Je suis, en principe, opposé aux claquages de portes des députés, au beau milieu de leur mandat. Mais je n’en salue pas moins, bien bas, la décision courageuse de ces trois ténors du PQ qu’étaient Louise Beaudoin, Pierre Curzi et Lisette Lapointe.
En principe, il m’apparaît immoral qu’un député élu sous une bannière puisse traverser l’Assemblée nationale ou la Chambre des communes pour rejoindre, en cours de mandat, une autre formation ou pour siéger à titre d’indépendant. Immoral, et contraire à la démocratie, en ce sens que, ce faisant, l’élu vire-capot trahit le mandat que lui ont confié ses électeurs. Bien sûr, techniquement, c’est pour le candidat qu’on vote. Mais dans les faits, et compte tenu de notre système électoral, on vote tout autant pour le Parti dont on espère qu’il prendra le pouvoir.
Mais ici, ce principe ne tient plus.
Il ne tient plus, parce que, au moment où les Québécois ont réélu un gouvernement Libéral le 8 décembre 2008, le financement public d’un nouveau Colisée, à Québec, n’était à l’Ordre du jour ni du PLQ, ni du PQ.
Des balises à la ligne de parti? Oui, pis ça urge!
Aujourd’hui, deux ans et demi plus tard, aussi bien Jean Charest que Pauline Marois ont imposé la ligne de parti à leur députation; et contre toute attente, dans ce dossier bien particulier, le gouvernement et l’opposition officielle ont fait bloc derrière le projet de loi 204, destiné à soustraire la Convention Badabeaume-Péladeau à toute forme de contestation judiciaire.
Aucun député n’a été élu sous la promesse qu’il appuierait ou qu’il s’opposerait au financement public de ce nouveau Colisée. Pire, aucun député n’a été élu sous la promesse qu’il appuierait un projet de loi destiné à mettre le maire Badabeaume à l’abri de toute destitution en raison de sa participation à une transaction intervenue en contravention avec les règles que comporte la Loi.
Dans les circonstances, le fait d’imposer une ligne de parti est politiquement immoral.
En 2002, la Commission Béland sur la réforme des institutions démocratiques avait fait une tournée des régions; je m’étais présenté devant la Commission pour y soutenir que l’obligation de respecter la ligne de parti devait être limitée aux seuls sujets qui ont été intégrés à son programme électoral. Pour le reste, et je n’ai pas changé d’idée depuis, les députés devraient être libres de voter, non pas suivant leur conscience personnelle, mais suivant leur perception honnête de ce qu’ils estiment être dans le meilleur intérêt de leurs électeurs.
Obliger – au nom de la ligne de parti – le député qui représente une majorité de travailleurs forestiers à voter contre des mesures fiscales de nature à favoriser la renaissance de l’industrie forestière, c’est une aberration. Mais ça s’est déjà vu! Et ça s’est déjà vu, également, quand des députés élus par des mineurs ont dû, au nom de la ligne de parti, voter en faveur de l’abolition des crédits d’impôt à l’exploration minière ou contre le maintien des avantages fiscaux reliés aux actions accréditives.
Les traditions au sein du PQ
René Lévesque était un grand démocrate. Depuis son départ, le PQ a dérivé au point de correspondre aujourd’hui à l’image d’un vieux parti qui tient à ses acquis et qui se montre frileux devant les réformes démocratiques. Voici ce qu’on en disait… en décembre 2002, dans Le Devoir:
Le Parti québécois tourne le dos à la croisade du ministre Jean-Pierre Charbonneau pour réformer les institutions démocratiques. Contrairement au Parti libéral et à l’Action démocratique, le Parti québécois n’a pas déposé de mémoire à la commission Béland sur les institutions démocratiques ni à la commission parlementaire qui étudie la refonte du mode de scrutin.
Le PQ rongé par la gangrène
Comme le rapporte Radio-Canada, les trois démissionnaires ont notamment dénoncé le climat étouffant qui règne au sein du PQ. Le projet de loi 204 sur l’amphithéâtre à Québec, parrainé par la péquiste Agnès Maltais, est « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ». Le caucus péquiste est en effet divisé à ce sujet.
