L’État du Tennessee, la ville de Memphis et le Comté auront déboursé un minimum de 150 millions de dollars pour attirer 1300 jobs.
Ça représente plus de $115000 par nouvel emploi créé. Et à $13.50 l’heure – salaire déjà annoncé pour 2013, ça fait des jobs à $25-30000 / année. Mille trois cent emplois de ce genre, ça représente 35 ou 40 millions en salaires par année. Disons 42, tiens, car il y aura des cadres, mieux payés.
Les autorités ont fait don à Electrolux d’un immense terrain dans le parc industriel, terrain dont elles assumeront le coût des infrastructures et pour lequel elles aucont consenti un généreux dégrèvement d’impôts fonciers. Robert Gibbens rapportait dans The Montreal Gazette:
Memphis City and County have provided the land in the Frank Pidgeon Industrial Park free. They are putting up $20 million U.S. each for infrastructure such as roads and sewers and the State a further $92 million U.S., local filings said. Another $400 million U.S. will be invested by suppliers.
The new plant, starting up in mid-2012 and due in full production in 2013, will mesh closely with Electrolux’s existing kitchen range plant in Springfield, Tenn., with a workforce of 3,000.
Kevin Scott, president of Electrolux Major Appliances North America, based in Charlotte, N.C., said the Swedish parent was seeking to reduce its manufacturing costs in North America as part of a six-year global restructuring designed to save $500 million U.S. annually and meet growing competition.
Memphis won out over Mexico and other company locations because of its low cost structure, skilled labor pool and favourable logistics, he said
En caractères gras, une explication additionnelle à l’empressement des élus de l’État du Tennessee: il semble acquis que la multinationale souhait concentrer toute la chaine de production. N’eut été de ce pont d’or, non seulement Memphis n’aurait-elle pas obtenu ces emplois, mais l’autre usine Electrolux du Tennessee aurait quitté pour le Mexique…
Sophie Cousineau commentait pour sa part dans La Presse:
Les autorités locales se priveraient de revenus fonciers en échange d’avantages («payment-in-lieu-of-taxes benefits»). Elle céderaient aussi un grand terrain dans le parc industriel Frank C. Pidgeon.
La ville de Memphis et le comté investiraient de surcroît 20 millions dans les infrastructures de ce projet.
Devant ce déluge de millions, les travailleurs de L’Assomption luttaient à armes très inégales contre leurs «camarades» du Tennessee.
Une toute petite question, en passant: puisque l’usine génèrera environ 40 millions par année en salaires, dans combien d’années l’État du Tennessee aura-t-il pu être remboursé – par les impôts qui lui seront versés à même ces salaires – des 92 millions de dollars qu’il a accepté d’investir dans cette usine, et des intérêts sur cette somme? Au Tennessee, le taux d’imposition est de 6%, non pas du revenu total mais du revenu imposable. Les revenus provenant d’un emploi ne semblent pas imposables: The individual income tax is imposed only on individuals and other entities receiving interest from bonds and notes and dividends from stock.
L’État du Tennessee ne semble pas prélever d’impôts sur le revenu des entreprises.
C’est la faute des syndicats, du PQ, des chochialiches, des communiches et autres go-gauches!
Les habituels pisse-vinaigre ont tôt fait de trouver une explication à cette décision d’Electrolux de délocaliser la production de ses électroménagers vers le Tennessee. C’est ainsi qu’on pouvait lire sur le blogue de Sophie Cousineau:
Je serais curieux de comparer le pouvoir syndical au Tennessee vs celui du Québec, si syndicat il y a au Tennessee!!!!!!!!!!! – Patrice Juneau, 15 décembre, 15h16
Trop de taxe, trop de syndicat, trop de règlement et de paprasse gouvermentale,voila quelques incitatif pour une entreprise de sacrer son camps d’icitte au plus vite du quebec de plus en plus etouffant et communiste – Kanaille, 15 décembre, 17h03
Pierre Duhamel, de retour à l’Actualité après un séjour dans les entreprises de Pierre-Karl Convergence, écrivait pour sa part:
La piètre performance de notre économie à cet égard prépare des centaines d’Electrolux. Nous ne sommes plus compétitifs et l’écart entre nous et les Américains ne cesse de croître.
