Le ministre fédéral des Transports et des Infrastructure, Denis Lebel, a tenu ce 12 juillet un point de presse au cours duquel il confirmait avoir pris connaissance des rapports d’analyse structurelle du pont Champlain et des études sur l’avenir du pont le plus achalandé au pays.
Mais, ajoutait-il du même souffle, il n’entend pas les rendre publics et risquer ainsi de « semer l’émoi » au sein de la population.
M. Lebel a laissé entendre, au passage, qu’il se méfiait des interprétations erronées qui pourraient découler d’une publication des rapports et études. « Lorsqu’on rend publiques des informations qui sont traitées par des personnes qui ne sont pas nécessairement des connaisseurs du sujet, ça peut créer des émois que je ne veux pas créer », a-t-il expliqué.
« Je ne voudrais surtout pas qu’on travaille pour en faire un enjeu politique et qu’on s’en serve à l’encontre même de la population. Ce n’est pas le temps de créer quelque chose aujourd’hui qui va « insécuriser » une population. Et je ne suis pas en train de dire qu’il y a dans le rapport des choses « insécurisantes »; je dis simplement que nous traitons avec beaucoup de rigueur tout ce qu’il y a dans les rapports pour permettre d’assurer une fluidité et une sécurité du transport.
Denis Lebel a raison sur un point: il n’est pas toujours opportun de livrer au public une information que des démagogues vont pouvoir exploiter sans le but de créer des émois… On l’a vu, ces derniers jours, avec la divulgation par les journaux Québécor des échanges de correspondance soustraits à l’attention du jury dans l’affaire Guy Turcotte, largement commentée ici même, notamment.
Cela dit, ces propos du ministre ne sont vraiment pas de nature à rassurer les usagers du pont Champlain, bien au contraire! Il eut été à la fois plus intelligent et plus responsable, justement pour éviter de susciter la crainte et l’angoisse des usagers, de surseoir à cette annonce jusqu’à ce que le gouvernement fédéral soit prêt à faire feu.
Et par là, j’entends: prêt à préparer les plans d’un nouveau pont Champlain et de ses approches, après consultation du ministère des transports du Québec et des administrations municipales dont les populations seront touchées au premier chef. Mais il faudra alors déterminer si les travaux seront, ou non, réalisés en PPP, réserver les montants nécessaires à la réalisation des travauxtemporaires et permanents, et être prêts à aller en appel d’offres.
Quoiqu’il en dise, la question du Pont Champlain est une patate chaude pour le gouvernement Harper, en ce sens que la dépense est aussi nécessaire – et colossale – qu’elle sera mal perçue hors Québec, compte tenu du faible appui donné aux Conservateurs par l’électorat québécois, le 2 mai.
Au surplus, Stephen Harper avait commis une bourde monumentale, en cours de campagne: investir sur le Pont Champlain, affirmait-il alors, c’est voler aux régions du Québec de l’argent qui leur était destiné!
De quels émois le gouvernement Harper cherche-t-il à se prémunir, au juste?
Le niveau d »angoisse des usagers vient d’être décuplé, par le seul effet de cette déclaration pour le moins inappropriée. Ça n’est donc pas de ces émois-là que se préoccupait le menisse Lebel. J’ai plutôt l’impression que la décision de rendre l’information accessible aux seuls amis (les députés du bon bord) vise plutôt à limiter les remous politiques et à couper l’herbe sous les pattes de ces jeunes loups du NPD qui forment désormais l’opposition officielle aux Communes…
Bref, le Parti Conservateur fait passer ses intérêts partisans devant les intérêts de la population, et prive cette dernière de l’opinion éclairée d’un important bassin de professionnels capables de tirer des conclusions éclairées et de conseiller aussi bien le gouvernement lui-même que la population en général, et les usagers du pont en particulier.
La publication des rapports n’inciterait-elle pas des ingénieurs, sinon même l’Ordre des ingénieurs, à émettre des recommandations éclairées? À titre d’exemple, ne serait-il pas opportun de limiter la charge par essieu ou la charge totale autorisée, si la structure souffrait des vibrations?
De même, et dans la mesure où les rapports obtenus par le gouvernement Harper sont susceptibles de dénoncer un mode de construction moins onéreux au moment des travaux, mais plus susceptible de requérir un entretien coûteux pendant la durée de vie de l’ouvrage, ne serait-il pas opportun que des experts indépendants puissent faire valoir leur point de vue et orienter ainsi les choix du Fédéral? Pour autant que je sache, le Fédéral avait privilégié un mode de construction dont les problèmes actuels sont le résultat! La structure de ponts beaucoup plus âgés tient toujours, elle (PontsVictoria, 1898, et Jacques Cartier, 1930).
Après tout, il y va de notre sécurité collective, ici.
Ce qu’en pense le bon peuple?
Sur le site de la SRC, Maurice58 écrivait ce 12 juillet, à 17h45
Le pont crache des morceaux dans le fleuves à tout bout de champs comme un tuberculeux en phase terminale. Pas besoin des études. Je ne passe pas par là jusqu’à sa reconstruction car je n’ai jamis eu beaucoup de chance à la chaise musicale.
Non vraiment pour qui nous prennent-ils. Le pont est partiallement fermé à tout moment pour des réparations urgentes et imprévues. Et on sait depuis longtemps que le pont a été construit cheap et qu’il tombe en morceaux. Quoi dire de plus. Crachez le cash qu’on le refasse!
Ce qu’en pensent les experts?
Bon, d’accord, c’est une opinion de profane. Alors que penser de ceci?
- Émission Découvertes, Société Radio-Canada, novembre 2008
- Émission Enquêtes, Société Radio-Canada, novembre 2008
Un extrait de ce dernier compte-rendu:
D’importants travaux sont en cours sur le pont Champlain afin de consolider sa structure. Les poutres et les chevêtres du pont seraient dans un état de corrosion inquiétant, selon la dernière étude réalisée par la firme Oxand.
Grâce à la Loi sur l’accès à l’information, l’équipe de l’émission Enquête a obtenu une copie de cette étude, que la Société des ponts fédéraux refusait de dévoiler. L’étude a forcé la Société à effectuer des travaux d’urgence en raison des inquiétudes sur l’état de composants majeurs de la structure.
Les poutres, sur lesquelles les voitures roulent, et les chevêtres, sur lesquels sont déposées les poutres, présentent des risques. La corrosion des poutres et des chevêtres fait partie des principales sources de risques. L’étude indique que « ces risques sont d’autant plus critiques que les incertitudes concernant l’état actuel de ces éléments sont grandes. »
Pour éviter de créer de l’émoi, affirmait le ministre Denis Lebel? Émoi je pense plutôt qu’il nous prend tous pour des valises, mossieu le menisse! Surtout si on compare les cachotteries de 2011 à celles de 2008, alors que la Société des ponts fédéraux nous a fait les mêmes krisses de cachotteries.
En d’autres mots, ça sent la bullshit de conservateurs…