Départ d’un homme, émergence des femmes
« L’entrée des femmes dans la politique, même par le seul suffrage, serait pour notre province un malheur. Rien ne le justifie, ni le droit naturel, ni l’intérêt social; les autorités romaines approuvent nos vues qui sont celles de tout notre épiscopat. » – le Cardinal Louis-Nazaire Bégin (1840-1925)
« …les Canadiennes françaises risquent de devenir des « femmes publiques », « de véritables femmes-hommes, des hybrides qui détruiraient la femme-mère et la femme-femme » – Henri Bourassa, fondateur du journal Le Devoir) (1868-1952)
Les femmes-hommes auxquelles référait Henri Bourassa ont fini par triompher: le 25 avril 1940, sous le gouvernement d’Adélard Godbout, elles ont acquis le droit de participer au processus démocratique. Et il aura fallu attendre 72 ans de plus avant qu’elles se faufilent jusqu’à la tête du gouvernement québécois. Ouf!
Avec humilité et enthousiasme… Après une si longue atteinte, oui, l’enthousiasme est de mise. Mais en même temps, l’humilité est nécessaire, après une victoire aussi courte. Surtout que le mandat de Pauline Marois pourrait bien prendre fin rapidement… à moins que le PLQ ne soit à ce point éclaboussé par la Commission Charbonneau que son prochain chef ne réussira pas à remonter le courant.
Coups de coeur… et coups de balai
Je me dois de saluer la noblesse du discours de Françoise David, de François Legault, de Jean Charest et de Pauline Marois. Cette dernière a livré un discours de chef de gouvernement. Un discours qui se voulait rassembleur mais qui n’aura pas convaincu Richard Henry Bain.
Cette générosité partagée contraste avec la mesquinerie des huées qu’on aura entendues dans l’entourage de Nicolas Girard, quand sa défaite a été confirmée. Elle contraste également avec les huées entendues au Métropolis quand Pauline Marois a cherché à faire un ultime éloge de son vis-à-vis Jean Charest.
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Le maire Là Là n’aura pas besoin de se tordre la langue dans tous les sens: la femme arabe-avec-un-nom-pas-prononçable a finalement été battue à Trois-Rivières. Ce dont j’me désole.
Je ne partage pas l’idéologie islamophobe de Djémila Benhabib, et pour ce motif, j’aurais préféré qu’elle ne se porte pas candidate. Mais voilà, elle a choisi de transporter son combat sur la scène politique, et là, Là Là Tremblay s’est déchaîné: c’est quand même pas une maudite importée islamiste qui va m’imposer sa religion et m’empêcher de pratiquer la mienne pendant les séances d’un Conseil municipal, bout d’ciarge!
Si je me désole de sa défaite, c’est parce que cette défaite avait été souhaitée par un fondamentaliste chrétien, et que ni le Ministre Serge Simard ni Jean Charest n’avaient eu le courage de rappeler Là Là à l’ordre.
Honte à cette Djémila qui aura sans doute jeté un mauvais sort à Jean Charest, dont je me dois de souligner la résilience, la fougue et son caractère de bête politique.Un extraordinaire debater. S’il s’est retiré avec élégance, l’Histoire (lire: la Commission Charbonneau) lui interdira peut-être d’atterrir sous un autre chapiteau. Mais il est encore jeune; je crains donc qu’il ne soit déjà à la recherche d’un nouveau trempoline qui lui permettrait de rebondir!
Je me désole de la défaite de cet excellent député qu’était Nicolas Girard; il aurait mérité un meilleur sort. Mais en même temps, je me réjouis de ce triomphe que Françoise David aura amplement mérité. Peut-être un vent de fraîcheur soufflera-t-il sur l’Assemblée Nationale, en lieu et place de ces tourbillons de trop larges égos auxquels les débats partisans donnent trop souvent lieu?
