Non seulement Vic Toews ne connait-il pas le contenu des projets de loi dont il est le parrain – on se souviendra qu’il n’avait jamais lu C-30 avant d’accuser l’opposition de vouloir protéger les pédophiles – , mais quand les jurisconsultes et autres experts de son propre ministère lui adressent une sévère mise en garde, il leur préfère l’opinion de Madame Minou.
Un document d’information confidentiel destiné au cabinet Harper avertit que le Canada contreviendrait aux traités internationaux qu’il a signés en mettant fin à son registre.
«En l’absence d’un enregistrement universel, le Canada serait tenu d’adopter une solution de rechange pour la tenue de registres», peut-on lire dans la note classée secrète obtenue par La Presse Canadienne en vertu de la Loi sur l’accès à l’information.
Le gouvernement fédéral a malgré cet avis gardé le cap avec sa loi abolissant le registre des armes longues, C-19 ayant obtenu la sanction royale de 5 avril dernier.
[…] «Le fait que le gouvernement a choisi d’aller de l’avant malgré tout m’indique qu’il est plus important pour lui de plaire au lobby des armes que de respecter ses engagements internationaux», a déploré [Kenneth Epps,] chercheur de l’organisme Project Ploughshares. – Fannie Olivier, The Canadian Press, 8 juillet 2012 (dans La Presse)
Encore une fois, ce gouvernement de marionnettes aura sacrifié la réputation internationale du Canada sur l’autel des promesses électorales et de la pure démagogie. Encore une fois, ce gouvernement aura commis une ânerie au nom de la partisanerie.
Et encore une fois, le Canada de Stephen Harper se sera comporté sur la scène internationale comme le plus abject des États voyoux.
Et cette réputation de chat de ruelle et de bully ferait du Canada un partenaire commercial plus glamour?
Cette réputation a un prix; aussi longtemps que le Canada leur livrera de l’Or noir – quitte à sacrifier un territoire grand comme la Grande-Bretagne – les clients feront la file. Mais quand il sera question de produits plus concurrentiels, on risque de voir le Canada mis au ban. Boycott Canada? C’est pas moi qui ferait la promotion d’une telle campagne, mais si ça devait arriver, disons que je n’en serai pas le premier surpris!
Le Canada est signataire du Protocole des Nations unies sur les armes à feu qui requiert que le pays «assure la conservation, pendant au moins dix ans, des informations sur les armes à feu (…) qui sont nécessaires pour assurer le traçage et l’identification».
Ottawa n’a pas encore ratifié le Protocole, mais sa signature est perçue en droit international comme un engagement ferme envers les principes de l’entente. Le registre national, avant son abolition, permettait au Canada de satisfaire aux exigences du Protocole de l’ONU, ainsi qu’à celles d’un autre accord de l’Organisation des États américains sur le même sujet.
Direction opposée
Au bureau du ministre de la Sécurité publique Vic Toews, on persiste à répéter que la destruction des données n’affectera pas les engagements du Canada à l’étranger.
«L’abolition du registre des armes d’épaule n’a pas d’impact sur notre capacité à nous conformer à nos obligations internationales. Le registre des armes d’épaule n’a jamais empêché un seul crime ni sauvé une seule vie», a écrit la directrice des communications du ministre Toews, Julie Carmichael, dans un courriel. – Fannie Olivier, The Canadian Press, 8 juillet 2012
Des questions…
Que le registre des armes d’épaules n’ait jamais empêché un seul crime, là n’est pas la question. Si les services de police ont eu si souvent recours aux banques de données, il devait bien y avoir un motif relié à la solution de crimes déjà perpétrés avec une arme d’épaule. Sinon, les enquêteurs mériteraient tous d’être qualifiés d’imbéciles, tout comme les membres de l’Association des chefs de police.
J’ai beau avoir dénoncé régulièrement les abus policiers, jamais je n’ai songé à les mettre tous dans le même bain de la « ripourriture »…
Que le registre des armes d’épaules n’ait jamais empêché un seul crime, en quoi cela règle-t-il la question des accords internationaux auxquels a souscrit le Canada?
Si les fonctionnaires du Ministère avaient évalué que l’abolition du registre viole les obligations internationales du Canada, de quelle autorité LÉGALE le ministre peut-il justifier sa décision d’aller de l’avant?
Dispose-t-il d’une opinion bien argumentée, ou se serait-il fié, plutôt, à l’opinion professionnelle de Madame Minou ou d’une cartomentienne?
Si le sinistre Ministre est si certain de la valeur de ses arguments, pourquoi n’en a-t-il jamais déposé un exposé devant la Chambre des Communes? Serait-ce que Madame Minou ne lui aurait jamais fourni une version écrite de son opinion légale sur les obligations internationales du Canada?
Si le sinistre Ministre est persuadé de la valeur intrinsèque de l’opinion à laquelle il s’est rallié, pourquoi aura-t-il fallu, encore une fois, qu’il cultive l’art du secret le plus absolu – art qu’a dénoncé tout récemment le très conservateur The Economist?
Pourquoi ce gouvernement élu sous promesse de transparence et d’imputabilité se fait-il – encore une fois – tirer l’oreille? Pourquoi -encore une fois – aura-t-il été nécessaire d’invoquer la Loi sur l’accès à l’information pour connaître la vérité?
Une seule réponse possible: nous sommes gouvernés par des trous de cul qui se disent tough on crime pour mieux occulter leurs propres entorses au droit international quand ce ne sont pas des entorses au droit domestique.