Pendant que les esprits obtus s’évertuent à dénoncer l’usage ABUSIF du mot grève pour qualifier l’action concertée des étudiants, madame la ministre Line-la-pas-fine cherche à les diviser. La tactique n’est pas nouvelle…
Gab-Laden, porte-parole de la C.L.A.S.S.É, refuse lui-même d’obtempérer à l’ultimatum de Line-la-pas-fine. Le jeune homme, qui aura 22 ans le 31 mai, est perçu comme un « révolutionnaire en culottes courtes par ce vieux-sage-la-couche-aux-fesses qu’est Jean-Luc Proulx – lui-même âgé de 23 ans. Quatre vingt quatre minutes avant de lui-même proférer des menaces de mort ce 13 avril, Proulx écrivait pourtant :
… en menaçant de mort la ministre de l’Éducation Line Beauchamp et le ministre de la Justice Jean-Marc Fournier, ces gens, et, particulièrement, la C.L.A.S.S.É, ont perdu le peu de crédibilité qui pouvait bien leur rester!!!
Au risque de heurter la sensibilité de mes amis de la gauche, je considère plutôt puéril l’entêtement de Gabriel Nadeau-Dubois à refuser de blâmer les casseurs. S’en dissocier, ce serait largement suffisant à mes yeux. Ça ne l’est pas aux yeux de Line-la-pas-fine…
Sur le fonds, Ben-Laden a toutefois entièreent raison: qu’il acquiesce ou non à cette demande ridicule, la portée n’en peut être que purement symbolique. Et puisqu’il n’est que porte-parole sans le moindre mandat de dénoncer la violence des casseurs, il ne saurait le faire qu’en son nom personnel, ce qui, en soit, ne justifie pas l’acharnement plus puéril encore de Madame la ministre.
Comme le souligne avec justesse Michèle Ouimet, de La Presse, la C.L.A.S.S.É « carbure à la démocratie directe et qui ne décide rien sans obtenir un mandat de son congrès. Une structure lourde, bureaucratique, aberrante en temps de crise ».
S’il devait accepter de porter une telle condamnation, il n’engagerait donc que lui-même. Pourquoi, alors, tout ce boucan? Et en quoi l’opinion personnelle d’UN étudiant bien ciblé est-elle si importante, alors que c’est le sort de dizaines de milliers d’étudiants qui est en jeu? D’un autre côté, où est le problème? Tout le monde n’est-il pas – en principe – du côté de la vertu, et contre le vice? S’afficher comme tel, ça ne me semblerait pas très compromettant, après tout!
De toute évidence, Madame Line-la-pas-finepense davantage à ses intérêts personnels qu’à l’intérêt de la collectivité ou encore celui de l’ensemble des étudiants qui refusent de réintégrer leurs salles de cours. Ce conflit a assez duré; il doit être réglé et tous les intéressés doivent y mettre de la bonne volonté.
Je cède de nouveau mon clavier à Michèle Ouimet, remarquable de lucidité:
La ministre de l’Éducation, Line Beauchamp, n’aime pas Gabriel Nadeau-Dubois. Elle a clairement exprimé son antipathie lors de son passage à l’émission Tout le monde en parle du 18 mars. Je la cite: «Il (Gabriel Nadeau-Dubois) s’est présenté un jour avec un groupe de 40 étudiants dans mon bureau de circonscription. Ils sont entrés de force, bousculant mon personnel. Moi, j’ai un peu de misère. C’est personnel. Je suis censée effacer ça? Et je vais m’asseoir autour d’une table quand on a forcé ma porte? (…) Ma réceptionniste a eu les lunettes cassées.»
Gabriel Nadeau-Dubois ne nie pas. «C’était en septembre 2010, m’a-t-il précisé hier. On a occupé pacifiquement son bureau. Les lunettes brisées? C’était un accident. On s’était excusé à l’époque. Je m’excuse de nouveau.»
Cette attitude revancharde est indigne d’un ministre.
Si Line Beauchamp ne peut supporter la chaleur que dégagent les fourneaux, que la toquée abandonne sa toque et quitte les cuisines. I said.
Je résume.
Nadeau-Dubois devrait avoir l’intelligence d’obtempérer, lui dont le refus compromet l’année scolaire de dizaines de milliers d’étudiants… et leur emploi d’été. Tout ce que veut la Beauchamp, après tout (en l’absence de mandat!), c’est son opinion personnelle, par laquelle il n’engagerait que lui-même.
Mais surtout, Line Beauchamp n’a pas le droit de jouer non seulement l’année scolaire des étudiants, mais aussi les sommes considérables que coûte ce conflit. Et, plus important encore, ce refus de discuter avec l’étudiant Nadeau-Dubois (au motif qu’il n’est pas prêt à s’agenouiller devant elle) fait de Line Beauchamp une irresponsable.
Je lui prédis par ailleurs, au petit, une carrière sur les bancs de l’Assemblée Nationale. Mais je doute que ce soit sous les couleurs du PLQ…
Une injonction ultra petita à Sherbrooke?
Même pour un juge il y a des règles à suivre. En particulier, il n’a pas le droit d’adjuger ultra petita.
En français de les jours, je traduirais par: il n’a pas le droit d’accorder plus que ce qui lui est demandé dans le cadre des procédures écrites. Cette règle a pour but de délimiter le périmètre de la patinoire, si je puis dire, et à assurer l’équité procédurale.
Bref, la partie qui se défend à une demande présentée contre elle doit toujours savoir à quoi elle s’expose. Et une partie qui n’a pas été interpellée doit savoir que le juge ne lui imposera aucune obligation dans son dos, sans qu’il n’ait eu l’occasion de se défendre et d’en débattre.
Or contre toute attente, il semble– je répète, il semble, à la lecture des manchettes, que le juge Gaétan Dumas ait rendu ce mercredi une injonction qui excède la demande des onze étudiants de la FLESH (Faculté des Lettres et Sciences humaines) qui avaient présenté la demande en injonction. Si tel était le cas, il s’agirait d’une grave erreur de droit… mais le jugement étant valide pour 10 jours, il n’est pas susceptible d’être porté en appel. De toutes façons, le temps de plaider devant la Cour d’appel, le jugement de la Cour supérieure serait déjà périmé…
Mercredi, un juge a accordé une injonction aux étudiants de la Faculté des lettres et sciences humaines qui demandaient de pouvoir assister à leurs cours librement. Mais, étonnamment, il a décidé d’élargir cette directive à l’ensemble du campus. – TVA Nouvelles, 18 avril 2012
René-Charles Quirion, de La Tribune, écrit sensiblement la même chose:
[Les étudiants de la FLESH] plaident notamment l’urgence de la situation étant donné que la session se termine le 27 avril et que des stages, des emplois d’été, la diplomation de certains, les cours préalables ou des sessions à l’étranger sont compromises.
Le juge leur donne raison et accorde l’ordonnance à l’ensembles des étudiants de l’université de Sherbrooke.
Un tel jugement pourrait également avoir été fait en contravention de cette autre règle de base: audi alteram partem. Dans la mesure, toutefois, où les étudiants des autres facultés seraient membres d’une autre association que celle qui représente les étudiants de la FLESH. Et cela, je l’ignore…