On peut lire sur la page d’accueil du Westglen Medical Center cet engagement sans équivoque à répondre à TOUS les besoins de sa clientèle en matière de médecine familiale:
We look forward to building a long-term valuable partnership to ensure the best-quality care for all of your and your family’s wellness needs. [ma traduction: Nous avons pour objectif d’établir avec vous un partenariat à long terme dans le but de vous fournir des soins de la plus haute qualité en réponse aux besoins de votre famille en matière de santé et bien-être].
Madame Joan Chand’oiseau, une dame de 45 ans – et j’insiste sur son âge, s’est présentée à la clinique sans rendez-vous le 24 juin; c’est elle qui a pris en photo l’affichette que j’ai reproduite dans le montage ci-dessus. Chand’oiseau a déchanté…
Ce jour-là, c’est le le Dr Chantal Barry qui était de garde, nous apprend le National Post. La clinique ne met jamais qu’un seul médecin à la disposition de ces walk-in patients. Or, manque de pot, madame Docteur est une chrétienne engagée, pour ne pas dire enRAgée; par conviction, elle refuse de contrevenir aux voies et desseins du Seigneur et, pour ce motif, elle refuse de prescrire le moindre moyen contraceptif.
D’entrée de jeu, j’apporte ici deux précisions:
- la réception de la clinique Westglen a mis à la disposition de madame Chand’oiseau une liste des cliniques sans rendez-vous où il est possible de voir un médecin aux convictions moins contraignantes
- le Collège des médecins de l’Alberta n’interdit pas à un médecin de refuser de dispenser certains soins pour des motifs d’ordre moral ou religieux; en contrepartie, ce médecin DOIT alors s’assurer de pouvoir fournir à sa patiente un timely access aux soins que requiert son état.
Fournir une liste et débrouille-toi avec ça, est-ce que ça répond aux obligations professionnelles du Dr Barry et de son employeur?
As usual, la droite religieuse se déchaîne sur le National Post. En quoi le docteur Barry a-t-elle imposé ses propres convictions religieuses et morales à la patiente? Refuser de prescrire, ça n’est PAS imposer ses convictions, affirment les dinosaures. Mais en droit, qu’en est-il? J’y reviens plus loin…
Qui est le docteur Barry?
Entéka, elle fait de beaux enfants blonds, madame docteur! On la voit ici au moment de sa graduation à l’Université de l’Alberta, le 4 juin 2010, en compagnie de son mari, Tyler, et de ses enfants Ena et Toryn. Ses origines métisses et la profession exercée par son propre père – un chiropraticien – la destinaient au départ vers la médecine alternative; elle assimilait alors les praticiens d’une médecine plus traditionnelle comme de simples pushers de pilules… ce en quoi elle n’avait pas complètement tort! 😉
Maîtrise en poche, elle entreprend pourtant ses études en médecine en 2005, à 27 ans, elle qui n’en souhaitait pas moins donner naissance à quatre enfants: “I wanted to work with people and be able to embrace some Aboriginal medicine as well”. – University of Alberta/news & events
Elle se dit touchée par le soutien obtenu de la fac de médecine pendant ses grossesses. Fort bien. En contrepartie, ne devrait-elle pas songer elle-même à accommoder raisonnablement, à son tour, ces femmes qui ne veulent pas d’enfants. Surtout ces « vieilles » de 45 ans dont la grossesse pourrait constituer un risque?
Le droit
Ici, droit et éthique se recoupent et se confondent; la patiente a droit à des services, le docteur refuse de les lui rendre ou alors, par ignorance, omet de se conformer à ses obligations déontologiques.
A Calgary physician who is refusing to prescribe birth control to patients at a walk-in clinic in the city’s southwest may not be fulfilling her obligation to patient health, say experts in medical ethics.
“I think this doctor may be, because of her religious attitudes, unable to meet an important range of patients’ health needs,” said Arthur Schafer, […] a former head of the university’s biomedical ethics section.
[ma traduction] L’objet d’un Code d’éthique, c’est de placer les intérêts des patients au dessus des intérêts du professionnel, d’affirmer [le Dr. Ian Mitchell, bioéthicien auprès du bureau de rechercheen éthique de l’Université de Calgary]. – Jessica Barrett, The Calgary Herald, 27 juin 2014
Or il saute littéralement aux yeux, ici, que madame Docteur place ses intérêts et convictions personnels loin devant les besoins de sa patiente.
La journaliste Jessica Barrett souligne par ailleurs que dans l’opinion des bioéthiciens Shafer et Mitchell, le refus manifesté par Barry impose un frein aux confidences que pourraient lui faire une patiente sur sa vie sexuelle; elle n’osera pas en parler, de peur de se sentir jugée. Le médecin se place dans une situation où il lui sera ainsi impossible de conseiller adéquatement sa patiente sur sa vie sexuelle.
Madame Docteur est réputée savoir que certaines grossesses peuvent être à risque, aussi bien pour la mère que pour le foetus. Madame Docteur est aujourd’hui âgée de 36 ans; est-ce qu’elle est assez folle pour attendre 9 ans avant d’accoucher de son quatrième enfant, ou s’empressera-t-elle de compléter au plus coupant cette famille de quatre rejetons qu’elle veut offrir à Dieu?
Pourquoi 9 ans? Tout simplement parce que dans 9 ans, elle aura l’âge qu’a aujourd’hui cette patiente à qui elle refuse de prescrire des anovulants parce que elle est elle-même une chrétienne enragée?
