
Dans un premier billet consacré à l’abbé Gravel, j’avais abordé avec un certain cynisme l’exercice de la vertu de charité, telle qu’elle est pratiquée par certains fondamentalistes chrétiens… et un juif fort ostentatoire dont les trop fréquents élans de fiel portent ombrage aux efforts d’intégration de sa communauté d’adoption.
Tous les textes en italique ET en retrait sont des transcriptions des propos tenus par Raymond Gravel, en entrevue avec Alain Crevier, Second Regard, émission du 3 novembre dernier.
Ce billet en dit beaucoup, par ailleurs, sur mon moi-même, réputé agnostique mais qui ai des motifs de douter de mes propres doutes…
Le bruissement des feuilles…
La Vie après la mort
J’ai pas une Foi magique… J’ai aucune certitude, sauf que je fais le pari qu’il y a quelque chose après la mort.
Si je vis les moments difficiles dans la Foi et dans l’Espérance sans aucune certitude mais que ça m’aide à passer à travers la maladie ou à mieux mourir, en quoi je perds mon temps mêmes’il n’y a rien après?
Bon. Voilà l’abbé qui reprend, dans ses propres mots, le discours de Karl Marx: la Foi et l’Espérance seront SON opium bien à lui, à défaut d’être l’opium du peuple. Je vous l’avais bien dit que Raymond Gravel est un communiste et un ennemi de l’Église, hein!!!
Le chemin vers la mort
Il y a une souffrance qui ne se soulage pas avec des soins palliatifs, et à ce moment là, lorsqu’il n’y a plus rien à faire, moi je comprends les gens qui demandent qu’on en finisse!
[…] Je peux comprendre que les gens disent « Moi je ne veux pas vivre ces derniers moments-là dans la souffrance pis dans la longueur de la souffrance.
[…] Si c’est moi qui souffre puis qui décide d’en finir, MOI je vais m’arranger avec Dieu l’autre côté. C’est pas à toi de décider qu’est-ce qui est bon pour moi ou qu’est-ce qui ne l’est pas.
« TOI« , en l’occurrence, ce sont les bien-pensants qui invoquent la morale chrétienne au soutien de leur prise de position. Ou qui invoquent le Code criminel, celui d’ici ou celui d’ailleurs, pour justifier leur absence de compassion.
Est-ce que Dieu exige qu’on souffre jusqu’à la toute fin?
L’abbé laisse la question en suspens; mais le Dieu auquel MOI j’ai cru autrefois jadis et auquel peut-être je crois de nouveau sans même en être conscient [voir plus bas], je ne pense pas qu’il soit opposé à l’idée. Après tout, et je cite ici ce petit catéchisme catholique à couverture grise qu’on m’avait enfoncé dans la gorge en troisième année [1].
[28] Question: Pourquoi disons-nous que Dieu est infiniment bon? Répons: Parce que Dieu est infiniment parfait, infiniment aimable et que tout ce qui est bon vient de lui.
Le soulagement de la douleur, c’est un geste de bonté; par définition, tout qui est bonté ne doit-il pas agréer à Dieu? Entéka, c’est ça qu’ils m’ont dit!
Il y a un peu d’hypocrisie dans ça, de poursuivre Raymond Gravel. Le cancer des os [NDLR: dont il est atteint] est tellement souffrant qu’il n’y a pas de médication pour soulager ça, alors ce qu’ils font, c’est qu’ils mettent dans le coma les gens jusqu’à ce qu’ils meurent […] C’est quoi la différence?
Bonne question!
La rencontre avec Dieu, ou … prêter attention aux brises légères
C’est l’Espérance qui m’habite, mais ça n’empêche pas que je doute de tout, là, je doute de l’existence de Dieu, je doute de la Vie après la vie, parce que pour moi, ce n’est pas une certitude, c’est une Espérance.