Je ne puis qu’être d’accord sur la nécessité de maintenir le niveau de compétitivité et de productivité de nos usines. Cela dit, l’importance des avantages consentis à Electrolux par les administrations publiques du Tennessee semble avoir échappé à Pierre Duhamel. Ou alors ce facteur ne lui aura-t-il pas échappé, auquel cas son billet n’avait-il pour seul but que de taper encore un peu plus sur la frange social-démocrate de la société québécoise?
François Premier, l’un des éminents penseurs d’Antagoon.net, y allait à 15h28, ce 15 décembre, d’une réplique savante à ce commentaire de Duhamel:
Et voilà!! Une autre “victoire syndicale”…
Aux yeux de R. Lamothe, c’est la faute à Pauliiiiine: 15 décembre, 12h45
c’est le commencent de la fin pour plusieurs usines au Québec, les syndicats, le manque de productivité, les griefs pour n’importe quoi, et surtout l’élection probable du P.Q, aux prochaines élections avec tous les nouvelles mesures qu’il veulent implantées pour décourager les compagnies d’investir
Et le capitalisme sauvage, bordel?
Pour une entreprise, l’un des avantages de s’installer au Québec, c’est le coût très bas des avantages sociaux que sont les assurance-santé et médicaments. Je parle ici des coûts pour l’entreprise. Les usines GM et Chrysler de Détroit n’étaient pas compétitives face à Toyota. Pourquoi? Ce sont les mêmes syndicats, pourtant. Mais les usines Toyota étant plus récentes, Toyota n’avait pas a supporter les mêmes coûts à l’égard de ses employés retraités. Quel aurait été le sort de GM et de Chrysler si elles avaient été soumises aux lois du Québec et si elles n’auraient pas eu à assumer ces coûts qui les ont rendues fragiles face à la concurrence?
Un autre facteur, que nos amis de la droite feignent d’ignorer: le siège social nord-américain d’Electrolux est situé en Caroline du Nord – ce qui n’est pas très éloigné du Tennessee, où il existe déjà une usine Electrolux qui emploie 3000 travailleurs.
Non, Electrolux ne demeurera pas éternellement à Memphis. Si les employés de cette nouvelle usine devaient se syndiquer et négocier des soins médicaux pour les retraités, quand le poids des avantages sociaux consentis aux travailleurs retraités menacera de faire exploser les coûts de production, Electrolux va fuir vers la Chine, le Mexique ou la Roumanie.
Parions toutefois que l’usine ne sera jamais syndiquée et que les salaires et avantages sociaux y seront toujours très bas. Cela suffira-t-il à empêcher une nouvelle relocalisation des la production? Non. Parce qu’il y aura toujours moyen de trouver ailleurs dans le monde des employés prêts à travailler pour un salaire moindre.
Au rythme où se font les avancées technologiques, toute usine, aussi moderne et performante soit-elle, tombe rapidement en désuétude. Et quand ce jour arrivera, un comptable fera le décompte, pendant que les démarcheurs d’Electrolux iront courtiser d’autres administrations publiques prêtes à payer pour rendre un nouveau déménagement des usines et des emplois économiquement rentable. Et à défaut de tels accommodements financiers, la multinationale jettera son dévolu sur un pays en voie de développement, là où les travailleurs accepteront des salaires de famine.
Pendant ce temps, des commentateurs qui se croient bien avisés jettent le blâme sur les syndicats. Comme si la notion de corporate welfare bum leur était inconnue…
Bêêêê…
Une toute petite question, en terminant: là où l’administration publique verse 150 millions pour attirer 1300 nouveaux emplois, se pourrait-il que se soient glissées deux ou trois pommes pourrites qui auraient bénéficié d’un modeste retour d’ascenseur de la part des démarcheurs de la multinationale?
Je disais ça de même, là, là…