Se pourrait-il que la fière Alberta doive se délester bientôt d’une partie de son industrie de la pollution aux hydrocarbures bitumineux? Bien sûr, le Canada dans son ensemble en pâtirait sans doute, et l’exploitation (éventuelle) de la portion québécoise du gisement Old Harry pourrait même en être compromise, mais le fait est que les prix du brut ont chuté de 25% depuis leur sommet de juin dernier.
Le fait est, également, que l’exploitation des gisements actuels de sables bitumineux n’est pas rentable en dessous d’un seuil de $63,50 le baril; or le pétrole bitumineux se transige désormais à moins de $69 le baril – Canadian dollars, that is! Si ça baisse encore un peu, l’Alberta pourrait créer bientôt des milliers de chômeurs…
Quant aux gisements qui ne sont pas encore en exploitation, il ne faut plus y penser – pour l’instant, du moins: le coût de développement et d’extraction excède déjà la valeur sur le marché.
De kossé? L’offre de la Libye se raffermit. L’Arabie Saoudite casse les prix pour reprendre ses parts de marchés; elle en a les moyens, puisque l’extraction de son pétrole ne coûte qu’une fraction des pétroles de l’Alberta ou des USA. Casser les prix, c’est également une manière, pour les Arabes, de casser la concurrence nord-américaine et s’assurer ainsi, à moyen terme des revenus plus substantiels.
Répit, donc, pour les pipelines projetés et pour le transport ferroviaire vers Montréal, Sorel et Cacouna? Peut-être… Du moins, s’il est plus rentable d’importer le pétrole de schiste du Dakota, plutôt explosif (Lac Mégantic…), c’est peut-être ce liquide-là qui coulera dans les tuyaux…
À moins que les prix internationaux n’en décident autrement.
We luv TransCanada! Ils nous font des pipes [1]…
Ouin. Des pipes. Au sens « propre » – c’est-à-dire au sens de tuyau-à-pétrobitume – et au sens cochon de crossette.
Ce qui nous ramène au port de transbordement à Sorel et au terminal en eaux profondes de Cacouna, au milieu d’une aire de reproduction de cette espèce menacée qu’est le béluga.
Transport Canada vient d’intercepter le superpétrolier Genmar Daphne au large des Escoumins, au milieu du St-Laurent; l’équipage avait signalé un bris à la pompe d’incendie d’urgence. Pour un navire qui devait cueillir à Sorel des matières inflammables sinon même explosives, c’est rassurant!
Quant au port en eaux profondes de Cacouna, il semble prendre l’eau… En entrevue à Ici.RDI, le porte-parole de TransCanada, Philippe Cannon, a fait preuve d’une assurance sans borne: nos travaux, qui sont interrompus jusqu’au 15 octobre en raison d’une injonction, reprendront tel que prévu, affirmait-il.
Ah oui? Peut-être le petit Cannon avait-il pris pour acquis que son passé d’attaché politique auprès de la ministre de l’environnement (Line Beauchamp) pouvait déplacer les montagnes et aplanir les difficultés? On a reçu un avis un avis de non-conformité mais on est conformes, assurait-il…
Ah oui?
Le Ministère a confirmé qu’un communiqué publié le 21 août pour annoncer le feu vert aux travaux exploratoires était mal «libellé».
Le document indiquait que TransCanada serait autorisée à utiliser un bateau pour transporter son personnel jusqu’à l’endroit des forages. Ce navire ne serait autorisé qu’à faire un seul aller-retour par jour.
Or, TransCanada a plutôt le droit d’effectuer jusqu’à cinq allers-retours par jour en pleine zone de reproduction des bélugas, a indiqué le porte-parole du Ministère, Frédéric Fournier.
«Le communiqué aurait dû être libellé autrement», a-t-il dit vendredi. – Martin Croteau, La Presse, 11 octobre 2014
Mais ça s’est gâté depuis. À vrai dire, c’est comme si notre bon gouvernement venait de trouver une manière de couler le projet sans avoir l’air de perdre la face. Parce qu’il ne faut pas se le cacher, le jugement rendu le 23 septembre 2014 par madame le juge Claudine Roy a vraiment fait mal paraître l’entourage du ministre Heurtel et le ministre lui-même.
[5] Pour des raisons inexpliquées à ce stade du dossier, le Ministre décide alors de délivrer le certificat d’autorisation. Le Tribunal estime que, cette fois, les Requérants ont [soulevé] un doute important quant au caractère raisonnable de la décision du Ministre.
