
LA PLAINTE
M. Karl Blackburn, directeur général du Parti libéral du Québec (PLQ), soutient que l’ex- journaliste et analyste politique de Radio-Canada, M. Pierre Duchesne, a exercé sesfonctions alors qu’il discutait avec le Parti québécois (PQ) dans le but de se portercandidat pour ce parti lors d’éventuelles élections générales au Québec. M. Blackburnconsidère qu’il se plaçait ainsi en situation de conflit d’intérêts grave.
[…] Le 30 juin, le journaliste du quotidien La Presse, M. Denis Lessard, écrivait queM. Duchesne se porterait candidat pour le PQ dans le comté de Borduas. Il ajoutaitqu’une source, qu’il n’identifiait pas, lui avait confié que le PQ réservait, dès le mois demars 2012 (« il y a trois mois»), le comté de Borduas « à un candidat vedette de Radio-Canada »
Le 3 juillet, le journaliste de La Presse Canadienne, M. Martin Ouellet, écrivait qu’unesource sûre au sein du PQ lui avait affirmé « que des discussions avaient été entaméesavec M. Duchesne en début d’année ».
[…] À l’appui de sa démonstration, M. Blackburn cite également le chroniqueur du Journal de Montréal, M. Richard Martineau, qui écrivait sur son blogue :« C’est confirmé : l’ex-journaliste de Radio-Canada Pierre Duchesne fera bel et bien le saut au PQ. Pas étonnant : sa couverture de la crise étudiante semblait avoir été écrite par l’attaché de presse dePauline Marois. »
Commentaire de l’auteur: Pas étonnant, ce commentaire de Martineau, dont les préjugés crasseux transpirent de sa prose… Surtout que c’est un concurrent direct de Radio-Can qui lui offre ce lutrin dont il a souvent tendance à abuser
Les motifs de la décision
Pour être bien clair, et au risque d’être redondant, il y a conflit d’intérêts lorsque les faitspermettent d’établir qu’une personne pourrait, même si elle ne le fait pas, défendre oufavoriser des intérêts qui sont en contradiction avec les objectifs de sa charge ou lesintérêts de son employeur.
La question clé est donc de savoir si le journaliste Pierre Duchesne était en conflitd’intérêts, potentiel ou réel. Pour y répondre, il faut déterminer non seulement s’il a eu des discussions avec le PQ en vue de son éventuelle candidature alors qu’il travaillaitencore pour Radio-Canada, mais s’il a accepté lors de ces discussions de se portercandidat et donc d’adhérer aux intérêts du PQ.
Se basant surtout sur deux articles de journaux qui citent des sources non identifiées, le plaignant prétend que M. Duchesne était effectivement en conflit d’intérêts. Le principalintéressé et les autorités du PQ affirment que les discussions entre eux ont étéentreprises après la démission de M. Duchesne de Radio-Canada.
[…] la source citée par M. Denis Lessard du quotidien La Presse, dans son article du 30 juin, ne nomme jamais spécifiquement M. Pierre Duchesne.
[…] Je ne vois donc pas comment, sur la foi de ces seuls éléments, je pourrais conclure quele journaliste Pierre Duchesne s’était placé en situation de conflit d’intérêts alors qu’iltravaillait encore pour Radio-Canada.
[…] Des opinions, si tranchées et légitimes soient-elles, demeurent des opinions si elles ne sont pas étayées par des faits.
[…] Dans sa plainte, M. Blackburn écrit aussi qu’un autre journaliste, qu’il n’identifie pas, aconfié au PLQ qu’il savait « depuis longtemps » que M. Duchesne serait candidat pourle PQ. Ce journaliste, ajoute-t-il, n’a pas diffusé cette information « par respect » pourM. Duchesne. Ici encore, je ne suis pas en mesure de vérifier l’identité du journaliste en question, ni l’existence ou la qualité de sa ou de ses sources, ni la nature ou la substance des confidences qui lui auraient été faites. Quoi qu’il en soit, ce « ouï-dire »ne peut aucunement constituer une preuve.
Des rumeurs ne sont pas des faits, et elles sont faciles à lancer. S’il fallait conclure au conflit d’intérêts chaque fois qu’une rumeur circule sur un politicien ou sur un journalistepolitique, il n’y aurait plus beaucoup de politiciens dans les parlements ni beaucoup de journalistes pour couvrir la politique.
[…] En fait, M. Duchesne n’a pas fait l’objet de plus de plaintes que d’autres journalistes vedettes de Radio-Canada.
Commentaire de l’auteur: une plainte, c’est pas une condamnation, et une plainte non retenue, ça n’est que du vent. De 2005 à 2012, rappelle l’ombudsman Pierre Tourangeau, 17 plaintes ont été portées, dont une seule avait cheminé jusqu’au bureau de l’ombudsman. Or toutes ces plaintes ont été rejetées.
[…] Plusieurs auditeurs ont vu dans l’entrée de Pierre Duchesne en politique la preuve de la partialité qu’ils croyaient ou disaient avoir constatée dans son travail, ou même dont ilss’étaient déjà plaints. Comme je viens de l’expliquer, l’un n’est pas nécessairement laconséquence de l’autre. On ne peut juger ses reportages partiaux a posteriori du simple fait qu’on sait maintenant qu’il éprouvait sans doute de la sympathie pour le PQ au moment où il les a faits.
[…] je constate que les éléments de ce dossier qui ont été rendus publics, qui m’ont été présentés, ou dont j’ai moi-même pris connaissance, ne sont pas probants.
Rien ne me permet de conclure que M. Pierre Duchesne s’était placé en situation deconflit d’intérêts lorsqu’il travaillait encore pour Radio-Canada, ni qu’il a autrementenfreint ses Normes et pratiques journalistiques.
Sauf indication contraire, le texte qui précède est tiré du texte intégral de la décision rendue le 23 juillet par M. Pierre Tourangeau, l’ombudsman des services français de Radio-Canada.