
Un billet peut en cacher un autre; je ne le dirai jamais assez, mais cette fois, je me suis vraiment surpassé!
Commençons par cette remarquable fillette de Lochgilphead, en Écosse. Plus précisément de la région dite Earra-Ghàidheal, en langue gaélique. Argyll, disent les Anglais. La petite, qui n’est âgée que de 9 ans, a lancé son propre blogue dans le but d’amasser des fonds destinés à un organisme caritatif (Mary’s Meals) qui lui, s’est engagé à les affecter à la construction d’un abri-cuisine dans une école primaire du Malawi.
La jeune blogueuse se fait appeler VEG. Comme dans Veritas Ex Gustu – la vérité à travers le goûter. Mais son vrai nom, c’est Martha Payne. Et sur son blogue, elle avait entrepris de publier la photo des repas qu’on lui sert à l’école, avant de leur accorder une note parfois plutôt anémique! Les repas n’ont pas vraiment l’air très appétissants, à vrai dire, ce que son Food-O-Meter a su traduire.
Le 14 juin 2012 , c’est le drame et Martha écrivait avec tristesse:
This morning in maths I got taken out of class by my head teacher and taken to her office. I was told that I could not take any more photos of my school dinners because of a headline in a newspaper today.
I only write my blog not newspapers and I am sad I am no longer allowed to take photos. I will miss sharing and rating my school dinners and I’ll miss seeing the dinners you send me too. I don’t think I will be able to finish raising enough money for a kitchen for Mary’s Meals either.
Goodbye,
VEG [1]
VEG s’était fixé un objectif de £7000; au moment où elle s’est vue contrainte de cesser la publication de ses images, elle avait amassé £2000 et suscité 2 millions de clics sur son blogue, ajoutera son père plus tard dans la journée; c’est le Conseil Scolaire d’Argyll & Bute – et non pas l’école que fréquente sa fille – qui a pris la décision.
ATTENTION: le paragraphe qui précède annonce le contenu de la deuxième partie du présent billet.
Mais l’histoire de Martha ne se termine pas là. Le lendemain, elle avait déjà amassé plus de £35000, pouvait-on lire dans le Telegraph, édition du 15 juin. Big enough? Pantoute! Devant le tollé que cette interdiction avait soulevé, le Conseil scolaire a annulé sa propre décision et en a fait l’annonce sur BBC Radio Four. Il n’y a pas de place pour la censure chez nous, avait alors plaidé le porte-parole.
Martha a maintenant amassé £74159.99. Un bond de £2000, en moins de 4 heures! Et son blog a enregistré plus de 5375000 clics! Aye! Et ça continue!

L’école du conformisme
Quel est le lien entre cet ange venu d’Écosse et ce diable de Stephen Harper? Ou Jean Drapeau. Ou… Le lien, c’est la censure.
Martha a été victime de censure, parce qu’elle publiait des commentaires négatifs sur la bouffe que son école lui impose. Réflexe d’auto-défense, de la part du Conseil scolaire: on va pas laisser cette petite crisse émettre des commentaires avec lesquels nous sommes en désaccord!
Le 7 juin 2012, et alors qu’il se trouvait à Paris, n’est-ce pas Stephen Harper qui affirmait que le Gouvernement fédéral couperait les vivres aux organismes s’opposent aux grands projets énergétiques de l’Alberta? Et n’est-ce pas un ancien collègue du Reform Party qui lui reprochait de s’entourer de meneuses de claques plutôt que de conseillers bien informés?
« I’ve always said that if you’re smart, you surround yourself with really smart people and if you’re dumb, you surround yourself with a bunch of cheerleaders, » said [Bob] Mills, who represented the Alberta riding of Red Deer from 1993 to 2008. – Mike De Souza, PostMedia News, 7 juin 2012
La démarche est la même. Interdiction de contredire.