[102] L’impatience de TransCanada ne saurait justifier de mettre fin au processus d’analyse. […] Elle refuse de signer un engagement assurant que les travaux ne causeront aucun préjudice important aux bélugas. […] Le Ministre ne s’interroge pas plus avant pour savoir s’il est possible de retarder les travaux.
[103] Le Ministre décide alors qu’il lui faut un avis scientifique de la Direction des sciences du MPO. Il n’obtient pas cet avis. […] Il change sa position et signe le certificat d’autorisation. Rien dans la preuve actuellement n’explique ce revirement de situation. […]
De ne pas avoir l’air de se réveiller avant le 15 octobre, ça aurait eu l’air un peu fou… alors le ministre s’est réveillé le 14, en fin d’après-midi. La nouvelle en a du moins été annoncée à 17h30. Bingo! Quel gouvernement efficace nous avons là…
La semaine dernière, le ministère de l’Environnement avait rappelé la société pétrolière à l’ordre en lui demandant de faire moins de bruit pour ne pas nuire aux bélugas.
Le ministère a estimé mercredi que l’entreprise albertaine ne s’est pas conformée à cette demande et qu’elle ne pourra reprendre ses travaux de sondage géotechnique tant que son plan de travail n’aura pas été révisé et jugé «acceptable». – La Presse Canadienne, 15 octobre
À défaut de sentir les hydrocarbures, ça sent l’improvisation et la désorganisation à plein nez au niveau du ministère de l’environnement et des hydrocarbures…
Et si les prix continuent de chuter, peut-être les écolos l’emporteront-ils par défaut?
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[1] Le logo – le vrai – de TransCanada Pipelines, c’est: TransCanada – in business to deliver. Sauf que la delivery, ici, n’a vraiment rien d’une délivrance pour les bélugas, dont la population aurait fondu de 15% depuis 2001.
@Papitibi
Comment dire…! Bon voici. En lisant votre texte se matin je suis «flabergasté» par son à-propos. Là partie qui me réjouit le plus est celle-ci :« pour l’instant, du moins: le coût de développement et d’extraction excède déjà la valeur sur le marché.»:
Au départ on imagine bien que les bélugas (Le nom béluga vient du mot russe beloye, qui signifie « blanc ») n’ont aucune chance contre la puissance monétaire et pourtant, le droit canadien et québécois existe pour des causes semblables.
Ces cétacés sont des mammifères qui ont des millions d’années derrières la cravates. Ils ont développés au cours du temps un des sonars les plus sophistiqués de tous les cétacés (Pour se nourrir, le béluga plonge généralement de 3 à 5 minutes, mais il peut retenir sa respiration pendant 20 minutes)
Pas besoin d’avoir un doctorat en «poissonnerie» pour comprendre qu’il ne faut pas installer notre gros cul «mardeux» dans leur pouponnière. (Une femelle béluga regagne années après années toujours le même territoire estival)
La population de l’estuaire du Saint-Laurent est estimée à environ 900 individus. Juste cette année, on a retrouvé autour de 12 jeunes bélugas morts (Les petits restent sous la protection de la mère deux ans durant.) Ce qui est considéré comme à la limite du cataclysme.
Qu’un mammifère marin ait la propriété d’imiter ma voix, me rend aphone d’admiration (certains béluga seraient en mesure d’émettre des sons dont la ressemblance avec la voix humaine est frappante). Ce qui n’est pas le cas en ce qui concerne nos bouseux du pétrole.
Je termine par une question. Le port le plus profond au Canada, se trouve à Sept-îles. Ce port accueille entre autre des minéraliers qui sont si gros que tout autre bateau à côté ressemble à une chaloupe. Qu’est-ce que ce serait que d’allonger un pipeline jusqu’à cette destination naturelle?
On a déjà fait l’erreur de localisation pour l’aéroport Mirabelle allons nous faire l’erreur de localisation d’un terminal pétrolier dans la pouponnière de Cacouna qui est en elle-même une source de revenu touristique?
@Papitibi 16 octobre 2014 «Et si les prix continuent de chuter, peut-être les écolos l’emporteront-ils par défaut?»
Bravo encore une fois pour cette autre excellente analyse qui s’est avérée. 😉
@ Bernard
Dans mon jeune temps et dans nos vieilles maisons, il y avait Monsieur Surprise, Michel le magicien, Picolo, Bobino, Béliveau, Pépinot et Capucine. Ça tombe comme des mouches, depuis une semaine; les voilà tous morts.
Mais Fanfan « toujours le vainqueur » a survécu à l’hécatombe et s’est réincarné en Papy « toujours-a-raison« .
Je n’ai aucun mérite… c’est un don! 😉