La fin des mamours
Les Zanglas convergeaient massivement vers Montréal, à la veille du référendum, pour nous dire à quel point ils nous aimaient, nous, Québécois. Don’t leave, please stay with us! We love you all!
Il s’en est fallu de peu – quelques milliers de voix – mais collectivement, les Québécois ont répondu à l’appel des sirènes fédéralistes et tourné le dos à leur autonomie. Choix définitif? On verra.
Aujourd’hui, nous sommes à même de mesurer la sincérité de ces grands cris d’amour. Qu’on en juge par cet éditorial publié le 7 mai 2011 dans le Toronto Sun. Non signé, conformément à la pratique journalistique chez nos voisins et « amis » du Canada anglais:
That much-needed coup de gras, and it is one that has the added benefit of laying waste to any resurrection of the separatist Bloc Quebecois, will come when the Harper government cuts taxpayers’ funding to political parties by ending the $2-per-vote subsidy.
No longer can a coalition of losers threaten to bring down his government should it dare derail this money train.
Bringing this subsidy to an end will effectively leave the Liberals on a street corner selling pencils, and the Bloc with absolutely nothing but the memories of almost 20 years of stealing money from the Canadian taxpayer to bankroll their treachery.
Quelle noblesse! Cette législation, estime le Sun, vise à couronner l’empereur Stephen Premier, finalement. Une fois le Bloc et les Libéraux décapités, ne restera plus qu’à diaboliser les Socialistes du NPD et les plantes vertes d’Elizabeth May. Terminée, la loyale opposition de Sa Majesté. Place à l’Empereur Stephen. Ave, Caesar!
The sooner Harper brings an end to this subsidy, the better.
No political party, regardless of its bent, should be forced-funded by the taxpayer.
If it cannot survive on the donations of its supporters, it doesn’t deserve to exist.
Nor should it.
La fin du financement public des partis politiques? Wouah Ha Ha Ha Ha!
Les bottines suivront-elles les babines? Pas sûr! Quoiqu’en dise Stephen Harper, malgré l’abolition appréhendée de ce mode de financement public basé sur les suffrages exprimés, les Canadiens continueront de financer à leur insu les partis politiques. Les crédits d’impôts offerts aux Canadiens en contrepartie d’un don à un parti politique reconnu bénéficient surtout aux Conservateurs, et dans une moins large mesure, au PLC. Les citoyens moins fortunés, dont certains ne paient pas d’impôts, n’ont pour leur part aucun intérêt fiscal à contribuer au financement des partis politiques. Cette mesure a par contre été taillée sur mesure pour les bien nantis – une clientèle que sert bien le PCC; cette clientèle lui renvoie donc l’ascenseur, dans l’espoir que ce financement assure sa réélection… et lui garantisse le maintien de ces politiques fiscales moins favorables à la plèbe et aux morveux.
C’est ce qu’on appelle un cercle vicieux. Vicieux, au propre comme au figuré, d’ailleurs.
Tom Flanagan, un ancien conseiller de Stephen Harper, aujourd’hui professeur de sciences politiques, critique sévèrement la réforme souhaitée par l’éditorialiste du Sun:
«Les 27 millions versés aux partis [note: à raison de $1.95 par suffrage exprimé] ne pourront jamais être compensés par du financement populaire, peu importe la stratégie des partis. Il faudrait donc permettre aux gens et peut-être aux entreprises de contribuer davantage», dit Tom Flanagan.
Leur simulation montre qu’une contribution des entreprises et des individus à 5000 $ par année permettrait aux partis de toucher sept millions de dollars. On est donc encore loin des 27 millions actuels en subventions.
L’ancien député Conservateur de Charlesbourg, Daniel Petit, dénonçait lui-même le financement des partis à même les crédits d’impôts. Selon ce qu’en rapportait le Devoir, édition du 13 août 2009, ce dernier estime que les crédits d’impôt accordés aux militants-donateurs devraient être abolis.
Selon lui, les contribuables ne devraient plus être obligés de financer par la porte d’en arrière les formations politiques qu’ils n’aiment pas.
Jos Conservative fait un don de mille dollars? Ce don coûte $558 aux contribuables canadiens. Ma source ne saurait être plus fiable; c’est le PCC lui-même qui fournit la calculette des économies d’impôts réalisées aux dépens de la masse des contribuables!
Mais Stephen Harper, l’homme-qui-affirme-laver-plus-blanc-que-blanc, ne va pas se priver ainsi de cette source occulte de financement public. Il n’en aura pas le courage. Et ce, d’autant plus que de tous les partis politiques canadiens, c’est le PCC qui en est – et de loin – le plus grand bénéficiaire.
