« You’re with us, or the child pornographers »
Le ministre de la Sécurité publique, Vic Toews, n’en est pas à sa première tentative de diaboliser les opposants à son nouveau projet de Loi droit portant sur l’Internet: « ou bien vous vous rangez du côté du gouvernement, ou bien vous défendez les pédophiles », affirmait-il ce lundi. En novembre dernier, il accusait le Parti Libéral de favoriser les droits des pédophiles et du crime organisé aux dépens des droits des honnêtes citoyens. Il y a deux semaines, il a exhorté les Néo-Démocrates d’être à l’écoute des corps policiers et des gouvernements provinciaux, et leur demandait d’apporter plutôt leur soutien à ces mesures législatives destinées à protéger les Canadiens et leurs enfants. Le Ministre présentait ainsi son projet de Loi sur la surveillance électronique, une Loi qui obligera les fournisseurs d’accès internet et téléphonique à installer à leurs frais de coûteux équipements de surveillance et à fournir sur demande un compte-rendu des activités en ligne de leurs abonnés, et ce, sans réelle supervision judiciaire. Mais les faits ne corroborent aucune des accusations du Ministre. – Jesse Kline, The National Post, 14 février [traduction: Warren Peace, assisté de Moustache]
Quand l’ultra-conservateur National Post se range du côté des opposants à un projet de Loi du ministre de la sécurité publique du mensonge et de l’intrusion dans la vie privée, c’est qu’il y a vrrrrraiment lieu de s’opposer! On ne s’étonnera donc pas de la réaction unanime des députés de l’opposition.
Je reviendrai – dans un prochain billet – sur le caractère mensonger et démagogue du ministre et de son projet de Loi. Pour l’instant, on me permettra de gruger un autre os. Ces propos, tous les journalistes présents les ont entendus. Entendus… plus d’une fois, dans la bouche de Vic Toews, comme le démontre ci-dessus le journaliste du National Post. Et surtout, ils ont été consignés dans les registres officiels de la Chambre. Ce qui n’a pas empêché Toews de hurler qu’il avait été mal cité.
Aaron Wherry, du Macleans, rapporte cet échange surréaliste entre Vic Toews et un journaliste de la CBC qui lui remet le nez dans sa marde:
The Public Safety Minister has apparently moved past trying to parse himself to simply denying the official record. Consider this exchange from this morning’s news conference on the long gun registry.
Reporter: The other question I have is maybe I misunderstood you yesterday but I thought you said that you never said what you said in the House which is you can either stand with us or with the child pornographers. Did you actually say?
[…] Vic Toews: That’s not what I said. On CBC, you’re with CBC aren’t you?
[…] Vic Toews: They played the entire clip of what I said. It was very clear what I said. I’ve explained it on CBC a number of times.
Reporter: I’m talking about what you said in the House of Commons and I heard you say at the news conference yesterday that you didn’t say that. Did I misunderstand you?
Vic Toews: You just misquoted me again.
Oh yeah? Le journaliste vous aura mal cité, Mossieu le minisse? Eh bin non, Mossieu, on ne vous a pas mal cité. Vous êtes un lâche, et j’en veux pour preuve cet extrait vidéo et le contenu du hansard – le journal des débats à la Chambre des Communes, dont je cite l’extrait suivant: [1]
Francis Scarpaleggia, député Libéral: Mr. Speaker, the government is preparing to read Canadians’ emails and track their movements through cellphone signals, in both cases, without a warrant. How can we trust the Conservatives with such sweeping powers when they use Facebook to keep law-abiding Canadians out of a public meeting? Is this 2012 or 1984? How can we trust them not to use private information to intimidate law-abiding Canadians gathering, for example, to protest a pipeline or to protest pension cuts?
Réponse de Vic Toews: Mr. Speaker, I thank the member for the opportunity to tell him that every province unanimously supported moving forward with the legislation, legislation that was introduced first under the Liberal government, by his party. As technology evolves, many criminal activities, such as the distribution of child pornography, become much easier. We are proposing measures to bring our laws into the 21st century and to provide the police with the lawful tools that they need. He can either stand with us or with the child pornographers.
Mais le ministre s’en tient à sa dénégation et démontre ainsi toute l’étendue de sa malhonnêteté intellectuelle…
Le projet de Loi: un titre tronqué… et trompeur
- titre de la Loi: Loi édictant la Loi sur les enquêtes visant les communications électroniques criminelles et leur prévention et modifiant le Code criminel et d’autres lois
- titre abrégé: Loi sur la protection des enfants contre les cyberprédateurs.
Il n’y a rien d’inhabituel à abréger le titre d’une Loi pour en faciliter la référence devant les Tribunaux. Tout comme il n’est pas inhabituel de référer à une institution par un nom plus court que son nom légal. Quelqu’un sait-il qu’est-ce, au juste, que the Royal Institution for the advancement of Learning? Suffit de cliquer dessus pour lui découvrir un nom plus familier.
Le problème, ici, c’est que la Loi n’est pas destinée principalement à contrer le cyberhameçonnage des enfants sur Internet; elle vise surtout des objectifs moins « vendeurs« . Les expressions « cyberprédateurs » et « internet predators » n’apparaissent d’ailleurs que deux fois dans la Loi… dont une fois dans dans le titre abrégé. Étrangement, on y traite bien davantage de concurrence (19 occurences; l’équivalent anglais competition est cité 18 fois). Le nom du Service Canadien du renseignement de sécurité (SCRS) est cité 22 fois; le Canadian Security Intelligence Service, lui, y est nommé 24 fois.
Et ce kâlisse de Vic Toews tente de faire passer les opposants à cette Loi pour d’ignobles défenseurs des cyberprédateurs qui s’en prennent aux enfants des honnêtes gens!!! Que je sache, la Loi sur la concurrence n’a rien à voir avec le cyber broute-minou. Pas plus, d’ailleurs, que le SCRS!
Voilà en quoi Vic Toews fait preuve d’une démagogie qui sent les oeufs pourris.
Surtout que qualifier les opposants d’alliés des cyberprédateurs, ça fait plutôt glamour, et ça peut rapporter gros, d’un strict point de vue électoral. Voilà qui fait de la démarche un procédé tout à fait abject.
Le procédé est tout simplement abject.
Vivement 2015!
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[1] Transparence totale: le site dont j’ai fourni la référence est un « miroir » du véritable journal des débats, qu’on trouvera plutôt ici: http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=5380035&Language=E&Mode=1&Parl=41&Ses=1#Int-6591127 Le problème avec ce site, toutefois, c’est qu’il ne permet pas de repérer facilement la citation. J’ai néanmoins vérifié, et les deux textes concordent parfaitement. Vic Toews est donc bel et bien un lâche!