Pierre Curzi, Louise Beaudoin et Lisette Lapointe ont expliqué que le caucus péquiste n’a pas été consulté avant la mise en branle de ce dossier par leur collègue. « J’ai été sonnée d’apprendre que la décision était sans appel et qu’aucune note discordante ne serait acceptée », a expliqué Mme Lapointe, la femme de l’ex-premier ministre Jacques Parizeau.
Le Parti québécois que je quitte, c’est celui de l’autorité outrancière, d’une direction obsédée par le pouvoir. L’atmosphère est devenue irrespirable. — Lisette Lapointe, députée de Crémazie
M. Curzi a affirmé qu’il n’aurait plus été capable de se « regarder dans le miroir » s’il avait été obligé de voter en faveur du projet de loi.
Selon Louise Beaudoin, il n’y avait aucune ouverture : « Jusqu’à samedi, c’était clair, on devait se soumettre ou se démettre ».
Mme Beaudoin a ensuite critiqué la façon dont se fait la politique aujourd’hui, déplorant notamment « la partisanerie qui rend aveugle », « la rigidité de la ligne de parti » et « le ton guerrier » en Chambre. Toutes des choses, selon elle, qui alimentent le cynisme de la population.
Pour sa part, Tommy Chouinard rapportait sur Cyberpresse:
[Louise Beaudoin] trouve inconcevable de blinder une entente de principe et, du même coup, d’empêcher les contestations judiciaires contre tous les contrats futurs qui en découleront et «qui ne sont pas encore rédigés». «Ça n’a pas de bon sens. Ce doit être la fille de juge en moi qui se rebiffe», a-t-elle lancé.
Pierre Curzi juge inacceptable de «priver les citoyens du droit d’exercer leur responsabilité civique et juridique». «Mon seuil de tolérance éthique personnel a été atteint», a-t-il dit. Il a souligné que l’appui du PQ au projet du maire Labeaume a été donné pour des «raisons électorales».
Un vieux parti, avec des vieilles méthodes, que je disais. Ce qui transpire d’ailleurs de la réaction exprimée par Pauline Marois.
la chef péquiste a rejeté du revers de la main les critiques de ses trois anciens députés. Elle a notamment déclaré que la décision des députés Curzi, Beaudoin et Lapointe ne font ni avancer les principes évoqués, ni progresser la cause de l’indépendance. En fait, Pauline Marois a estimé que les seuls qui profiteront de la situation actuelle au PQ seront Jean Charest, le Parti libéral du Québec et les fédéralistes. – Olivier Caron, Branchez-vous
Je dis plutôt, moi, que ces départs, à ce stade-ci (je m’excuse du jeu de mots!), démontrent, par l’absurde, que la majorité des députés du PQ n’ont aucune conscience et sont prêts à toutes les compromissions pour attirer de nouveaux électeurs.
Le problème, c’est que, eu égard à sa petite taille, il faut descendre bien bas pour lécher le cul de Badabeaume.
Et la suite des choses?
Le caucus libéral n’éclatera pas; le parti exerce le pouvoir, après tout. Mais la grogne gronde… Ou la fronde grogne, c’est selon, au sein du caucus.
L’appui au financement public du Colisée est plus prononcé dans la région de Québec que dans le grand Montréal, ce qui ne surprendra personne; les élus de la grande région de Montréal ont des antennes, des Père-Ovide qui les informent de l’humeur de leur électorat. Et que perçoivent donc ces grandes oreilles?
Le PQ peut-il encore être perçu, au sein de la population, comme le porteur de l’idéal d’indépendance? Quelques gaffes de plus, et ce parti sera complètement marginalisé, comme, avant lui, l’Union Nationale après Duplessis et quelques soubresauts.
Quant à Amir Khadir, je sens qu’il n’a pas fini de tirer des bramements à ce pauvre Éric Duhaime… En v’là un qui se tient deboutte… même si parfois, la langue lui fourche et ses bottines courent trop vite!