Je me réjouis de l’élection du Dr Réjean Hébert; ancien doyen de la fac de médecine de l’Université de Sherbrooke, ce théoricien de la santé saura, je l’espère, insuffler au ministère de la Santé et des services sociaux une direction plus inspirée. Yves Bolduc – qui a pratiqué la médecine à Rouyn-Noranda pendant 6 ou 7 ans – ne sera pas difficile à battre; Bolduc n’avait ni l’envergure ni la vision qui me semblent nécessaire à l’exercice du rôle de ministre.
Je n’apprécie ni le bullying ni les idées de Gaétan Barrette. Sa désignation à titre de ministre de la Santé – eut-elle été rendue possible – aurait constitué un véritable désastre; le bonhomme a toujours lutté pour la Fédération des médecins spécialistes, et maintenant qu’il a été défait dans Terrebonne, il compte en reprendre la direction. Difficile, dans les circonstances, de croire qu’il n’avait pas les mains attachées!
Après avoir qualifié ses vis-à-vis Réjean Hébert et Yves Bolduc de « niaiseux » pendant la campagne électorale, Barrette en fera-t-il payer le prix aux membres de sa Fédération quand viendra le temps pour le Dr Hébert de prendre des décisions à titre de Ministre ?
Barrette était venu en Sauveur; il quitte en sauvage, sans avoir rejoint le reste de sa gang après sa défaite. Un homme d’équipe? On me permettra d’en douter!
Officiellement, Gaétan Barrette souffrait d’une extinction de voix. C’est fort possible après une campagne électorale intense qui a éteint plus d’une corde vocale parmi les différents candidats. Toutefois, le message qu’il a très vite lâché sur son compte twitter, assez ambigu, pouvait être interprété comme un signe d’amertume. « Voilà! Merci à tous! Pour la twittosphère: the president has left the building… et ne reviendra pas », a-t-il écrit quelques minutes après avoir eu la certitude de sa défaite. Est-ce là une manière d’annoncer la fin précoce de sa carrière politique ? – Journal Le Trait d’Union, 5 septembre 2012
François Rebello? Battu, et je ne vais pas verser une larme sur son triste sort. Ni la CAQ, d’ailleurs! C’est l’annonce de son passage du PQ à la CAQ qui avait plombé la perception de la patente-à-Legault dans l’opinion publique; depuis, Legault l’a caché sous le tapis avant de lancer son credo fédéraliste, aussi ambigu soit-il. Dommage, quand même, ce parcours: Rebello demeure un homme d’idées, mais pourquoi ce souverainiste convaincu a-t-il répondu au chant des sirènes CAQuistes? Il a quitté un PQ au bord de l’implosion; mais s’il y était demeuré, il serait aujourd’hui ministre en devenir. Et il s’est trompé de circonscription: dans son ancien comté, c’est le CAQuiste qui l’a emporté. Hoooon…
Je me réjouis pour Daniel Breton, qui s’est pointé au PQ après quelques étranges détours. M’enfin… Dommage, toutefois, pour Manon Massé, de QS.
Je me désole de la défaite de plusieurs femmes de grande valeur que François Legault n’a pas su mettre en évidence comme il l’avait fait à l’égard de Gaétan Barrette et de Jacques Duchesneau. Dominique Anglade est de celles-là. Mais je me réjouis en même temps de l’élection d’un adversaire Libéral de grande valeur, l’ancien bâtonnier Gilles Ouimet. Maud Cohen appartient elle aussi à cette catégorie de femmes que Legault a trahies par son refus de mettre leur talent en valeur.
Mais en lieu et place, les Lavalois auront droit à Léo-Bureau Blouin. Quelle formidable bête politique que ce futur avocat! Je ne me souviens pas d’un jeune candidat dont la présence aura signifié autant dans une campagne électorale: Pauline Marois l’a promené partout.
Opportuniste, le petit Léo? Sans doute. Mais c’est un leader naturel, et il sait séduire.