“L’inquiétude de la «montréalisation» de l’information n’est peut-être pas aussi fondée qu’on pourrait le croire. Pour certains, cette tendance n’existe tout simplement pas. C’est le cas de Daniel Giroux, secrétaire général du Centre d’études sur les médias (CEM), qui a expliqué que «ce phénomène n’existe pas puisque l’information dite montréalaise n’a pas remplacé les nouvelles locales dans les autres régions du Québec». – Lise Millette, 27 janvier 2009, tel que repris par Nathalie Collard (Cyberpresse) (1) le 5 novembre 2010
Le secrétaire général du Centre d’étude sur les médias, est vraiment mal informé. Ou alors, il vit dans sa bulle. À moins qu’il ne soit carrément de mauvaise foi. Peu importe. Il est dans les patates!
Il ne tient compte que des seuls marchés desservis par des journaux régionaux de la famille Gesca, comme si le Québec des régions se limitait à ces seuls marchés.
Le site Trente.ca, « le blogue du journalisme », a publié ce 4 novembre , une analyse de Jean-François Parent dont je cite cet extrait:
Premier constat : 53 % des membres réguliers de la FPJQ, soit 827 personnes, résident sur l’île de Montréal. La population montréalaise, avec 1,9 million d’habitants, ne compte que le quart des Québécois. La Vieille Capitale en compte 156, ou 10 % de l’effectif de la Fédé. C’est sensiblement la même proportion que son poids démographique, qui compte pour près de 9 % de la population québécoise.
Le journalisme serait donc montréalais, ou à tout le moins montréalisé? Parce que les journalistes rapportent d’abord et avant tout ce qu’ils voient et ce qui les entoure, le fait que la moitié d’entre eux habitent sur l’île est certain d’avoir une influence certaine sur la couverture médiatique.
Voilà ce que Daniel Giroux n’a pas été en mesure de constater.
Par contre, il ne faut pas tomber dans l’excès contraire. Jean-François Parent poursuivait comme suit:
C’est d’ailleurs ce que déplore Philippe Martin, auteur du blogue la Clique du Plateau… « On dirait que pour que ça soit bon, il faut que ça vienne de Montréal », observe-t-il, citant l’exemple de sujets qu’il juge typiquement « montréalais » ayant fait le tour des médias régionaux dans la dernière année, comme l’élevage de poules à Montréal ou le décès de la chanteuse Lhasa de Sela en début d’année.
Wô! L’élevage des poules à Montréal, ça, c’est typiquement montréaleux, tout comme il est également typiquement montréaleux d’estimer que le sujet des poules de Mourial intéressera nécessairement les habitants de New Richmond ou d’Alma. C’est d’intérêt purement local. À Baie Comeau ou à Matagami, on n’en a rien à cirer des élevages de poules à Montréal. Mais si l’auteur du blogue de la Clique du Plateau ne connaissait pas suffisamment Lhasa de Sela pour savoir que son décès a a attristé ses fans à Londres, à Paris, à Berlin, à San Francisco et à Rouyn-Noranda, c’est qu’il est pas très cultivé, le Philippe dit du Platôôôô!
Oui, l’information est montréalisée
En Abitibi-Témiscamingue, il est plus facile de s’informer d’un meurtre survenu dans le quartier St-Léonard, à Montréal, que de s’informer du meurtre survenu chez le quatrième voisin. Bien sûr, il y a des journaux régionaux, en Abitibi et au Témiscamingue, mais ce sont des hebdomadaires à vocation strictement régionale. On n’y trouvera pas, comme dans la Presse ou le Devoir, un bouquet de nouvelles locales, régionales, nationales et internationales.
Est-ce que Cyberpresse offre un contenu montréaliste? Sûrement. Et ce, même si ses pages s’ouvrent aussi au Soleil, au Quotidien, au Droit, au Nouvelliste, à La Tribune ou à la Voix de l’Est.
Mais pour un résident de Rimouski, Baie-Comeau ou Amos, Cyberpresse ne fournit pas d’information régionale qui puisse l’intéresser, lui.
Le blogue de l’édito traite de quoi? Des six derniers billets, deux traitent de sujets typiquement montréalais – le silo no. 5 et les querelles Tremblay-Bergeron. Montréalais de souche, exilé en Abitibi depuis plus de 35 ans, je m’intéresse QUAND MÊME au sort du silo #5, mais qu’on ne vienne pas nous faire croire que Cyberpresse distille une information et livre des éditoriaux territorialement équilibrés. C’est faux.
Les bulletins de nouvelles de TVA / LCN, que m’apprennent-ils? Qu’un bébé a été secoué sur la rue Garnier, à Montréal? Mais quand ça survient à Val d’Or ou à Sept-Îles, est-ce qu’on en parle? Non. C’est un peu moins pire à Radio-Canada; le reporter itinérant Francis Labbé, à qui j’ai déjà donné une entrevue, couvre le Nord, l’Abitibi… et parfois aussi la grande région de Montréal.