Les gens qui sont certains de l’existence de Dieu, c’est aussi pire que ceux qui sont certains que Dieu n’existe pas. On ne peut pas être certain de ça, sauf qu’on peut miser [là-dessus], on peut faire le pari de [son existence].
C’est Bernanos qui disait: « Ma Foi, c’est 23 heures et trois-quarts de doute et quinze minutes d’espérance. » Et c’est ça, MA Foi. Le quinze minutes d’Espérance, c’est suffisant pour croire.
La Foi, c’est jamais une certitude, c’est une Espérance, mais… il faut être attentif aux brises légères.
Les brises légères? Les bruissements de feuilles, difficilement perceptibles, surtout pour qui s’attend à ce que l’Être Suprême se manifeste par des bourrasques à écorner les boeufs?
Il y aura bientôt un an, le malheur a frappé: impact brutal, tôle froissée, voiture coupée en deux, quatre coeurs qui cessent de battre. J’ai perdu le sang de mon sang, et aussi le sang du sang de mon sang. Peut-être un père et un papy n’ont ils pas le droit d’exprimer leurs préférences, mais j’étais tellement proche de Stéphanie et de sa petite Émy-Rose… Je ne pouvais pas avoir plus mal que ce 2 janvier.
Ça, c’est un vent capable de soulever un cachalot!
Mais ça ne pouvait pas m’arracher à ma Foi, puisque cette Église de merde s’en était déjà chargée par son conservatisme, par sa manière de traiter LES femmes et par sa manière d’ostraciser la mienne, une divorcée remariée. Je me suis pourtant impliqué profondément dans cette Église, et puis, un jour, j’en ai eu assez du chuchotement de ces feuilles, et j’ai décroché.
Agnostique j’étais devenu. Mais ces derniers mois, j’ai senti de vraiment très près le souffle fétide de la Grande Faucheuse. Je ne m’en suis guère exprimé ici, mais elle m’a pris par la main, la Grande Faucheuse. Si tant est qu’elle existe, mon âme s’était détachée de mon enveloppe corporelle , avant d’être rappelée à l’ordre. Qui est-ce qui lui a parlé? Tout ce que je sais, moi, c’est que, au jour de ses funérailles, j’avais imploré la petite Émy-Rose de ne plus jamais me lâcher la main. Est-ce que c’est elle, ce matin de juin, qui veillait sur moi? Je ne sais pas. Je n’ai ni vu les feuilles trembler ni entendu leur murmure.
Une brise légère, disait Raymond Gravel. Difficilement perceptible. Ai-je vraiment été assez attentif?
Et un autre bruissement de feuilles: je suis papy, pour la neuvième fois. Émy est partie, Louis est arrivé.
Bin oui, j’ai remis mes doutes en question. Bin oui, je me suis mis à douter de mes propres doutes. Et mon scepticisme, finalement, n’est guère différent de la Foi teintée d’Espérance que décrivait Raymond Gravel. Si je devais aller à sa rencontre, qui sait, peut-être ce caractériel bilieux et détestable [aux dires de Sir Wilfrid Laurea, M.Phil, Ph.D.] parviendrait-il finalement à me convaincre que j’ai la Foi, moi qui suis convaincu de ne pas…
Je tends l’oreille. Même quand les arbres à feuilles en ont été dépouillés; la brise, aussi légère soit-elle, va peut-être se manifester à travers le sourire d’un enfant?
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[1] Ce catéchisme a été rédigé par une Commission épiscopale formée en 1942. Leurs Excellences les Archevêques et Évêques des provinces ecclésiastiques de Québec, Montréal,Ottawa, Rimouski et Sherbrooke en ont prescrit l’enseignement dans les écoles soumises à leur juridiction, le 15 août 1951, en la fête de l’Assomption de la Très Sainte Vierge Marie.
Ça, c’était de la vrrrraie laïcité!
Il comportait 992 questions, et 992 réponses que l’élève devait mémoriser; le petit catéchisme comportait – en marge – la mention de l’année scolaire à laquelle chacun des répons devait être enseigné.