Bien qu’une forte proportion des Québécois dits « de souche » aient (le plus souvent à leur insu) des ancêtres autochtones, peu d’entre eux sont sensibilisés à la réalité de leurs lointains cousins.
Combien d’entre eux peuvent comprendre à quel point les Algonquins du Québec avaient été spoliés? À la fin du documentaire « le peuple invisible », de Richard Desjardins, un vieillard résume bien l’affaire : c’est la nature qu’ils nous ont volée.
Ce film vous a émus? Et pourtant, aucun de ces visages ne vous était familier. Pour ma part, je connaissais quelques uns des êtres humains à qui ces visages appartiennent. Je connais les communautés algonquines de Winneway, Timiskaming (Notre-Dame du Nord), Pikogan, Lac Simon. Et celle de Kitcisakik, complètement isolée, sans électricité ni eau courante. Je les ai visitées. Au sein de chacune de ces communautés, je connais des enfants, des adultes. J’ai diné avec des leaders, aussi. Et nous avons parlé. D’histoire. D’identité. De culture. De dépossession. D’acculturation. Oui, ils sont parfois amers face à cette indifférence dont nous les entourons. Face à l’insouciance dont nous faisons preuve face à leur survie, trop occupés que nous sommes à nous préoccuper de notre survie.
Notre crise identitaire occulte leur crise identitaire.
Le film de Desjardins émeut. Et pourtant, tout n’a pas encore été dit. Le pire est encore à venir.
L’une des « vedettes » de ce film coup-de-poing est de Maniwaki. Il a parlé, lui, d’un mur invisible.
Il faut se promener dans les rues de Val d’Or pour le voir, ce mur. Les deux communautés, blanche et amérindienne, s’y côtoient, chez Wal-Mart, chez Zellers ou sur cette longue Main Street qu’est la 3e avenue. Mais je n’y vois (presque) jamais Blancs et Algonquins s’arrêter pour se serrer la main ou discuter. La méfiance. L’invasion, même, diront certains blancs un peu méfiants. Car ils sont plutôt visibles, les Algonquins, sur la 3e…
Est-ce ce mur invisible qui donne aux autochtones cette parlure un peu différente de la nôtre? Je pouvais flairer l’autochtone à la sonorité de sa voix. Qu’ils s’expriment en français ou en anglais, leur accent les distingue. Comme s’ils avaient vécu dans un ghetto, sans véritable contact avec les blancs. Comme si…
La DPJ en milieu autochtone: un besoin… et une menace!
Richard Desjardins n’a pas tout dit. Il n‘a pas parlé de la DPJ en milieu autochtone. Il n’a pas mentionné à quel point, à Val d’Or, les problèmes sociaux que l’on rencontre dans la communauté algonquine du Lac Simon ont pu faire littéralement EXPLOSER la liste des dossiers présentés devant la Chambre de la jeunesse. Alcoolisme, dépendance aux stupéfiants, violence chez les parents. Enfants abandonnés, mal nourris, maltraités, agressés sexuellement.
Et un taux de suicide à faire frémir, chez les ados.
Que fait-on de ces enfants? Famille d’accueil, bien sûr. Que faire d’autre, après quelques tentatives infructueuses de « reprogrammer » les parents? Les parents? Quels parents? Les cellules familiales sont polymorphes, multi-générationnelles, et souvent monoparentales. Et ces cellules sont en mutation perpétuelle, au gré de la violence des uns et de la dépendance des autres.
Familles d’accueil, donc ? Mais, le plus souvent, ces familles ne sont pas autochtones.
Ce vieillard a dit : Ils nous ont volé la nature.
La génération des jeunes parents pourra dire, elle : Ils nous ont volé nos enfants! Lire la suite