C’est dans l’indifférence la plus totale que j’ai appris la nouvelle d’une mort suspecte à Blainville. Quand l’hypothèse d’un règlement de compte a fait surface, le niveau de mon indifférence a décuplé. Et puis, j’ai entendu le nom de la victime de ce meurtre. Joe Di Maulo… Di Maulo. Heu… Suddenly sounds familiar.
Alors que je m’interrogeais sur le pourquoi du comment de ce regain d’intérêt, le triple meurtre du chic cabaret Casa Loma, il y a plus de 40 ans, remonte à la surface; vivement une recherche sur Google: Di Maulo + Casa Loma. Bingo!
Étudiant en droit, aux prises avec des arrêts de travail ou les lignes de piquetage des étudiants de lettres et de sciences sociales qui interdisaient tout accès à la fac, nous avions été quelques-uns à suivre des procès célèbres. Lire: les procès où les étudiants que nous étions pouvions admirer les effets de toge des grands criminalistes de l’époque.
Ou encore le procès des frères Rose, tenu à Parthenais devant un juge Legault bègue et coiffé de son tricorne. S’affrontaient Me Robert Lemieux et ses longs cheveux bouclés qui balayaient ses épaules, pour la défense, et Me Jean-Guy Boilard, l’une des prima donna de la Couronne.
Les procès en matière civile ne soulevaient guère d’intérêt parmi les étudiants en droit contraints à parfaire leur apprentissage hors-faculté. Le motif en est fort simple: aucune publicité n’en était faite et même en nous adressant au personnel du greffe, il n’y avait pas moyen de savoir dans quelle salle des points de droit intéressants étaient susceptibles d’être soulevés. Qui plus est, la consultation du nom des belligérants ne suffisait pas à nous informer de la nature des litiges. Alors on se garrochait vers les procès criminels, nous laissant guider par les noms des accusés ou des plaideurs; ce sont eux qui faisaient la une des journaux. Pas les dossiers opposant l’acquéreur d’une maison à son vendeur!
Ce billet portera donc sur le triple meurtre survenu au chic cabaret Casa Loma, dont le tout jeune Di Maulo était propriétaire. Il avait su se placer les pieds, lui qui avait accompagné Vic Cotroni au mariage de Paolo Violi, à Hamilton, en 1965; il n’avait alors que 22 ans, Cotroni était le king, et Violi, son second. Puis vinrent les Rizzuto.
Pour un étudiant en droit, le procès du Casa Loma était toute une aubaine. La couronne était représentée par Me Michel Côté, dont la soeur Corrine deviendra plus tard Madame René Lévesque. Di Maulo, accusé de trois meurtres, était représenté par Me Raymond Daoust; lui, à l’époque, c’était LE ténor des criminalistes. Les co-accusés de Di Maulo étaient représentés par Me Sidney Leithman et par Me Léo-René Maranda. Daoust et Maranda étaient des « vedettes » établies; Leithman, dans la mi-trentaine, était une étoile montante, dont le parcours a pris fin abruptement le 13 mai 1991 quand il a été abattu par balles.
Je n’oublierai jamais cette question posée par Leithman, à laquelle Côté s’était objecté parce qu’elle était trop vague et constituait un piège pour le témoin: Où étiez-vous le printemps passé? Leithman a donc reformulé sa question: où étiez-vous, telle date, en janvier passé?
Ce n’est pas l’interrogatoire de ce témoin qui a propulsé Sidney Leithman au firmament des vedettes! Michel Côté avait d’ailleurs réagi avec amusement: le printemps est long par chez vous, Me Leithman; vous voyez, j’avais raison de m’objecter! Ou quelque chose du genre…
Le jury avait trouvé Di Maulo coupable, un verdict avec lequel mes collègues étudiants et moi-même étions presque unanimement d’accord, nous qui avions entendu une bonne partie des témoignages et comparé les arguments des avocats. La Cour d’appel a renversé cette décision et rien de très significatif n’a collé par la suite à la peau de Di Maulo, ce qui lui a permis – sans doute – de voyager aux USA sans être importuné.
Corrine Côté avait elle même assisté à une partie du procès et, pour mon plus grand plaisir, elle n’était pas avare de commentaires et elle avait pris l’habitude d’échanger avec nous. Elle était fort jolie, feue Corrine, ce qui, je l’avoue, constituait … appelons-ça une plus-value.
Cela dit, elle savait de quoi elle causait. Et elle n’était pas à court d’anecdotes…