Tout aura débuté comme un conte de fée.
À quelques semaines de Noël, Margaret Loughrey est sans travail et vit modestement de sa maigre pitance – une prestation hebdomadaire de 58£ (105$); dans l’espoir improbable d’un Noël plus douillet, cette résidente de Strabane, en Irlande du Nord, tente sa chance au tirage de l’EuroMillions. Sur un coup de tête. Au retour d’un rendez-vous au centre local d’aide à l’emploi, mentionnait Le Figaro.
Le lendemain, la voilà plus riche de £27m – 49,6M de dollars!
“Got up on Wednesday morning, checked the ticket, just had a notion, checked the ticket and that was it — five numbers, two stars, happy days,” she said.
“It’s in my name at the minute, it’s £27m, it’s not going to be mine, it’s going to be spread around.” – The Belfast Telegraph, 3 décembre 2013
« It’s gonna be spread around« … Soit, mais encore?
Le conte de fée a viré au cauchemar quand la famille Loughrey a découvert avec effroi que cette cinglée avait entrepris de mettre sa fortune au service de la collectivité:
… elle a expliqué dans les jours suivants qu’elle en ferait profiter sa famille, soit sa mère, sa sœur et ses quatre frères.
Cependant, elle a finalement plutôt choisi d’en faire profiter sa collectivité, achetant au prix d’environ 1,8 million $ une ancienne filature de lin pour en faire un lieu de tourisme et de commerce. «Dès que j’ai eu l’argent, je me suis dit que ça irait au bien-être de la collectivité», a-t-elle dit. – Agence QMI – Le Journal, 6 août
Le conte de fée a viré au cauchemar quand la famille de Margaret Loughrey a découvert avec effroi que cette cinglée avait entrepris de tirer le tapis de sous leurs pieds sales.
« C’est pour ton bien… pis on va l’avoir, foi de Loughrey! »
Invoquant des inquiétudes pour son bien-être, sa famille a demandé l’internement de la femme dans un hôpital psychiatrique et son évaluation, mais l’avocat de Mme Loughrey l’a fait libérer après trois semaines.- Agence QMI – Le Journal, 6 août
Hercule Poirot a voulu en savoir davantage, aussi a-t-il parcouru les pages des feuilles de chou locales et enfourché son vélocipède pour sillonner les routes de l’Irlande des Anglais (celle du Nord), à la recherche de témoins et de délateurs prêts à délier leur langue de vipère.
Loughrey confirme que la précarité de sa propre situation financière antérieure a largement influencé sa décision de redonner au suivant 48 des 49,6M de dollars que lui ont valu le billet gagnant. Elle entend consacrer cette somme à la relance économique de sa région, et à y développer le tourisme et l’entrepreneuriat par des projets structurants.
« La région de Strabane regorge de talent. Il suffit simplement de donner aux gens l’opportunité de mettre leurs capacités en valeur. Tout le monde a droit à un emploi qui leur permettra de vivre, d’apporter leur soutien à leur famille , d’habiter leur propre maison et de gérer leur propre entreprise » […]
«Je sais ce que c’est que de vivre d’expédients», dit-elle. « C’est pourquoi j’entends redistribuer cette somme. Le confort et le luxe ne me manqueront pas puisque je n’en ai jamais eu ». – Maureen Coleman, Irish Independant, 4 août 2014
Au moment de sa libération de l’aile psychiatrique du Waterside Hospital de Londonderry, en mars 2014, la dame Loughrey s’est dite profondément blessée et affligée; elle a d’ailleurs contacté de sa propre initiative le journal The Strabane Chronicle, afin de faire taire les rumeurs sur son état mental, et elle nie toute possibilité qu’elle pourrait constituer un danger pour elle-même et pour ses proches. « Je vais bien », jure-t-elle. – Ulster Herald, 8 avril 2014 [contenu résumé]
N’eut d’ailleurs été de l’appel logé en son nom par le cabinet Quigley, Grant and Kyle, elle aurait pu être confinée pour une durée de six semaines. Une lettre adressée à Madame Loughrey par l’Agence Régionale de la Santé de l’Ouest, de rappeler le Ulster Herald.
Hercule Poirot poursuit l’enquête au Québec…
… où il interroge un certain Benzoide:
Évaluation psychologique demandé par sa famille…! ils vont la mettre en dedans et se pavaner dans le luxe et la démesure sans aucun scrupule! L’argent est un danger pour plusieurs personnes.
La Loi sur la protection du malade mental du Québec prévoit, notamment:
7. Tout médecin exerçant auprès d’un tel établissement peut, malgré l’absence de consentement, sans autorisation du tribunal et sans qu’un examen psychiatrique ait été effectué, mettre une personne sous garde préventive dans une installation maintenue par cet établissement pendant au plus soixante-douze heures, s’il est d’avis que l’état mental de cette personne présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui.
[…] À l’expiration de la période de 72 heures, la personne doit être libérée, à moins qu’un tribunal n’ait ordonné que la garde soit prolongée afin de lui faire subir une évaluation psychiatrique.
10. Lorsque le tribunal a fixé la durée d’une garde à plus de 21 jours, la personne sous garde doit être soumise à des examens périodiques, destinés à vérifier si la garde est toujours nécessaire
Ces dispositions viennent préciser les articles 26 et suivants du
Code civil.
Pourquoi ces lois socialistes et liberticides?
Et de un, le commun des mortels n’a jamais été confronté à un dividu dont l’état mental met sa propre vie et celle de ses voisins en danger. Comme, par exemple, cette femme d’environ 60 ans que j’eus autrefois comme cliente sous mandat d’aide juridique. Elle avait mis le feu à son appartement à plusieurs reprises.
La pauvre pas-fine mettait dans un même bol TOUS ses médicaments de la semaine pour le coeur, la pression artérielle, le cholestérol, le diabète et que sais-je encore. Au total, c’était au moins 15 comprimés par jour. La procédure lui paraissait tellement simple, pourtant: pas de malaise, pas de pilule! Ou, son corollaire: au moindre inconfort, elle pigeait à pleine main dans le bol et il pouvait lui arriver d’abaisser son taux de glycémie ou encore sa pression artérielle à des niveaux susceptibles de la plonger dans le coma.
Tu pars le rond du poêle, tu mets de l’huile végétale dans le chaudron, tu piges dans le bol de pilules… C’est pour des individus comme cette cliente que la Loi permet l’internement à des fins d’examen psychiatrique…
Et de deux, Poirot a découvert que dans les premières décennies du siècle précédent. des familles Québécoises ont pu mettre à l’écart un parent encombrant, en le faisant passer pour fol-dingue. Et à St-Jean-de-Dieu, on procédait à la lobotomie. Bingo! Il ne parlera plus. Il ne pourra pas chialer sur son triste sort et… à nous la fortune du vieux crisse!
Les cousins du Québec
Il s’en trouve quelques-uns, plus ou moins honorables, plus ou moins médaillés. Des Lough et des Laugh… Des Rey et des Rea. L’un d’iceux possède sept Bibles et il aura été à l’emploi du Jewish General Hospital jusqu’à ce dernier mois de juin…
Les cousins se sont-ils rangés du côté de la socialiste, ou du côté de tous ces membres de la famille qui voulaient son bien?
À la demande expresse de madame Agatha Christie, Poirot n’a pas poussé son enquête jusque là.
Votre bien sincère,
Hercule P., détective émérite