
Ça, c’est la façade du Supermarché Maxi, à l’entrée Sud-Est de Rouyn-Noranda. La photo aurait pu être prise n’importe quand entre le 16 août 2012 et le 17 août 2013 – si on fait abstraction des longs mois d’hiver. Un an. C’est vraiment un maxi lock-out, dont rien n’indique qu’il va bientôt prendre fin.
Au cours de l’été 2004, Loblaw’s et la ville de Rouyn-Noranda ont entrepris un bras-de-fer qui s’annonçait aussi long que coûteux pour les payeurs de taxes; légalement, Loblaw’s disposait de droits acquis – acquis, par ailleurs, à l’arraché! – et la Ville était échec et mat. Sauf que le maire était une tête de cochon!
En 2013, le Maxi a bien été ouvert là où la famille Weston projetait de l’installer, mais les employés sont en lock-out depuis 366 jours et pas sûr, moi, qu’il va rouvrir un jour! Un an de lock-out, ça se souligne. On est habitués, chez nous, à des conflits de travail qui n’en finissent plus de finir. Domtar avait laissé pourrir un conflit de travail pendant 3 ans à Lebel-sur-Quevillon avant de fermer l’usine. En raison d’un conflit de travail, le service de l’information de RNC Média (ci-devant Radio-Nord Communications) avait été laissé sans voix du 25 octobre 2002 au 20 juillet 2004, 20 mois pendant lesquels la population a été privée de sa principale source d’information régionale [1].
Cette grande surface est mal située, perdue au milieu de nulle part. Ses voisins? Un salon de quilles, une entreprise de fabrication/distribution de pompes industrielles, et une longue enfilade de concessionnaires automobiles! Peut-être cela explique-t-il que le Maxi n’ait jamais pu décoller et se faire une niche? Loblaw’s me semble manger ses bas avec ce qui ressemblait depuis le début à éléphant blanc; le conflit de travail pourrait donc servir de prétexte à une fermeture ou, à tout le moins, constituer l’accélérant qui aura allumé l’incendie.
Un brin d’histoire
Les élus municipaux disposent des pouvoirs de réglementation nécessaire pour orienter, accélérer ou même freiner l’établissement des grandes surfaces – notamment. Le zonage et les plans d’urbanisme, c’est fait pour ça. Mais le processus est relativement lourd.
Le simple fait de donner avis de leur intention d’interdire ou de restreindre certains usages permet de « geler » les demandes de permis; c’est ce qu’on appelle l’avis de motion.
Le maire de l’époque – et les membres de son Conseil – s’étaient pognés le beigne pendant des mois, eux qui pourtant avaient été informés que Loblaw’s projetait d’implanter un supermarché Maxi dans les limites de la ville. Se pogner le beigne, c’est, bien sûr, un peu lapidaire comme jugement; Rouyn-Noranda venait d’avaler 13 municipalités à prédominance rurale et l’administration en avait plein les bras avec l’intégration du personnel, la conciliation des fichiers et des protocoles informatiques et la gestion de la différence culturelle.
L’administration municipale avait toutes les raisons du monde de faire obstacle à l’arrivée de Maxi. J’y reviendrai.
Pour ma part, j’aurais préféré que Maxi n’ouvre jamais ses portes; chez nous, plus Métro accaparait de part de marchés aux dépens de Loblaw’s (présent) et de Sobeys (alors absent), et meilleurs étaient les débouchés pour les producteurs locaux et régionaux [2]. Métro gérait ses approvisionnements depuis son immense entrepôt de Rouyn-Noranda, alors que le groupe Loblaw’s les gérait depuis Montréal. Pour un producteur agricole établi en région, ça représente toute une différence!
Un brin de droit
Mais voilà, j’en connaissais aussi un brin en droit municipal. Assez, en tout cas, pour savoir que malgré l’avis formel qui leur en avait été donné, la négligence de donner avis de motion AVANT que Loblaw’s ne devienne propriétaire enregistré du périmètre qu’elle convoitait avait eu pour effet de lui conférer un droit acquis à la construction et à l’ouverture d’un supermarché. Les élus se sont fait prendre de vitesse. Quand j’en aurai le temps, j’écrirai sur crise aiguë de procrastination!
Quelqu’un, quelque part, n’a pas su faire son job; quelqu’un a représenté aux élus que l’avis de motion n’était pas à ce point urgent que l’on doive en faire le dépôt avant même de connaître le contenu précis du règlement à venir.
Mais voilà: les notaires qui avaient reçu de Loblaw’s le mandat d’accélérer la transaction et son enregistrement au Bureau de la publicité des droits ont devancé la Ville de quelques heures. Loblaw’s a donc lancé le projet de construction en grandes pompes, et les élus ont voté à 8 contre 7 (le maire avait dû voter pour rompre l’égalité) pour BLOQUER le projet.
J’étais payeur de taxes. Et sans tenir compte des dommages que ne manquerait pas de réclamer Loblaw’s pour tout retard lui résultant de ces procédures en injonction pour lui interdire de débuter les travaux, j’avais évalué à plusieurs centaines de milliers de dollars les frais du débat judiciaire – que je savais perdu d’avance. Lire la suite