les membres adverses, disait-il pour désigner les D-É-P-U-T-É-S de l’Opposition. Membres, dans le sens de DÉPUTÉS, c’est un anglicisme, Period. Point barre!
[2] Ces recours collectifs visaient la Banque de Montréal, la Banque Amex du Canada [American Express], la Banque Royale du Canada, la Banque Toronto-Dominion, la Banque Canadienne Impériale de Commerce, la Banque de Nouvelle-Écosse, la Banque Nationale du Canada, la Banque Laurentienne du Canada et Citibank Canada.
Le jugement est répertorié sous le nom Banque de Montréal c. Marcotte, [2014] 2 RCS 725, 2014 CSC 55. Il comporte 117 paragraphes. L’Office de protection du consommateur du Québec, l’Association des Banquiers canadiens, les gouvernements du Canada, du Québec, de l’Ontario et de l’Alberta ont participé aux débats.
Dans un jugement distinct, la Cour Suprême avait disposé le même jour d’un recours collectif de même nature contre les Caisses Desjardins, qui elles, ne sont PAS assujetties à la Loi fédérale sur les banques.
[3] À tous ceux qui pourraient accuser le Papi de se péter des cartoons, je répondrai que, dans un lointain passé et AVANT l’invention du registre des lobbyistes, mon employeur d’alors (le Service de police de Montréal) souhaitait une modification à un règlement provincial sur la circulation.
Quatre dividus (dont mon moi-même) avaient rencontré le sous-ministre, à Québec, dans le but de pousser l’adoption d’un Règlement clé en mains dont j’étais l’auteur. Quelques semaines plus tard, bingo! MON règlement était publié tel quel dans la Gazette Officielle du Québec!
Aujourd’hui, faudrait nous inscrire au Registre des lobbyistes…
Intéressant, cet aveu ‘échappé’ par Junior Trudeau pendant cette entrevue avec Patrice Roy jeudi le 15 décembre 2016.
À une question du public, Trudeau répond que non, il ne voit pas de motifs justifiant une réglementation plus sévère des taux d’intérêt facturés aux détenteurs de cartes de crédit. Il n’est pas bon que l’État vienne perturber les relations entre des parties à un contrat privé, disait-il en substance.
Peut-être Junior ne sait-il pas que les émetteurs chargent 28 ou 29% à leurs clients moins fortunés, incapables de payer le solde en entier à la fin du mois. Pourquoi le saurait-il? Aucune institution financière ne lui a facturé de tels taux à LUI, sans doute habitué aux cartes PLATINE, PREMIUM, PRIVILEGE, etc
Dire que pendant la dernière campagne électorale, le Parti Libéral s’était présenté comme un parti plus progressiste que le NPD; chassez le naturel et il revient au galop…