Tirons d’abord la situation au clair: telle que constituée, la Cour Suprême du Canada a été modelée par Stephen Harper lui-même. qui y a nommés les juges Moldaver, Rothstein, Wagner, Cromwell, Karakatsnanis et Nadon; si ce dernier a été désavoué, Harper ne doit s’en prendre qu’à lui-même. Ce ne sont pas les juges qui ont écrit la Loi; Harper a cru pouvoir imposer une nomination purement idéologique et c’est par un authentique juriste de droite qu’il s’est fait rabrouer.
C’est Richard Wagner – le fils de Claude [1], qui s’est montré le plus incisif et le plus imperméable aux arguments des avocats mandatés par Stephen Harper pour défendre cette ridicule nomination de Marc Nadon. Pas ces gauchistes « libéraux » que sont Louis Lebel, Rosalie Silberman Abella ou la juge en chef Beverley McLachlin!
Le juge Morris Fish – l’un des plus grands juristes de sa génération, s’est retiré de la Cour Suprême en août 2013, à quelques mois de son 75e anniversaire. En réaction à ce départ, le ministre fédéral de la Justice de l’époque, Rob Nicholson, a anoncé le 11 juin 2013 la création d’un Comité de sélection formé de 5 députés, dont le Conservateur Jacques Gourde, la Néo-Démocrate Françoise Boivin et le Libéral Dominic Leblanc.
Quel reproche cette triple buse de Stephen Harper adresse-t-il en mai 2014 à la juge en chef Beverley McLauchlin?
Dans une rare sortie publique, la Cour suprême du Canada a confirmé jeudi que Mme McLachlin a contacté directement le ministre de la Justice, Peter MacKay, ainsi que le chef de cabinet de Stephen Harper, Ray Novak, au sujet « de l’admissibilité d’un juge d’une cour fédérale » à titre de juge québécois. – Hélène Buzzetti, Le Devoir, 2 mai 2014
On recule ici à juillet 2013. Ni Harper ni MacKay n’ont ni alors ni depuis accepté de discuter avec Madame McLachlin. Dans la soirée du 1 mai, le bureau du PM a émis le communiqué suivant, dont le journal Le Devoir a publié le texte:
Le premier ministre ou le ministre de la Justice n’appelleraient jamais un juge en exercice au sujet d’une affaire qui est portée devant son tribunal ou qui pourrait éventuellement l’être. La juge en chef a pris l’initiative de téléphoner au ministre de la Justice
Après que le ministre a reçu l’appel, il a avisé le premier ministre qu’étant donné le sujet dont la juge en chef souhaitait discuter avec lui, il semblait mal avisé et inapproprié de sa part de répondre à son appel téléphonique. Le premier ministre s’est montré d’accord…
Heu… Retournons au communiqué émis en juin 2013 par le ministre de la Justice. Et ne riez pas; c’est pas drôle!
Le mandat du comité de sélection consiste à examiner et à évaluer une liste de candidats qualifiés établie par le ministre de la Justice et procureur général du Canada en consultation avec le Premier ministre, la juge en chef du Canada, la juge en chef du Québec, le procureur général du Québec et d’autres organisations juridiques majeures, notamment le Barreau du Québec et l’Association du Barreau canadien.
« En consultation avec… la juge en chef du Canada ». Ça veut dire quoi, ça, en consultation avec? Lire la suite