Le Washington Post est né en 1877… un peu moins de 100 ans APRÈS The Montreal Gazette, une publication d’abord publiée exclusivement en français. Avant de devenir belinguale. Puis… mais c’est du WaPo qu’il sera question ici.
En 1933, un banquier d’allégeance républicaine – Eugene Meyer – s’en porte acquéreur au prix de 825000$, après que ses propriétaires eurent fait faillite.
De Eugene Meyer à Philip L. Graham à Katharine Graham [1] à Donald E. Graham à Katharine Weymouth, la question n’tait pas de savoir SI mais plutôt de savoir QUAND le flambeau être transmis d’une génération à l’autre. Jusqu’à ce lundi, date à laquelle la famille Graham – ces icônes à la fois pour Washington et pour le journal, ont fait part de cette décision étonnante: le Post fera mieux avec quelqu’un d’autre à sa tête. – The Washington Post, 5 août 2013
Dans une lettre ouverte qu’elle adressait à ses lecteurs, Katharine Weymouth – l’héritière des Graham – écrivait;
Un jour est venu que ni ma famille ni moi n’avions pu imaginer: La Washington Post Company vend le journal qu’elle a possédé et dont elle a soutenu le développement au cours des huit dernières décennies.
[…] L’acquéreur est l’un des grands innovateurs et chefs d’entreprise les plus respectés, Jeff Bezos, PDG et fondateur de Amazon.com. M. Bezos procède à cette acquisition à titre personnel.
C’est avec le coeur gros que les membres du conseil d’administration, incluant mon oncle et président Don Graham, ont pris cette décision, mais ils l’ont fait avec la conviction que la cession à M. Bezos représente une occasion exceptionnelle à la fois pour le Washington Post et pour vous, nos lecteurs.
[…] plus particulièrement au cours des quatre dernières décennies, le Washington Post s’est donné à travers le monde la réputation d’un journalisme agressif, éclairé, perspicace et essentiel. L’investissement de M. Bezos permettra de poursuivre cette tradition.
[…] M. Bezos m’a demandé de demeurer à titre d’éditrice et de chef de la direction du Post; j’en suis honorée. Notre mission ne changera pas. Ni les valeurs qui ont forgé le message que nous livrons depuis des décennies. M. Bezos adhère aux principes qui ont guidé l’intendance de ce grand organe de presse par la famille Graham.
Un commentaire du nouveau proprio:
« Il y aurait eu des changements de toute façon, avec ou sans nouveau propriétaire. L’élément-clé à retenir, c’est que les valeurs du Post, elles, n’ont pas besoin de changer. La responsabilité d’un journal reste envers ses lecteurs, et non envers ses propriétaires. » – Radio-Canada, 5 août 2013
Il ne fait aucun doute que le profil entrepreneurial de Jeff Bezos correspond en tous points aux attentes les plus extravagantes. L’homme SAIT vendre. Et contrairement aux propriétaires de la Montreal Maine & Maritime Railway, Bezos n’aura pas besoin de gratter jusqu’au dernier peso pour rentabiliser l’entreprise. Il n’a pas besoin des profits du Post; en revanche, le prestige rattaché à cette entreprise de presse mythique pourrait lui faire belle jambe.
On prête au Post un biais gauchiste. Certes, il a prêché en éditorial pour l’élection en 2008 et pour la réélection en 2012 de Barack Obama. Mais il s’est également régulièrement prononcé en faveur de certaines candidatures républicaines. Le 26 mars 2007, Chris Matthews affirmait dans le cadre de l’émission à qui il prêtait alors son nom, « Well, le Washington Post n’est plus l’organe de gauche qu’il était; je le lis depuis des années et c’est un journal néo-conservateur ». Sur les fronts de l’économie et de la politique étrangère, le Post affiche des positions conservatrices; dans le cadre de la série Buyng the War, diffusée sur les ondes de PBS, Bill Moyers rappelait 27 éditoriaux du Post en faveur de l’invasion de l’Iraq. – Wikipedia
M’enfin… les collaborateurs de ce journal cumulent un total de 47 prix Pulitzer, dont six pour la seule année 2008. L’image qui coiffe ce billet montre Carl Bernstein et Bob Woodward, ce duo qui avait fait mis au jour le scandale du Watergate et précipité la chute de Nixon. Entre les deux, Katharine Graham… dont le bouquin Personal History demeure disponible sur Amazon.com. Pas cher…
La boucle est bouclée…
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[1] Catharine Graham, née Meyer, était la fille d’Eugene Meyer; le journal est passé aux mains de Philip L. Graham, son conjoint. Elle a hérité du journal quand Philip s’est enlevé la vie, et elle en présidait les destinées à l’époque où le Wapo a coulé certaines portions des Pentagon Papers et fit ses choux gras avec le scandale du Watergate.