La culturâssion au Québec: un portrait saisissant

«Comment peut-on suivre l’actualité s’il nous manque autant de connaissances de base, si l’on ne sait pas, par exemple, ce qu’est une récession?» […] Se pourrait-il que la maigre culture générale des Québécois soit un terreau particulièrement fertile au discours populiste qui sévit de plus en plus? – Normand Baillargeon, professeur en sciences de l’éducation à l’Université du Québec à Montréal

Je sais, c’est mal vu dans certains milieux souverainistes de faire la promotion de la grosse-presse-épaisse-à-Desmarais, mais c’est quand même pas moi qui suis responsable de ce petit sondage CROP dont les résultats ne sont accessibles qu’aux riches proprios d’un IPad ou d’une tablette Android de fabrication récente.

Alors je m’excuse d’avoir eu accès à La Presse du Yâb , aux résultats détaillés du sondage et à ces 33 questions de culture « générale » portant sur la politique, la sociologie, la philosophie, les sports, les arts, l’histoire, la géographie, les sciences et technologie et l’économie.

Rien donc, parmi ces sujets, qui puisse aider un vieux plaideur de l’arrière-arrière-arrière pays à se mettre en valeur. Surtout que – et on m’en fait souvent reproche, la voie royale vers les facs de droit, c’est « sciences humaines avec pas de maths« … Bref, je suis fait comme un rat!

Un ignorant diplômé, c’est plus ignorant qu’un ignorant tout court – Gilles Proulx en entrevue à Infoman, émission du 6 novembre 2014

Globalement, les participants au sondage CROP-La Presse ont obtenu 42% de bonnes réponses. Même le groupe des universitaires n’obtient même pas la note de passage, avec un modeste 54%; mais, d’expliquer ce bon vieux monsieur Proulx dont on aura compris qu’il a été éduqué à une autre époque, c’est pas l’étudiant qu’il faut blâmer quand le système scolaire est si pourri qu’il produit des Yves Bolduc et leur confie la direction du Ministère!

Passer pour un ignorant avec diplômes (au pluriel…), quelle humiliation ce serait! Shit…

[JFK]: 22 novembre 1963, je me souviens

J’étais dans la cour du collège, au milieu d’un groupe de 6 ou 8 collégiens portant le veston marine de rigueur,  au revers orné de cet écusson brodé or dont je ne me suis jamais départi depuis. Forts de ce remarquable sens politique propre aux adolescents surdoués que nous étions tous, nous étions sans doute occupés à sceller entre nous le sort du monde quand la terre a tremblé de tous ses membres.

Bouboule, c’était ce prof d’anglais qui exhibait ses ventrailles exubérantes avec ostentation, sinon même avec fierté. Le lard, c’est la santé! Mais il était à ce point affable, empressé et attentionné qu’aucun d’entre nous n’aurait même songé à nous gausser de sesmasses adipeuses! André Laprade, qu’il s’appelait.

Sorti en trombe du Collège, Prof Bouboule s’était dirigé vers le groupe d’étudiants le plus rapproché. C’était nous. Court, trapu, les cheveux blond-roux lissés vers l’arrière et le visage rougi par cet effort surhumain, l’homme surgit, haletant, effondré, les yeux livides. Il cherchait ses mots:

Le président… le président… ils ont tiré sur le président, je pense qu’il est mort.

Cinquante ans  plus tard, et aussi odieuse que puisse sembler la comparaison entre ce fou furieux qu’est Rob Ford et cet estimé Bouboule, c’est l’image du maire de Toronto que Laprade évoque en moi. Physiquement, le clown en est le clone.

Il n’avait ni repris son souffle ni pris le temps d’en dire davantage que déjà il était reparti vers un autre essaim de lycéens. Certes, nous partagions cette conviction profonde que ce groupuscule de soldats du Savoir auquel nous appartenions était formé de la fine fleur de l’analyse politique; les Collèges classiques ne formaient-ils pas les élites de demain, qui devenues depuis les élites d’hier?

Aussi, et à défaut de précisions sur l’identité de ce Président qui venait d’être abattu, nous avions tout lieu de croire que c’est De Gaulle qui venait de tomber sous les balles des Pieds-Noirs.