On sait que le Tribunal des droits de la personne, alors présidé par la juge Michèle Pauzé, a interdit la prière et les symboles religieux ostentatoires que sont une statue et un crucifix, dans la salle où se tiennent les assemblées publiques du Conseil de ville de Saguenay.
Le maire Là-Là refuse d’obtempérer, porte la décision en appel, et lance une campagne de financement public du recours en appel; cette campagne est un franc succès.
Droit d’appel 101
Commençons par le commencement. Ce ne sont pas tous les jugements des tribunaux de première instance qui sont susceptibles d’un appel de plein droit. Dans certains cas, bien balisés par la Loi, le droit d’appel n’est accordé que sur permission, tel que le prévoient les articles 132 et 133 de la Charte des droits et libertés de la personne:
- 132. Il y a appel à la Cour d’appel, sur permission de l’un de ses juges, d’une décision finale du Tribunal.
- 133. Sous réserve de l’article 85, les règles du Code de procédure civile (chapitre C-25) relatives à l’appel s’appliquent, compte tenu des adaptations nécessaires, à un appel prévu par le présent chapitre.
La même règle existe au niveau de la Cour Suprême; c’est pourquoi, d’ailleurs, l’avocat du milliardaire Éric a dû obtenir l’autorisation de porter le jugement Lola à l’attention du plus haut Tribunal.
Par application de l’article 133, ci-dessus, la règle de droit commun, déjà prévue à l’article 26 du Code de procédure civile, s’applique à l’appel des décisions du tribunal de la personne.
- 26 [extrait]. Peuvent aussi faire l’objet d’un appel, sur permission d’un juge de la Cour d’appel, lorsque la question en jeu en est une qui devrait être soumise à la Cour d’appel, ce qui est notamment le cas s’il est d’avis qu’une question de principe, une question nouvelle ou une question de droit faisant l’objet d’une jurisprudence contradictoire est en jeu
La désignation du juge Lorne Giroux pour entendre les représentations sur demande pour permission d’en appeler constitue un choix sensé. Tous les juristes s’entendent pour qualifier le juge Giroux de formidable théoricien du droit des collectivités locales (droit municipal, aménagement et urbanisme).
N’en déplaise aux pisse-vinaigre et autres Ti-Jos Connaissant, et sans pour autant présumer de la décision, le juge Giroux est lié par ces principes que j’ai mis en caractère gras. Aussi étrange que cela puisse paraître au profane, au niveau d’une requête pour permission d’en appeler, ce n’est pas le droit des parties qui constitue l’enjeu du débat; permission ne sera accordée – en principe – que si une question de droit nouveau est soulevée, ou alors, pour permettre à la Cour d’appel de mettre de l’ordre dans la jurisprudence contradictoire des tribunaux inférieurs.
En principe. Car à l’article 26, le législateur ne limite pas les interventions électives de la Cour d’appel à ces seuls cas. Mais… la tendance lourde veut que seules les questions de principe ou soulevant des questions nouvelles soient soumises à la Cour d’appel. Évidemment, dans les cas où il y a appel de plein droit, c’est autre chose.
En somme, si la juge Pauzé avait écrit dans sa décision qu’une girafe peut accoucher d’un oiseau, la Cour d’appel n’aurait aucune raison d’intervenir si, mise à part cette erreur flagrante sa décision était conforme à la jurisprudence!
Ça vous paraît ridicule? Soit. C’est votre droit. Mais moi, je ne suis que le messager, alors, amis de la vérité et autres catholiques, évitez, je vous prie, les volées de bois vert! Je traduis le droit en langage clair, mais la règle, c’est pas moi qui l’ai rédigée.
Permission d’en appeler, oui ou non?
Au cas de doute, il est plus simple, et moins risqué, d’accueillir la demande de permission d’en appeler plutôt que de la rejeter. Accueillir la requête, si tant est que cela puisse constituer une erreur, n’aura pas de conséquences fâcheuses, sinon gonfler la note des honoraires d’avocats. Car si le jugement du Tribunal des droits de la personne ne comporte pas d’erreur, les trois juges qui entendront l’appel pourront toujours confirmer la décision et rejeter l’appel.
Ce vendredi (25 mars), le juge Giroux a pris la requête des avocats de Là-Là Tremblay en délibéré.
Si j’étais Là-Là Tremblay, j’aurais tendance à considérer que c’est mauvais signe. Lire la suite