Bref, ces pubs électorales qui dénonçaient le Bloc et Gilles Duceppe, elles auront en bonne partie été financée par les impôts des électeurs bloquistes! Il faut en effet savoir – et comprendre – que l’argent dont se prive le Fédéral en accordant des crédits d’impôts aux supporteurs du PCC (ou de tout autre parti reconnu aux fins de la Loi), il le reprend de l’autre main, directement dans la poche des contribuables… dont une partie vit au Québec et vote Bloc.
On est donc loin de cette diarrhée des éditorialistes du Canada anglais qui affirment faussement que le Bloc se finance depuis près de 20 ans en volant l’argent des payeurs de taxes canadiens.
Calvaire, je suis Canadien, moi, et au cours des 20 dernières années, j’ai payé beaucoup plus d’impôts que l’Ontarien moyen ou que l’Albertain moyen. Et même si je n’ai pas contribué VOLONTAIREMENT une cenne nouère au financement d’un quelconque parti politique, je les ai tous financés indirectement. Et le PC plus que tous les autres. Même si ses politiques me font vomir.
Alors messieurs le zéditorialiste anonyme, tu peux aller te faire foutre par un grizzly de l’Alberta, avec ta basse démagogie et tes mensonges éhontés.
Cette merde que tu as publiée, c’est une autre manière de démontrer ton mépris de toute âme qui vive entre l’Outaouais et Cap-aux-Meules.
La fin du Bloc? Non. Je me souviens? J’espère…
En réponse à cet éditorial du Sun, un certain Pierre Lebel écrivait ce 8 mai:
You have just elected the most antidemocratic, chauvinistic, secretive and oblique government this country has ever had in its glorious history as a model for other peace seeking people in the world. I wish that you will, as a well read newspaper, continue to publish such edifying texts. And, please, make sure they are not signed. Then, we, Quebecers, hungry for brillant comments, are going to go on reading your paper.
Actually, by publishing such hatred, you are helping the cause of an independant Québec, free of this hatred for others that is so prevalent in Canada. We beleive in a society where arms are controlled, where women have a right to decide, where gays can live without being treated as monsters, where art is an essential part of our social tissue, where political parties should not be submitted to the pressures of big money, where daycare should be part of the education system, where health should be free and public and where debate and dissidence is open .
Je partage entièrement cette opinion. Stephen Harper pourrait bien être fossoyeur du Canada tel que nous le connaissons. Pourrait. Ça reste à voir.
Alors que la vaste majorité des commentateurs politiques du Rest of Canada se réjouissent de cette déconfiture du Bloc et de sa mort annoncée, sinon confirmée, aucun ne semble avoir remarqué que bon nombre de Québécois ont voté NPD sans pour autant renoncer à leur soif d’un pays bien à eux. L’indépendance ne se fera pas à Ottawa, mais à Québec; le Bloc, c’est un outil. Sans plus.
Aucun de ces pseudos-experts du Rest of Canada ne semble avoir remarqué, d’autre part, que sous leur livrée orangée, plusieurs des nouveaux élus du NPD demeurent foncièrement souverainistes. Ce vote massif – et cet engouement soudain pour le NPD, au Québec, ce n’est pas un NON à la souveraineté. C’est un NON à Stephen Harper. Period.
L’engouement soudain – et totalement imprévisible – des Québécois pour ces oranges ne saurait s’expliquer autrement que par un vote « stratégique ». Si ce vote avait constitué un désaveu à l’endroit du Bloc, la tendance aurait connu une courbe plus régulière. Me semble que ça prend pas la tête à Papineau pour comprendre, mais apparemment, l’autre bord de l’Outaouais, cé pô pareil!
Il est apparu à bon nombre de Québécois, en cours de campagne, que si Gilles Duceppe pouvait peut-être empêcher un gouvernement Conservateur majoritaire, Jack Layton pourrait, lui, rallier suffisamment de Libéraux et de Bloquistes pour former un nouveau gouvernement. C’est ça, le topo. As simple as that!
Mauvais calcul.
Si, au Québec, ce transfert de voix a donné les résultats escomptés, il n’aura pas suffi, en Ontario, en Colombie et dans les Maritimes. Et non seulement ce transfert de votes n’a-t-il pas suffi, mais, pire, il aura à ce point divisé le vote et affaibli les Libéraux que bon nombre de candidats conservateurs ont réussi à se faufiler.
Le Québec a déjà testé le PLC, en lui donnant 74 élus sur 75. Il a testé les Progressistes-Conservateurs de Mulroney, en faisant élire 63 Bleus en 1988. Il essaie, cette fois, le NPD. No single stone shall be left unturned, comme disent les Anglos.
Voyons si, sous cette pierre orangée se cachait un écrevisse. Et, le cas échéant, sera-t-il comestible?