La radio de la SRC fait également une revue des régions. Mais il demeure toujours plus facile pour un auditeur d’Amos d’apprendre à la radio de Radio-Canada les états d’âme du maire Gérald Tremblay de Montréal que l’opinion du maire d’Amos, Ulrick Chérubin (oui, oui, son nom trahit ses origines haitiennes). Mais est-ce qu’un auditeur du quartier Ahuntsic, à Montréal, peut entendre à la radio de Radio Can un reportage sur ce qui se passe à l’hôtel de ville d’Amos?
Heu… Je ne pense pas.
Et l’autre soit-disant expert qui vient nous dire que le phénomène de la montréalisation de l’information n’existe pas au Québec? Ça paraît qu’il ne vit pas à Mont-Laurier ou à Rouyn-Noranda, celui-là!
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(1) Le sujet de ce billet est inspiré d’un commentaire que j’ai soumis pour publication sur le blogue de Nathalie Collard, le 7 novembre. Pour les fins du présent billet, j’ai ajouté quelques citations et deux ou trois commentaires de mon cru. Un pupitreur plus ou moins ignorant, ou un autre goujat de même calibre, ou peut-être madame Collard elle-même, aura jugé mes commentaires « non publiables », et ce, pour des motifs encore moins publiables.
J’aimais bien Cyberpresse, mais Cyberpresse a cessé d’être un lieu d’échanges civilisés, avant de cesser d’être un lieu d’échanges et de s’enliser dans la médiocrité.
Quoiqu’il en soit, madame Collard, je salue en vous ce parangon de la liberté d’expression et vous transmets l’expression de mes plus respectueux hommages.
Chose certaine, le Téléjournal de RDI et R.-C. porte beaucoup plus attention à ce qui se passe à Montréal que dans nos régions. De plus, ce bulletin de nouvelles, qui diffuse environ une demi-heure d’information pour une émission de soixante minutes, ne porte pas beaucoup d’attention à la scène internationale. Lorsqu’on le compare à BBC, ça fait vraiment pitié.
Et c’est quoi cet entêtement à nous présenter des capsules artistiques pendant 10 minutes? Et le sport? Et deux séances de prévisions météo?
lutopium,
Vous avez mis les doigts sur plusieurs bobos, à la télé et à la radio, à tout le moins.
Pour les hebdos régionaux, ça ne se passe pas trop mal.
Il faudrait que les réseaux de télé fassent comme CBC et laissent aux journalistes locaux un temps d’antenne pour commenter la nouvelle locale, comme cela se fait à Montréal avant ou après les nouvelles nationales provenant des studios de Toronto…
Comment peut-on parler d’information sans mentionner Le Devoir ? Le Devoir serait Montréal-centriste ? Je pense pas.
Pour les feuilles de choux, je ne les lis pas. Parfois je les diagonalise avec un trou de beigne chez Tim Harper. 😉
Jean Émard
Les gaz de schistes, le nouveau Colisé à Québec sont omniprésent dans les médias et ne sont pas des sujets Montréalais.
Ceci étant dit je suis tout à fait d’accord pour une meilleure couverture des régions dans nos nouvelles.
Jean Émard
J’étais persuadée que tout cela était un mythe, une légende répétée inlassablement par les consanguins…
Moi, tout ce que je voudrais savoir de ma localité, c’est si je peux ou non boire l’eau du robinet, si le maire est con, le reste, M Roger Langlois qui a survécu à son cancer, ça ne m’intéresse pas.
Pour ceuze qui veulent du local!
http://www.la-vie-rurale.ca/
« Il ne tient compte que des seuls marchés desservis par des journaux régionaux de la famille Gesca, comme si le Québec des régions se limitait à ces seuls marchés. » papitibi
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Pour être équitable, il faudrait aussi mentionner les deux arguments qui suivent dans les paragraphes suivants: 1- l’enquête de la FPJQ et 2- l’étude de la CEM.
Jean Émard
Il y a une concentration des médias et donc des journalistes dans une ville comme Montréal, parce que la majorité des évènements et ce dans toutes les sphères de la société s’y déroulent.
Il se passe très peu de choses dans les régions, ou si parfois quelque-chose d’important se produit et qui touche une bonne partie de la population québecoise, alors-là , on retrouvera un résumé dans les pages du centre ou parfois même plus loin.
Il est vrai que la concentration des « reporters » dans la région montréalaise, fait en sorte que les régions éloignées se sentent un peu délaissées et incomprises.
@Carbo43
Admet-tu que les gaz de schistes qui est une question importante mais plutôt « régionale » que Montréalaise, à été couverte en détails par les médias ?
Jean Émard
La question de la «montréalisation» de l’information me laisse toujours perplexe. D’un côté, je suis d’accord. Il est indéniable qu’il y a une forte concentration de la nouvelle à Montréal. De l’autre, je ne suis pas vraiment sûr de ce que veulent les gens de l’extérieur de Montréal.
