
Côté cour: un éditorial de Kelly McParland, National Post, 28 juillet (extraits; traduction par l’auteur)
La demande qu’a formulée la Première-Ministre Christy Clark d’une «juste part» du butin que générera le pipeline que se propose de construire Northern Gateway peut avoir du sens, d’un strict point de vue Britanno-Colombien alimenté par l’esprit de clocher. Mais comme l’a noté Rex Murphy dans son dernier billet, une telle attitude est désastreuse pour le Canada pris dans son ensemble.
Mme Clark exige pour sa province une indemnisation pour les risques dont elle devra assumer les coûts si le projet devait aller de l’avant. Le pipeline doit traverser la province d’Est en Ouest, jusqu’à un port côtier où le brut serait chargé sur des navires qui devront adopter une trajectoire semée d’embûches entre les installations portuaires et le large. Chacune des étape du transport comporte des risques, incluant d’éventuelles fuites, des explosions ou des accidents en mer, sans compter le risque d’une attaque terroriste.
Ces risques sont aussi réels que majeurs. En outre, le pipeline occupera une bande de terre très large, dont une grande partie est sensible aux risques écologiques.
Mais Enbridge Inc, qui souhaite construire le pipeline, promet de faire appel à des technologies de pointe, qu’elle estime très sûres. […]
En tout état de cause, comme Andrew Coyne le soulignait cette semaine dans le National Post, la construction du pipeline générera des recettes fiscales de $ 6,7 milliards de dollars en recettes fiscales supplémentaires à partir du pipeline, et son gouvernement a clairement laissé entendre que le gouvernement fédéral et l’industrie pétrolière devront rembourser tous les dommages causés par des déversements, des accidents ou autres événements imprévus. Ce n’est donc pas comme si la Colombie-Britannique était laissée pour compte au cas de désastre écologique.
[…] Les Provinces collaborent difficilement entre elles, et elles érigent trop d’obstacles au commerce interprovincial et à la reconnaissance des accréditations professionnelles obtenues dans une autre province, ce qui a pour effet de faire exploser les prix. Malheureusement, nos gouvernements provinciaux sont trop souvent insensibles aux intérêts nationaux, aveuglés qu’ils sont par des intérêts strictement locaux ou régionaux. Ajoutons-y la possibilité pour les uns de prendre les autres en otage, et c’est l’impasse totale en matière de développement économique.
C’est pourquoi il est impératif que Mme Redford maintienne fermement ses positions. Le pétrole a beau être ici strictement albertain, c’est l’économie du Canada tout entier qui serait mise en danger si Mme Redford devait céder au chantage exercé par la Colombie-Britannique.
Côté jardin: un fédéralisme de coopération?
Je me souviens de la période qui a précédé l’ouverture de la Voie Maritime du St-Laurent; les navires qui se rendent aujourd’hui à Toronto, à Thunder Bay ou à Chicago devaient s’arrêter à Montréal, ce qui avait pour effet d’en faire un pôle majeur de transbordement et de manutention. Au surplus, c’est à Montréal que se brassaient les affaires, comme la vente du blé canadien vers l’Europe.
Victoire pour l’économie nord-américaine, à n’en point douter. Mais cette victoire a sonné le glas de cet important pôle de transport qu’était Montréal. Si bien que quand ce Kelly McParland vient accuser le BC de faire preuve d’un esprit de clocher qui nuirait à l’économie de l’Alberta et à l’économie canadienne en général, désolé, mais moi, je choisis de me souvenir…
Je me souviens également de ce fleuve, essentiellement québécois, dont tout le monde se sert, que tout le monde pollue, mais dont les méfaits de la pollution sont… essentiellement québécois. Le Minnesota, le Wisconsin, l’Illinois, le Michigan, l’Ohio, New-York, la Pennsylvanie – et bien sûr l’Ontario – contribuent à polluer les Grands Lacs, à des degrés divers. Et toute cette pollution passe par Montréal, Québec, Rimouski… sans que personne n’aide le Québec à en défrayer les coûts. Et je ne parle pas de la menace qui provient d’espèces animales ou végétales importées du Mississipi vers les Grands Lacs et dont il semble impossible de se débarrasser. Importées, dois-je ajouter, au nom de l’économie de ces états limitrophes. Et dont les effets risquent encore une fois de miner l’économie du Québec, à terme.
Ce que moi je sais et ce dont je me souviens, peut-être la Première-Ministre du BC le sait-elle aussi? Et peut-être cherche-t-elle à prendre les moyens pour que ça n’arrive pas chez elle?
Le Québec ne peut rien contre la pollution industrielle et agricole en provenance de Chicago ou du Minnesota; il doit la subir et en payer le lourd tribut. Le « fédéralisme » canadien ne s’étend pas jusqu’aux plages de Chicago. Mas le BC peut – et doit se défendre contre les risques que veulent lui imposer l’Alberta et le gouvernement fédéral.
But Enbridge Inc., which is proposing the pipeline, says it plans state-of-the-art defences, including “the most advanced technology, safety measures and procedures in the industry.”
Et c’est censé rassurer Christy Clark, ça?
La même promesse avait été faite au sujet du Exxon Valdes, qui s’est échoué au large de l’Alaska en 1989. Super-tanker monocoque. Une coque à double épaisseur aurait coûté plus cher, et ainsi réduit les bénéfices aux actionnaires. Que je sache, les actionnaires de Enbridge sont, et demeureront plus soucieux de rendement que de minimisation des risques.
Et que s’est-il passé, plus récemment, au large de la Louisiane? Ah oui, j’me souviens: l’explosion du Deepwater Horizon, le 20 avril 2010. Ça aussi, ça devait être le fleuron de la technologie la plus éprouvée en matière de protection de l’environnement.
Christy Clark n’a pas oublié. Alors les promesses faites par Enbridge, ça vaut ce que ça vaut. Au cas de désastre majeur, Enbridge aura-t-elle les reins assez solides pour assumer financièrement? Hummm… BP n’avait-elle pas évoqué la possibilité d’une faillite libératrice, après le désastre du Deepwater Horizon? Et Enbridge n’a ni la taille ni les ressources financières de BP.
Que valent par ailleurs les engagements du gouvernement canadien? On n’a qu’à se rappeler de Kyoto. Ou de la valse-hésitation concernant le rapatriement d’Omar Khadr; la parole de Harper et de ses ministres, ça ne vaut strictement rien.
It may be Alberta’s oil, but it’s Canada’s economy that would be at stake if she were to give in to B.C. blackmail.
Va te faire foutre, McParland!
Je ne vois pas comment une répartition plus justes des retombées fiscales pourrait nuire à l’économie du Canada-as-a-whole. Je ne vois pas non plus comment des redevances plus élevées pourraient faire perdre cette opportunité de vendre les sables bitumineux à la Chine. C’est qu’il sont bigrement nombreux, les Chinois! Et ils ne font que s’éveiller à la consommation du pétwole. S’ils devaient être incapables de faire rouler leurs machines, leurs camions et leurs voitures sans la mélasse du nord de l’Alberta, ils vont payer.
Et plus ils devront payer cher, plus il y aura d’emplois créés en Roumanie, au Brésil et au Canada. Hoooon!