Parfois, c’est l’art que l’on censure pour des motifs idéologiques. En juillet 2011, deux immenses toiles d’Alfred Pellan ont été retirées du hall du ministère des Affaires étrangères pour être remplacées par un beau portra de la Reine. Une commande du ministre John Baird. Aucune consultation préalable. C’est maintenant au tour de l’oeuvre d’un artiste autochtone reconnu de par le monde – Norval Morrisseau – de céder sa place au tableau présenté par Stephen Harper à Bébette Deusse à l’occasion de son jubilée de diamant.
Bref, Harper sort les joyaux du patrimoine – d’authentiques oeuvres d’art – pour les remplacer par des oeuvres mineures qui ont pour seule qualité de refléter l’idéologie monarchiste des Conservateurs.
Dans la nuit du 13 au 14 juillet 1976, Jean Drapeau – alors maire de MON Réal (à la façon Jean-Guy Moreau) avait fait démanteler – et même détruire 18 oeuvres exposées depuis une semaine rue Sherbrooke. Ces oeuvres avaient été subventionnées par le Ministère des affaires culturelles dans le cadre du projet CORRIDART, un volet artistique des Olympiades tenues à Montréal ce même été. Pollution visuelle, dira le maire à lunettes. Texte et vidéo de la SRC, ICI. Je gagerais un gros huard que le présentateur était Paul-Émile Tremblay.
Armand Vaillancourt en a lui aussi long à dire sur la censure culturelle.
La démarche était encore la même: il s’agit de taire toute expression de l’art qui ne soit pas conforme à LA vision qu’en a la personne en autorité. Taire l’expression de l’art, taire l’expression de la science, taire l’expression de la moindre critique (je fais ici référence à la petite Martha)…
Taire l’opposition en la diabolisant: Je note que Madame Marois porte encore l’emblème de la violence… (Jeannot-Mouton) Régis Labeaume et Jean Charest unis contre Bananarchiste et le groupe Mise en Demeure, qui a dû renoncer à présenter son spectacle à l’occasion de la St-Jean. Même patente à gosse… quoique je ne sois pas moi-même particulièrement à l’aise avec les textes des tounes corrosives de ce groupe marginal. Mais je ne suis pas davantage un chaud partisan de Eminem et du gangsta rap.
La pensée unique gauchiste n’est pas un mythe, c’est la réalité !
Dans une proportion de 28%, les gauchistes qui fréquentent les réseaux sociaux disent avoir bloqué des gens parce que leurs opinions politiques sont différentes des leurs. Du côté des droitistes, cette proportion n’est que de 16%. L’étude arrive aussi à la conclusion que sur les réseaux sociaux, les gens très à gauche sont plus enclins que les gens très à droite à s’entourer de gens qui pensent comme eux dans une proportion de 52% contre 45%.
Bien sûr, c’est du David Gagnon, comme on en trouve à la pelle dans son urinoir. Son billet du 27 mars 2012 porte un titre éloquent – La pensée unique des gauchistes: c’est maintenant prouvé!
Fuck les réseaux sociaux, ça n’a pas d’impact! D’ailleurs, la différence notée par Gagnon n’est pas très significative; au surplus, les motifs de la censure des « opinions contraires » peuvent souvent s’entrecroiser: une « opinion » cache souvent des injures inacceptables, tout comme elle peut être radotée mille fois sans jamais apporter le moindre élément nouveau. Parle-on alors de censure, ou de ras-le-bol du modérateur face à une mouche-à-marde?
Sans compter que les « opinions » véhiculées par les dretteux sont souvent teintées de xénophobie, d’homophobie, de misogynie ou que sais-je encore. Auquel cas il est du devoir du blogueur de les filtrer. Évidemment, les stats-à-Gagnon sont muettes sur cet aspect de la question.
Parlons plutôt des gouvernements, là où ça compte. Jamais le Canada n’a-t-il connu de gouvernement plus à droite que cette bande de vautours qui nous gouvernent, et parallèlement, jamais n’avons-nous pu observer autant de décisions purement idéologiques. Et jamais n’avons-nous assisté à autant de manœuvres, de la part d’un gouvernement, visant à faire taire les adversaires.
Ça, ça parle. Et la pensée unique, c’est ça.
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[1] Pour les moins bilingouales, l’histoire est résumée ICI, en français