Par exemple, les gens des Îles-de-la-Madeleine veulent-ils vraiment plus de nouvelles de l’Estrie ? Et celles de la Mauricie, plus de nouvelles de la Côte-Nord ? Je pourrais continuer comme cela longtemps, il y a 17 régions administratives au Québec… Et plusieurs considèrent vivre dans une sous-région, comme les gens du Lac qui trouvent sûrement qu’on parle trop du Saguenay ! En fait, les gens voudraient qu’on parle d’eux…
J’habite le Plateau, et pourtant je ne trouve pas qu’on parle de moi quand on parle du Plateau. Je ne suis pas du tout intéressé quand on parle des artistes (profession de moins de 5 % des travailleurs de ce quartier) et des 221 journalistes qui y habitent… Les 95 % d’autres habitants subissent les quolibets de plein de gens à cause de cette popularité… Il y a plus de 100 000 habitants sur le Plateau, 7 fois plus qu’aux Îles-de-la-Madeleine, plus que dans toute cette région (Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine) et à peine 30 % de moins que dans toute l’Abitibi-Témiscamingue… Connaissez-vous l’arrondissement Ahuntsic-Cartierville ? Plus de 125 000 habitants, à peine 15 % de moins qu’en Abitibi-Témiscamingue… Quand en parle-t-on aux nouvelles ?
Bref, oui, on parle sûrement trop Montréal aux nouvelles, mais il y a bien d’autres lacunes à dénoncer, comme l’a mentionné d’entrée de jeu Lutopium. Moi, je ne les regarde plus à la télé parce que j’y entends bien trop de faits divers et d’anecdotes. Quand elles sont dans le journal, je n’ai qu’à passer à la nouvelle suivante, ce qu’on ne peut pas faire à la télé. Je m’ennuie presque des nouvelles que j’écoutais lors de la dernière grève des journalistes de Radio-Canada…
Et oui, j’avais lu avec intérêt des articles sur la manifestation à Ville-Marie avant de lire le billet de Papitibi, ai entendu parler des manifestations contre l’uranium sur la Côte-Nord et de la démolition de l’hôpital de Baie-St-Paul ! Par contre, j’ai sauté tous les articles sur les poulets du Plateau !
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Voici la une de Rue Fontenac (version papier) cette semaine :
Le Témiscamingue sacrifié ?
Voir http://ruefrontenac.com/nouvelles-generales/societe/30336-temiscamingue en descendant un peu dans la page. Il y a aussi un des articles sur le web :
http://ruefrontenac.com/nouvelles-generales/societe/30336-temiscamingue
En passant, il y avait trois ou quatre articles sur le sujet.
Merci, Darwin. J’ai transmis le lien à quelques Témiscamiens de chousse!
J’ai connu autrefois, à l’ancien Tribunal de l’expropriation, un agronome du nom de Marc Laforce; il était assesseur et siégeait en tendem avec l’un ou l’autre des juges Savard, (André) Deslongchamps, Dussault et (Paul) Trudeau. C’est en l’honneur de son père à lui que le village de Laforce a été ainsi baptisé.
J’ai rendu quelques décisions qui concernaient des résidents de Laforce; les témoignages que j’avais entendus confirmaient la dégradation constante des ressources que pouvait offrir cette communauté vieillissante à ses habitants.
Laforce, Moffet, Latulipe et Belleterre sont situées dans la partie Est du Témiscamingue, à l’écart des grands axes routiers et très loin de la route 101 qui relie Rouyn-Noranda à Temiscaming en longeant la frontière ontarienne. Au sud de la ville de Temiscaming, il n’y a plus de route au Québec, il faut traverser en Ontario pour aller du Témiscamingue au Pontiac. Dire qu’au début de la colonie, le Palais de justice était situé à Campbell’s Bay, dans le Pontiac; les gens devaient donc passer par l’Ontario, de Thorne jusqu’à Pembrooke, avant de revenir au Québec et d’aboutir dans le Pontiac.
Depuis des décennies, l’Est du Témis se bat pour être relié à Val d’Or ou encore, en passant plus au sud, à la Route 117 à la hauteur de la Réserve faunique La Vérendrye. Il y a déjà des chemins forestiers. À terme, ces 4 communautés vont s’éteindre; il n’y a plus d’emplois non agricoles. La mine de Belleterre a fermé il y a plus de 50 ans (c’est le sous-sol de l’Abitibi qui est riche, pas celui du Témis) et la forêt, ouin. Quant au tourisme, faute d’être accessible, cette partie du comté n’en reçoit pas beaucoup.
On ouvre des terres à la colonisation, à des fins d’occupation du territoire ou d’exploitation de la ressources. Quand il n’y en a plus, le gouvernement se désengage et laisse les populations s’étioler et mourir.
Ça fait chier!
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