Que je sache, une grossesse à 45 ans, ça n’est pas médicalement souhaitable… Du moins, le risque est-il énorme. Dieu est sans doute assez intelligent et compatissant pour comprendre ça. Et si une folle en doute, she’s unfit for her own Faith, et elle ne mérite pas qu’on lui permette d’exercer la médecine.
Les Ti-Jos connaissant du National Post
Un correspondant, PrimeNumbers, a ouvert le débat avec un commentaire éclairé: Ce médecin a droit à son opinion sur la contraception, mais elle n’a pas le droit d’imposer ses choix personnels à des patientes qu’elle a le devoir de servir en sa qualité de médecin.
J’abonde dans le même sens, et j’ai publié à la suite mon point de vue de juriste. Ça se lirait comme suit, si je l’avais publié dans la langue national post.
D’un strict point de vue de juriste, PrimeNumbers a raison. En faisant passer ses convictions personnelles devant les soins que l’âge de Madame Chand’oiseau [45 ans] rend nécessaires, elle lui impose ses convictions personnelles. Period.
La situation serait la même si un médecin ou une infirmière Témoin de Jéhovah vous refusait à vous, le patient, le bénéfice d’une transfusion sanguine et mettait ainsi votre vie en danger en raison de ses propres convictions.
Il y a conflit d’intérêts, mais la droite religieuse ne le voit pas.
- She [Barry] is not forcing anyone to do anything! It is the patient’s decision to get birth control. – MikeCG
- She isn’t forcing her beliefs on others, just practicing them.
And no where are public servants (which Doctors are not) required to be secular and free of religious convictions. – CanuckExpat
- The only zealouts here are the ones who want to force someone to do something they don’t want to do. – Mike CG
- She is ABSTAINING from doing something, which is the OPPOSITE of imposing. This is getting ridiculous. FREEDOM IS SLAVERY! – MikeCG
- What the f…are you talking about? She refuses to prescribe birth control pills at a walk-in clinic. How is this playing God?
If you can’t find a Dr to prescribe your pills….get pregnant or abstain….who the f cares? – Mike
- So you left wing zealots are at it again. If someone with religious beliefs chooses not to do something they don’t believe in, that is imposing their beliefs on others? No, the one who wants the birth control pill is trying to impose her beliefs on the doctor. – Darcy
[réflexion du blogueur soit-disant zélote: quand une patiente va voir le médecin, crisse de dinde, c’est le médecin qui est soumis à des obligations déontologiques. Pas la patiente! La patiente a des droits, le docteur a des droits… et des obligations.]
- Her choice has a direct impact on the health and well-being of another person. You can call it abstaining all you wish, but it’s imposing her religious views on an unwilling participant.Perhaps she shouldn’t have gone into the healthcare profession is she knew she was against prescribing birth control.
The good thing about you religious fundamentalists is that your caveman views will be dead in the next generation or two. Maybe you should move to a Muslim country. – Canuck Firebrand
- No person in the place of their profession or business can be forced to perform a duty that is against their moral beliefs. – Darcy
- Health professionals can choose to maintain their personal moral integrity by choosing a field that doesn’t conflict with it. Be a podiatrist. Nobody asks them for birth control. – Preacher
- ABSTAINING from an action is not « forcing » or compulsion. It is many among the non-religious that keep forcing religious people to act in non-religious ways. – MikeCG
- This is about conform, conform, conform. Because of socialized medicine, doctors are obliged to provide services within that framework. That should not mean that they have to forsake their beliefs. The political correct, anti religion crowd cannot abide anyone defying their position. – LoneCynic
- Her beliefs – as a physician – must be based on medical evidence. Not on religious criteria. According to 99,9% of obstetricians, a 45 year-old woman (Mrs Chand’Oiseau is 45) should NOT become pregnant, based on medical evidence.Barry’s opinion is based on her religious beliefs. Period. Mrs Chand’Oiseau needs the pill and Dr Barry should have acted accordingly. – Papitibi
La tête enfoncée dans le sable… Ce LoneCynic qui dénonce à gorge défoncée cette médecine socialiste qui impose ses choix et critères scientifiques, on devrait lui ériger une statue et en faire un héros national!
C’est une carence en vitamine A qui rend les dretteux si épais? Bonne nouvelle, alors; ça se soigne! À la condition, bien sûr, de trouver un médecin qui accepterait de courir le risque d’être contaminé à leur contact. Bin quoi, un médecin a droit à ses opinions, non?
Voilà donc un exemple de plus démontrant que les valeurs canadian et celles du Québec diffèrent. Il s’en trouve quand même au Québec pour applaudir le très christian Harper. Détail: même si la dame était une jeune femme en âge de procréer sans risque ajouté, elle aurait néanmoins le droit à ce service médical. La contraception n’est pas inconstitutionnelle à ce que je sache. Ce qui l’est sans doute par contre, c’est qu’un médecin refuse de donner un service qui ne soit pas illégal.
En 2005, c’était les pharmaciens chrétiens des USA qui refusaient de servir la pilule du lendemain. Il y a quelques années, au Honduras on voulait criminaliser la contraception, j’ignore ce qu’il en est advenu. Et c’est maintenant au tour du Paraguay de vouloir criminaliser la pilule du lendemain.
Sont fous ces c(h)rétins!